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À l’heure où on demande à la France de faire enfin les réformes profondes qui lui permettront, notamment, de redevenir moteur dans la construction européenne, certains s’interrogent sur la capacité du modèle social français à s’adapter aux nouvelles contraintes en matière d’emploi. En effet, dans un pays où la totalité de la production n’est plus assurée que par 30% de la population, et où le poids de la dépense publique dépasse désormais 6 mois de salaire moyen brut (18000 € par an et par habitant), sans doute faut-il repenser notre manière de traiter le problème du chômage.

En février dernier, l’Institut Kervegan publiait une étude particulièrement intéressante sur la manière dont la France gérait sa politique sociale en matière d’emploi notamment. Et la conclusion évidente était que notre modèle social, né des ruines de la Seconde Guerre Mondiale, n’était plus du tout adapté à notre réalité du XXIe siècle.

Le modèle social français face aux défis de l’emploi du XXIe siècle

Récemment, le premier ministre italien Matteo Renzi expliquait que la France n’était plus le pays moteur de l’Europe qu’elle avait pu être jadis, tout simplement parce qu’elle n’avait plus les moyens de ses ambitions. Et il savait de quoi il parlait puisque lui-même avait dû réformer en profondeur son pays, alors exsangue il y a à peine 4 ou 5 ans, et le pousser vers un nouveau modèle économique et social plus en phase avec la réalité du monde d’aujourd’hui. Alors certes, la Loi Travail tant décriée (et désormais totalement vidée de sa substance grâce aux travail de sape du conservatisme syndical accroché à ses privilèges d’un autre âge) donnait le sentiment de vouloir profiter de l’expérience transalpine : flexibilité du contrat de travail, allègement normatif, renforcement du rôle de la négociation dans les entreprises… Mais on sait aujourd’hui que rien de tout cela ne verra le jour. Parce que les défenseurs du modèle social français restent persuadés qu’il a toujours les mêmes vertus qu’il y a 70 ans.

Or, c’est totalement faux. Aujourd’hui, on le sait, on le constate tous les jours, le modèle français n’est plus du tout efficace face aux nouveaux défis posé par l’emploi en général, et par le traitement du chômage en particulier. Ce système ne permet plus de financer la protection sociale et sa viabilité-même est fortement compromise à très brève échéance. Le problème est d’ailleurs identique dans le cas des retraites… De leur côté, tandis que quelques nostalgiques de l’éco-socialisme à la papa s’acharnent à maintenir le modèle français éculé sous respiration artificielle, les citoyens français ont bien conscience que leur pays était condamné. Comment alors ne pas comprendre leur découragement et leur pessimisme, leur perte de confiance vis à vis des politiciens comme des institutions, et pire encore leur total désengagement vis-à-vis du collectif.

Un modèle juste au départ mais qui n’a pas su évoluer

Aujourd’hui, le Français est préoccupé par une seule chose : son avenir à court terme. Pour autant, nous sommes tellement habitués à l’immobilisme social dans lequel notre pays baigne depuis des décennies qu’on a du mal à envisager de changer notre système de protection sociale, bien qu’on sache pertinemment qu’il ne peut plus contrer les effets délétères du chômage. Sans doute parce que nous avons fini par être totalement infantilisés par cet État Providence qui nous promettait, ad vitam æternam, le droit à une retraite pour tous, la gratuité des soins et l’assurance chômage pour pallier les inévitables évolutions économiques qui naîtraient du fossé de plus en plus large entre un monde qui bouge et une France qui continuerait à entretenir l’illusion d’un modèle intérieur parfait.

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Et c’est vrai qu’au début, ce modèle social semblait parfait. Né des réformes de 1945 mises en place par le Général de Gaulle et le gouvernement issu du Conseil National de la Résistance, il s’inspirait de considérations justes et généreuses que n’auraient pas reniées les rédacteurs de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Liberté, égalité, fraternité auxquelles sont venues se greffer l’assistance aux handicapés, la mise en place d’un salaire minimum, l’attribution de minima sociaux, le tout assuré par une Fonction Publique omniprésente et garante de la bonne répartition des richesses. Sauf que ce modèle est désormais trop ancien pour pouvoir s’adapter aux nombreux changement de notre nouvel environnement économique : globalisation des économies, insécurité de l’emploi (en particulier chez les jeunes), vieillissement général de la population et augmentation de la dépendance, passage d’une société industrielle à une société de la connaissance, etc.

