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Depuis plus d’un mois, l’or se voit particulièrement chahuté pour de nombreuses raisons politiques et économiques, alors même qu’il avait connu une très belle progression durant les trois premiers trimestres de l’année. Si certains économistes prédisent une poursuite durable de la chute des cours du métal jaune, jusqu’à des niveaux dramatiquement bas, d’autres au contraire parient sur une remontée brutale pour atteindre, voire dépasser, des extrêmes qu’on n’a plus vus depuis 2012. En réalité, il y a de grandes chances pour que l’or continue à osciller dans des limites bien plus raisonnables, tout simplement parce que le modèle économique sous-jacent ne permet plus vraiment les excès du passé.

L’or ne peut pas continuer à baisser indéfiniment

La barrière en-dessous de laquelle l’or aura beaucoup de mal à descendre correspond aux coûts d’extraction que doivent supporter les entreprises minières. Traditionnellement, on fixe ces coûts à 900 dollars l’once, mais cette évaluation mérite d’être nuancée. Tout d’abord, il faut savoir que c’est la seule production qui est estimée à 900 dollars par once, une estimation qui ne prend donc pas en compte les coûts annexes tels que ceux induits par la construction proprement dite de la mine, la mise en place d’infrastructures d’accès et d’acheminement (réseau routier), la surveillance des installations,  les intermédiaires de distribution… sans oublier la réhabilitation du site après la fermeture de la mine (qu’il convient généralement de provisionner dès le début de l’exploitation). Au total, on est plus près des 1100 dollars l’once (estimation de Barclays), même si cette somme fluctue suivant les exploitations (en moyenne 1000 dollars en Australie, 1200 à 1300 en Afrique du Sud… ou encore 358 en Russie !).

Actuellement, l’or se négocie aux alentours de 1170 dollars l’once, donc très près de sa limite théorique. Certes, les coûts d’exploitation réels ont explosé durant ces 15 dernières années, passant d’un peu moins de 300 dollars l’once en 2000 à plus de 1000 aujourd’hui, le plus souvent à cause de politiques d’investissement et de dépenses inconsidérées de la part des entreprises minières elles-mêmes. Toutefois, même s’il y a sans doute un peu de gras qu’on peut enlever, il est fort peu probable qu’on puisse revenir ne serait-ce qu’au niveau des années 2010-2011 (où l’or coûtait en moyenne deux fois moins cher à extraire qu’aujourd’hui).

Par conséquent, si l’or devait continuer à baisser, il ne pourrait guère perdre plus de 10 à 15% par rapport à son niveau actuel. Et même s’il descendait en-deçà de cette limite, un ajustement se produirait très rapidement du fait de la fermeture d’un grand nombre de mines devenues trop déficitaires, créant du même coup une pénurie à moyen terme… qui entraînerait une remontée mécanique des cours.

L’or aura du mal à retrouver ses niveaux les plus élevés de 2011-2012

De la même façon, en dépit des rêves dorés de quelques experts qui voient déjà l’or à 5 000, voire 10 000 dollars l’once, une telle perspective n’a pas de sens sauf en cas d’effondrement des monnaie ou encore de retour à une indexation de l’économie réelle sur les métaux précieux. Dans tous les autres cas (c’est à dire les situations les plus probables, dans le prolongement de celle que nous vivons aujourd’hui), l’or pourrait tout juste atteindre son plus haut de fin 2011, soit 2000 dollars l’once environ.

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Cette limite de 2000 euros, même si elle peut sembler arbitraire au premier abord, correspond en réalité à une projection assez optimiste, compte tenu de la très forte progression de la masse monétaire couplée à une inflation désormais au ras des pâquerettes. En effet, si historiquement l’abus de la planche à billets a toujours suscité de l’inflation, elle-même créant mécaniquement un réflexe de protection du patrimoine en faveur de l’or, on se rend compte que depuis quelque temps, qu’il s’agisse de la FED ou de la BCE, les largesses inconsidérées des banques centrales tendent désormais à réduire l’inflation. Or, on sait que d’une manière générale, l’absence d’inflation entraîne un désengagement des valeurs refuge, et donc une baisse des cours de l’or. C’est d’ailleurs exactement ce qui s’est passé en 2012, après le pic historique au-delà des 1900 dollars l’once : la masse monétaire commençait à devenir colossale mais au lieu de rester dans les banques, elle est partie alimenter les marchés actions par le biais des citoyens qui n’avaient pas digéré la crise de 2008 et préféraient désormais épargner loin des banques qui ne leur inspiraient plus confiance.

Depuis, cette situation s’est quelque peu déportée vers le marché obligataire, par le biais du quantitative easing et du rachat massif des dettes d’État par les banques centrales. mais le résultat est le même : les banques qui devaient bénéficier de l’essentiel de cette manne financière afin qu’elles puissent redynamiser l’économie par le crédit, ont finalement reçu de moins en moins d’argent. Conséquence directe, la croissance des prêts a ralenti, voire a pu s’inverser, et ce en dépit des taux d’intérêt au plus bas de toute l’histoire.

De leur côté, les particuliers comme les entreprises se voient donc partiellement privés des liquidités qui auraient pu leur servir à investir notamment. Mobilisée sur des placement plutôt qu’utilisée à des fins de production ou de consommation, la monnaie a alors vu sa vitesse de circulation diminuer jour après jour, entraînant un risque croissant de déflation… fortement défavorable à l’or et aux matières premières.

Ainsi, même un prix de 2000 dollars l’once semble presque impossible à atteindre dans le contexte actuel, après cinq ans durant lesquels on aura étouffé l’économie sous une masse monétaire monstrueusement excédentaire. Laquelle aura en fin de compte servi à faire gonfler quelques bulles ici ou là, et soutenir le marché actions en dépit de la survenue de plusieurs évènements majeurs qui auraient dû, au contraire, avoir des répercussions négatives sur les indices boursiers (montée du populisme, y compris aux États-Unis, Brexit, crise institutionnelle en zone euro et notamment en Italie ces derniers jours, etc.)

Par conséquent, on peut s’attendre durant les mois à venir (les années ?) à voir l’or évoluer entre 1000 et 1600 dollars l’once… sauf en cas de crise systémique grave qui pourrait alors bouleverser tous les mécanismes économiques actuels et ramener les capitaux dans le giron de l’or d’investissement, seul actif dont la capacité à préserver le patrimoine n’a finalement jamais été prise en défaut depuis maintenant des millénaires.

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Anthony Alberti
Entrepreneur depuis vingt ans dans le domaine de la communication et l'information stratégique, il a été amené à travailler plusieurs fois en partenariat avec des banques et des assurances, dont la principale matière d'œuvre était constituée de l'argent des épargnants. Peu complaisant à l'égard de leurs pratiques dont il a entrevu les coulisses, il délivre aujourd'hui régulièrement son analyse sans concession (et souvent piquante) non seulement sur les agissements des professionnels de la finance, mais aussi de tous ceux qui, de près ou de loin, se font les auteurs ou les complices des manipulations qui spolient chaque jour un peu plus les honnêtes citoyens.

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