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Indépendamment des efforts, réels ou purement électoraux, consentis par nos autorités nationales et européennes pour améliorer les conditions de vie économique des citoyens, force est d’admettre que l’essentiel se joue bien au-delà des frontières de l’Union, et plus spécialement dans les pays producteurs de pétrole.

En effet, le pétrole reste le principal régulateur de la croissance mondiale, du fait notamment de l’extrême dépendance de nos économies occidentales vis-à-vis de l’or noir. Selon qu’il monte ou qu’il baisse, le cours du pétrole affecte non seulement le niveau de dépenses de l’industrie, du commerce, de la distribution, des transports, etc. , mais il influe aussi sur la bonne ou la mauvaise santé financière des pays importateurs dont nous faisons partie. Au final, et en fonction des ajustements politiques visant à atténuer éventuellement les effets de ces fluctuations sur notre quotidien, ce sont les citoyens qui voient leur pouvoir d’achat impacté par les caprices du brut.

La fin d’une longue période de baisse des prix

Ainsi, la chute des prix du baril de ces dix-huit derniers mois a permis aux Français de regagner 2% de pouvoir d’achat. Une bonne nouvelle qui n’en fut pas vraiment une pour les pays producteurs. L’ennui, c’est que, dans le même temps cette baisse a entraîné un fort ralentissement de l’inflation au point qu’on a même craint de voir l’économie de certains pays européens sombrer dans la déflation. Et si l’inflation mal maîtrisée n’est pas une bonne chose, la déflation n’en est pas une meilleure puisqu’elle se traduit immanquablement par une baisse de l’activité économique, ainsi qu’une hausse du chômage à défaut d’une baisse des salaires.

Actuellement, le pétrole oscille entre 50 et 55 dollars le baril, et à ce prix il est tout juste rentable pour la plupart des pays producteurs. Le 30 novembre dernier, les pays de l’Opep et la Russie se sont mis d’accord pour réduire leur production quotidienne de 1,2 million de barils afin de faire remonter les cours. Cet accord a d’ailleurs été plus ou moins provoqué par l’Iran dont l’objectif premier était en réalité bien éloigné des considérations économiques de l’Occident. Car, suprême paradoxe, si les pays producteurs vont bien réduire leur production, l’Iran en revanche va pouvoir augmenter la sienne ! Explication : durant des années, l’Iran a subi un embargo du fait de sa politique relativement inquiétante en matière de développement nucléaire. Largement impulsées par les États-Unis, ces restrictions n’en ont pas moins fait le bonheur de l’Arabie saoudite et de ses amis du Golfe (États Arabes Unis et Koweït) qui avaient alors pu augmenter leur production de 3 millions de barils par jour afin de compenser l’absence de pétrole iranien sur le marché. Désormais libéré de son embargo, l’Iran exige de revenir à son niveau de production de 2005, lorsqu’il était au plus haut, en contrepartie de quoi son ennemi juré, l’Arabie sunnite, devra sortir de ses puits 500 000 barils en moins chaque jour.

La hausse du pétrole va s’accompagner d’un retour de l’inflation

Quoi qu’il en soit, et loin de ces querelles pétro-communautaristes, la conséquence directe d’une augmentation du prix du pétrole sera une remontée des prix en Occident, et plus particulièrement en Europe qui reste presque exclusivement importatrice. Certains évoquent déjà le prix de 60 dollars le baril, ce qui est finalement très proche des niveaux actuels et qui pourrait, par conséquent aider à retrouver une inflation modérée que la BCE, notamment, cherche à provoquer par ailleurs. Mais c’est sans compter sur l’influence grandissante des Américains qui, redevenus producteurs eux-mêmes à la faveur des techniques d’extraction de pétrole de schiste, voient d’un assez bon œil la remontée de prix du brut. En effet, à 60 dollars le baril, le pétrole made in USA est rentable… mais à 80 dollars ce serait encore mieux ! Quant à l’Arabie saoudite, même si elle ronge son frein de devoir réduire sa production pour mieux favoriser celle de l’Iran, la perspective de voir remonter les cours du pétrole au-delà des prix cibles l’intéresse vivement car le pays souffre depuis quelques années de la baisse brutale de recettes liées à l’or noir (en 2016, la chute des cours à moins de 50 dollars le baril devrait creuser un déficit budgétaire de 87 milliards de dollars pour le leader de l’Opep).

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Mais la BCE veille… et ce n’est pas forcément positif

Au final, tout le monde travaille activement pour faire remonter le pétrole à des niveaux plus confortables à brève échéance. Or, à 80 dollars le baril, la situation en Europe deviendrait catastrophique, car l’inflation dépasserait alors les 2%, obligeant la BCE à activer les mécanismes régulateurs pour lesquels elle a justement été créée. Nul doute que le premier levier serait la remontée très nette des taux d’intérêt directeurs, ce qui aurait pour effet d’endiguer l’inflation, certes, mais aussi et surtout de causer une hécatombe sur les marchés obligataires, de tuer une grande partie des compagnies d’assurance, de faire exploser la bulle immobilière sur laquelle tout le monde surfe plus ou moins allègrement depuis 2008, et, au final, de mettre la plupart des économies européennes à genoux. En effet, après 5 ans d’endettement à taux faible, voire nul, une remontée des taux signerait la mise en insolvabilité d’un grand nombre de débiteurs. Y compris certains États.

De manière plus micro-économique, notre épargne fondrait comme neige au soleil sous le double effet conjugué de l’augmentation des prix et de la perte de valeur de nos placements actuels. Les entreprises, elles aussi, devraient piocher dans leurs réserves et autres provisions, afin de couvrir les hausses de prix, et il leur deviendrait très compliqué d’envisager tout investissement. Même l’or pourrait subir un sérieux revers en raison du report des liquidités vers la consommation contrainte, d’une part, et la recherche de rentabilité auprès des marchés actions, d’autre part, eux-mêmes repulpés par la détresse du marché obligataire. Bref, le pétrole est plus que jamais l’indicateur à surveiller de très, très près dans les 6 à 12 mois à venir

 

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Anthony Alberti
Entrepreneur depuis vingt ans dans le domaine de la communication et l'information stratégique, il a été amené à travailler plusieurs fois en partenariat avec des banques et des assurances, dont la principale matière d'œuvre était constituée de l'argent des épargnants. Peu complaisant à l'égard de leurs pratiques dont il a entrevu les coulisses, il délivre aujourd'hui régulièrement son analyse sans concession (et souvent piquante) non seulement sur les agissements des professionnels de la finance, mais aussi de tous ceux qui, de près ou de loin, se font les auteurs ou les complices des manipulations qui spolient chaque jour un peu plus les honnêtes citoyens.

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