Un système devenu aussi inégalitaire qu’inefficace

Malheureusement, ce nouvel environnement provoque également une montée des inégalités dans une société qui n’a pas su l’anticiper, à commencer par des inégalités d’accès travail liées à des formations inadaptées, mais aussi à des réflexes sociétaux dépassés qui pénalisent les jeunes, les vieux, les femmes… Car le modèle social français est non seulement ultra-conservateur en ce sens qu’il cultive les distinctions de statuts et la hiérarchie entre les citoyens (selon leur âge, leur sexe, leur origine sociale…) mais il est surtout arrivé à bout de souffle. Financé presque exclusivement sur les salaires il coûte de plus en plus cher (32 % du PIB, contre 25 % pour la moyenne de l’Union Européenne) sans plus pouvoir répondre aux exigences de protection qui justifieraient son maintien.

Pire, il devient injuste à cause d’une répartition qui finit par peser de plus en plus lourd sur un nombre de plus en plus retreint d’individus (la classe moyenne qui supporte à la fois l’essentiel de l’impôt sur le revenu et l’essentiel des prélèvements sociaux sur les revenus du travail), au profit d’un nombre de plus en plus élevé de bénéficiaires. Mais les plus défavorisés ne sont pas pour autant dans une meilleure situation car l’élargissement des conditions d’attributions de prestations sociales en général, et des allocations chômage en particulier, tendent à préserver les inégalités de revenus. Sans compter le déséquilibre croissant entre les contributions du secteur privé et celles du secteur public.

Des pistes de réflexion qui obligent à se remettre en question

Des groupes de réflexion, français mais aussi étrangers, ont alors commencé à envisager différentes solutions destinées à réformer notre modèle social en vue d’aider notre pays à (enfin !) effectuer sa transition depuis le monde industriel et agricole de l’après-guerre vers le monde de la technologie et de la flexibilité des années 2010-2020. À cet égard, certains n’ont pas hésité à remettre à plat tous les acquis de notre société en se demandant si, aujourd’hui, ils ne nous handicapaient pas davantage qu’ils ne nous profitaient. Et, des think-tanks français aux observateurs européens, en passant par les économistes du socio-libéralisme ou encore les experts en stratégie gouvernementale, leurs propositions ont en commun d’apporter des réponses claires (et à long terme !) aux problématiques françaises… mais aussi d’amener les Français à faire table rase du passé, au risque encore une fois de susciter la colère des plus conservateurs et des plus farouches partisans du corporatisme d’État. Quelques exemples réunis dans l’étude de l’Institut Kervegan :

  • Réduire la durée d’indemnisation pour porter l’effort sur la prévention  et la réinsertion
  • Encourager les demandeurs d’emploi à changer de secteur, de statut et de métier en organisant la transférabilité des qualifications
  • Aligner  les  cotisations  chômage  des  fonctionnaires pour rééquilibrer les contributions
  • Demander aux chômeurs d’assurer des services pour la collectivité
  • Maintenir les seniors dans l’emploi

Bien évidemment, tout n’arriverait pas en un jour et un changement des mentalités devra s’opérer à tous les niveaux de la société, depuis la formation jusqu’à la prise en compte des spécificités de chaque métier. Ne plus voir l’emploi comme un tout indistinct, mais au contraire comme la somme de plusieurs façons de travailler très différentes (salariat, indépendance, collaboration…). Il faudra également s’appliquer à développer des parcours de formation beaucoup plus en adéquation avec les besoins réels des entreprises, notamment pour les jeunes, quitte à impliquer ces mêmes entreprise directement et intiment dans le processus d’apprentissage des savoirs. Politiquement, nous auront sans doute également à repenser l’économie comme un cadre et non comme une contrainte, et comprendre enfin que la flexibilité n’est pas un affaiblissement de la protection des individus mais au contraire un renforcement de leur capacité à anticiper les évolutions des secteurs d’activités et des métiers.

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Anthony Alberti
Entrepreneur depuis vingt ans dans le domaine de la communication et l'information stratégique, il a été amené à travailler plusieurs fois en partenariat avec des banques et des assurances, dont la principale matière d'œuvre était constituée de l'argent des épargnants. Peu complaisant à l'égard de leurs pratiques dont il a entrevu les coulisses, il délivre aujourd'hui régulièrement son analyse sans concession (et souvent piquante) non seulement sur les agissements des professionnels de la finance, mais aussi de tous ceux qui, de près ou de loin, se font les auteurs ou les complices des manipulations qui spolient chaque jour un peu plus les honnêtes citoyens.

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