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Les 11 et 12 février derniers, notre ministre des Finances Michel Sapin a rencontré ses homologues des autres pays de l’Union Européenne pour discuter, entre autres choses, de la lutte contre l’optimisation fiscale et le financement du terrorisme. Un peu comme si on avait là les deux fléaux majeurs contre lesquels il fallait désormais absolument protéger nos sociétés occidentales. Et ça, ça commence à faire drôlement peur à mon cousin Jean-Kevin.

Jean-Kévin est un garçon prévoyant. Prévoyant et économe. Récemment, il a reçu un peu de sous de la part de feue Tatie Josy et il a décidé de les placer. Pas pour lui, non, son salaire de cadre intermédiaire à la Fromagerie des Cinq Pis lui permet de vivre confortablement et lui assure la perspective d’une retraite correcte qu’il pense toujours percevoir à 63 ans (jusqu’ici, je n’ai pas eu le cœur de lui casser ses rêves de vieux jours dûment pensionnés). En réalité, Jean-Kevin pense surtout à l’avenir de ses enfants, Guy-Antoine et Marie-Clémence (oui, mon cousin aime bien les prénoms composés). Jusqu’ici, il pensait comme beaucoup de gens que ses enfants hériteraient de tous ses biens à sa mort, soit un patrimoine qu’il évalue à 300 000 euros environ. Or, il a récemment appris que, lorsque le moment sera venu pour lui de rejoindre Tatie Josy, ses rejetons devront payer 20% de tout ce qu’ils recevront au-delà de 100 000 euros chacun, soit 10 000 euros de frais de succession par tête de pipe.

Fort heureusement, Jean-Kévin a pris conseil auprès d’un fiscaliste, lequel lui a recommandé de souscrire un contrat d’assurance-vie qui servira de véhicule à sa succession et lui permettra de transmettre jusqu’à 152 000 euros à chacun de ses héritiers, net d’impôt. Même que ça s’appelle une opération d’optimisation fiscale.

Attention, ce n’est pas de la fraude fiscale, hein (ça c’est quand on dissimule des revenus pour ne pas avoir à payer d’impôts dessus) ni même de l’évasion fiscale (ça c’est quand on envoie des sous à l’étranger en douce pour, une fois encore, échapper à l’impôt). Non, on parle juste ici d’optimisation fiscale.

Et puis Jean-Kévin s’est dernièrement lancé dans l’immobilier locatif et il a profité d’une opportunité offerte en 2014 par le gouvernement de déduire une partie de son investissement de ses impôts pendant plusieurs années. La loi Pinel, que ça s’appelle, et ça lui donne droit à une réduction d’impôt cumulée qui peut aller jusqu’à 21% du prix de l’appartement sur 12 ans (frais de notaire inclus). Ça aussi, on lui a expliqué que c’était de l’optimisation fiscale.

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Enfin, Jean-Kévin est un garçon curieux (en plus d’être prévoyant et économe) et il a récemment lu le Code général des impôts où il a carrément trouvé un article, le 199, qui énumère tout un tas de dispositifs de défiscalisation (un autre nom pour l’optimisation fiscale) réservés aux particuliers. Donc, si même le code des impôts en parle, c’est que ça doit être légal, non ?

Et voilà qu’aujourd’hui, on lui apprend que l’État français, mais aussi l’Union Européenne (et, qui sait, peut-être le monde entier !), ont décidé de lutter à la fois contre le financement du terrorisme ET l’optimisation fiscale. Alors forcément, mon cousin Jean-Kévin, il flippe !

Donc, si quelqu’un a le 06 de Monsieur Sapin, ce serait bien qu’il lui demande de ne pas tout mélanger. On a déjà eu une réforme de l’orthographe en janvier, on peut attendre un peu pour une réforme du vocabulaire : optimiser n’est pas tricher, c’est même parfaitement légal. Et aussi, ce serait sympa que monsieur le ministre appelle mon cousin Jean-Kévin et qu’il lui confirme que, non, il ne s’est pas rendu complice de terroristes sans le savoir et, non, le RAID n’envisage pas de défoncer sa porte d’entrée demain à 6 heures du mat’.

Merci pour lui.

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Anthony Alberti
Entrepreneur depuis vingt ans dans le domaine de la communication et l'information stratégique, il a été amené à travailler plusieurs fois en partenariat avec des banques et des assurances, dont la principale matière d'œuvre était constituée de l'argent des épargnants. Peu complaisant à l'égard de leurs pratiques dont il a entrevu les coulisses, il délivre aujourd'hui régulièrement son analyse sans concession (et souvent piquante) non seulement sur les agissements des professionnels de la finance, mais aussi de tous ceux qui, de près ou de loin, se font les auteurs ou les complices des manipulations qui spolient chaque jour un peu plus les honnêtes citoyens.

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