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Crise par-ci, récession par-là… Tant que ces grands mots ne touchent pas directement le porte-monnaie de la ménagère, ils restent nimbés dans un halo flou et lointain… Aussi, pour ne pas réveiller le bon peuple de sa somnolence l’enrobe-t-on de mots douillets comme croissance. L’exact contraire de nos aspirations sur loretlargent.info. Charles Sannat, Directeur des études économiques d’AuCOFFRE.com participe au grand réveil des consciences et des mentalités que nous souhaitons. Réveillez-vous : la croissance n’est pas possible !

Loretlargent.info : Que se passerait-il si la croissance était possible en France ?
Charles Sannat : Qui dit croissance, dit surplus de richesses. Si l’on croît, alors on pourrait tout simplement rembourser les dettes avec ce surplus et régler ce problème qui empoisonne les états.
Or pour qu’il y ait de la croissance, il faut qu’il y ait de la dette, raisonnablement. Mais nous sommes déjà trop endettés, nous vivons un problème d’endettement majeur, nous avons atteint un plafond.

Loretlargent.info : Comment cela se traduit-il par exemple au niveau des ménages ?
Charles Sannat : Prenons un exemple, M. et Me Martin ont 37 et 35 ans, 2 enfants, ils travaillent et gagnent tous les deux 1500€ net par mois, soit un revenu moyen pour le ménage  de 3000€ (ce qui est la moyenne des foyers français).
Ils ont acheté une maison en province à 150 000€ et doivent rembourser 1200€ de crédit sur 25 ans, ce qui représente un taux d’effort de 40%. C’est bien plus que le seuil des 33% autorisé par les banques. Ce couple est donc « au taquet » d’endettement.

Loretlargent.info : Mais cette situation pourrait changer si leurs salaires augmentaient ?
Charles Sannat : Justement, les salaires ne peuvent plus être augmentés. M. et Me Martin sont prisonniers de leur situation et vivent une crise de surendettement. En utilisant à 100% leur capacité d’épargne, ils ne peuvent pas consommer plus, ni même prévoir quelques coups du sort du type soins médicaux onéreux, réparations… Ils ont atteint ce que l’on appelle un plafond de verre, indépassable… Il suffit de multiplier cette situation par 65 millions de foyers, américains et européens, pour comprendre qu’elle est d’ampleur gigantesque.

Loretlargent.info : Que faudrait-il pour que le revenu de chaque foyer augmente ?
Charles Sannat : Pour que les salaires augmentent, il n’y a pas 36 solutions.
Il faudrait stopper la mondialisation, les progrès techniques, car c’est ça qui fait baisser les salaires actuellement. Car si le miracle de la délocalisation permet des prix extrêmement attractifs sur les chaussures par exemple, il tire également les salaires vers le bas.
Si l’on appliquait les solutions de protectionnisme revendiquées par les partis extrêmes en interdisant par exemple l’importation de chaussures fabriquées en Chine, la France devrait se remettre à produire des chaussures. Or la France n’est absolument pas équipée pour chausser 65 millions de paires de pieds. On manquerait de main d’œuvre, il n’y aurait pratiquement pas de chaussures pendant trois ans, les boutiques seraient vides, nous connaîtrions alors des pénuries phénoménales, rien que pour ce produit. Les entreprises délocalisées en Chine seraient nationalisées, ce serait une catastrophe économique…

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Loretlargent.info : N’y a-t-il pas une autre alternative ?
Charles Sannat : Pour augmenter les salaires, on peut aussi diminuer la compétitivité des entreprises mais ce n’est pas une solution à long terme. Il y aurait une période de relance de quelques mois, qui serait automatiquement suivie de chômage.
Aucune de ces solutions ne fonctionnerait. Appliquer un protectionnisme au niveau européen ? Les Allemands qui sont de grands exportateurs s’y opposeraient. Il faudrait beaucoup de temps et de compromis pour mettre en place un protectionnisme progressif et intelligent et ce timing n’est pas celui d’un système prêt à exploser !

Loretlargent.info : Entre rigueur et croissance, qu’est-ce qui peut le mieux marcher ?
Charles Sannat : Il y a trois ans, il y a eu des tentatives de relance économique par des mesures très positives comme la prime à la casse, mais elles n’ont pas marché. Alors on a eu la « rilance », un concept Lagardien se situant entre rigueur et relance, sauf que la rigueur nous entraine en récession. Alors vite, on fait de la croissance, pour qu’on se rende compte à la fin que la relance par la rigueur et la croissance, ça ne marche pas.

Loretlargent.info : Ce problème est-il propre à la zone euro ?
Charles Sannat : Non, les Etats-Unis relancent depuis 2008 en empruntant 10% de leur PIB pour obtenir une croissance de 1,9.
Voici le calcul qu’il faut retenir : 10 – 2 = 8.
Qu’est-ce que cela signifie ? Que pour créer 2 de richesse, il faut en dépenser 10. Si l’on ne dépensait pas ces 10, on serait à 8 de récession.

Loretlargent.info : Quelle est votre conclusion sur ce chapitre de la croissance ?
Charles Sannat : Le monde ne pourra s’en sortir qu’avec une récession majeure et massive. Les récessions ne sont que le reflet des croissances précédentes. Les bulles immobilières formidables qui se sont constituées autour de l’immobilier par exemple, sont en train d’exploser, comme c’est le cas en Espagne et comme ça sera le cas en France et elles siphonnent la capacité d’endettement, empêchant les foyers de consommer pendant 25 ans.

Lire aussi notre dossier « La croissance est-elle une utopie ? »

Et l’édito du Contrarien Matin du 12/06/2012

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Jean-François Faure
Jean-François Faure. Président d’AuCOFFRE.com. Voir la biographie.

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