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Il y a quelques jours, la Cour des Comptes a émis un nouveau rapport épinglant la mauvaise gestion des taxes foncières. Mais outre cet énième rappel à l’ordre quant à l’incapacité de l’État à travailler en toute transparence et selon des règles strictes de saine économie, une note de bas de page semble soulever un autre problème aux implications potentiellement plus politiques.

Une administration mal gérée et dépassée

En effet, le dernier rapport sur la Gestion de la Fiscalité Directe Locale remise par la Cour des Comptes à la Commission des finances de l’Assemblée nationale énumère, sur par moins de 169 pages, les nombreuses imperfections qui caractérisent la gestion des impôts locaux, et notamment l’actualisation imparfaite des bases de données foncières servant au calcul de l’administration, l’insuffisance des moyens mis en place, la mauvaise identification des foyers redevables, la piètre qualité des contrôles, l’organisation des services à la fois dispersée et mal pilotée, sans oublier l’exploitation d’outils informatiques datant des années 60 et basés sur un langage informatique (le COBOL) que presque plus personne ne connaît. Bref, la Direction Générale des Finances Publiques reçoit encore une fois une mauvaise note à quelques mois des principales échéances électorales du pays.

L’une des principales préoccupations de la Cour des Comptes réside dans le coût que cette mauvaise gestion fait supporter au budget de l’État (environ 3,8 milliards d’euros), ce dernier devant au final couvrir les coûts administratifs bien trop importants au regard des recettes perçues, d’autant que certains détails posent question. Et justement, bien qu’il n’ait fait l’objet que d’une simple note en bas de la page 13, l’un de ces « détails » représente à lui seul plus d’un milliard d’euros.

Un système d’exonérations et de compensations..

Même si les taxes d’habitation et foncières font partie de la fiscalité d’État, elles sont perçues par les collectivités territoriales, et notamment par les établissements publics de coopération intercommunale, ou EPCI (les communautés de communes pour simplifier) qui représentent environ 95 % de la population française, les 5% restant étant domiciliés dans des municipalités relevant de syndicats communaux dont la gestion est légèrement différente. Indépendamment des facilités éventuellement accordées par quelques communautés de communes à l’égard de tout ou partie de leur population, l’État est responsable des politiques d’exonération susceptibles de concerner certaines catégories de contribuables (personnes âgées, ménages modestes, bâtiments destinés à certaines activités spécifiques, etc.). Toutes ces exonérations se traduisant par un manque à gagner pour les collectivités territoriales, et les EPCI en particulier, ces derniers perçoivent de l’État des « compensations » couvrant tout ou partie des sommes non perçues.

Par exemple, en 2015, les exonérations de taxe foncière sur les propriétés non-bâties, et en particulier sur les terres agricoles tel que décidé par une loi de 2006, ont représenté un total de 235 millions d’euros pour l’ensemble du territoire français. Pour alléger cette perte, l’État a donc versé une « allocation compensatrice » au EPCI d’un montant de 165 millions d’euros. En revanche, dès qu’on s’intéresse à la taxe d’habitation ainsi qu’à la cotisation foncière des entreprise (la fameuse CFE), le constat est beaucoup plus curieux.

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…étrangement déséquilibré pour certaines collectivités

En effet, en 2015, les exonération de taxes d’habitation ont représenté une perte nette de 589 millions d’euros pour les collectivités territoriales. Un déficit que l’État a eu la bonté de compenser à hauteur de… 1 454 millions d’euros, soit près de 3 fois la somme en question ! Quant à la CFE, l’État a jugé bon d’allouer aux EPCI une somme d’environ 230 millions d’euros pour couvrir à peine 63 millions d’exonérations, soit presque 4 fois moins.

Au total, c’est près de 1,1 milliard d’euros non justifiés qui ont ainsi été sortis du budget de l’État… mais visiblement au profit de certaines collectivités locales seulement, car, dans le même temps, la Direction générale des collectivités du ministère de l’intérieur émettait une circulaire constatant une baisse des montants versés par l’État au titre de l’allocation compensatrice de taxe d’habitation à l’attention des EPCI. Visiblement, toutes n’ont donc pas eu droit au même traitement.

Mais alors, comment expliquer cette « erreur d’appréciation » ? Peut-on seulement imaginer que la DGFiP ait pu se tromper autant sur les montants auxquels certaines collectivités territoriales étaient en droit de prétendre ? Nul doute que, si la Cour des Comptes n’y voit qu’un simple effet de mauvaise gestion, d’autres moins bien intentionnés (sans compter certains médias dont c’est devenu la spécialité) pourraient facilement y supposer une forme de trafic d’influence au profit de certains élus locaux en prévision des prochaines échéances politiques du mois de mai.

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Anthony Alberti
Entrepreneur depuis vingt ans dans le domaine de la communication et l'information stratégique, il a été amené à travailler plusieurs fois en partenariat avec des banques et des assurances, dont la principale matière d'œuvre était constituée de l'argent des épargnants. Peu complaisant à l'égard de leurs pratiques dont il a entrevu les coulisses, il délivre aujourd'hui régulièrement son analyse sans concession (et souvent piquante) non seulement sur les agissements des professionnels de la finance, mais aussi de tous ceux qui, de près ou de loin, se font les auteurs ou les complices des manipulations qui spolient chaque jour un peu plus les honnêtes citoyens.

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