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Pour le système soviétique, inspiré par Marx, la monnaie était la manifestation du mal social, des rapports de production marchande. Certes, il y a eu des pays où cette pratique fut encore plus radicale que dans le système soviétique. Ce fut le cas notamment du Cambodge des Khmers rouges, οb l’échange lui-même, y compris le troc, était l’objectivation du mal en tant que tel. C’était, jusqu’à un certain point, un dépassement de la thèse de Marx, cαr l’auteur des Fondements à la Critique de l’Economique Politique, parle de la valeur d’échange et non pas de l’échange en tαnt que tel. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’André Malraux a qualifié le « polpotisme » de marxisme des imbéciles.
Cela dit, la lecture que Pol-Pot et les siens ont fait de la théorie marxiste, n’est ρas très éloignée de l’idée même de Marx, car pour Marx le but du processus historique lui-même est la production des valeurs d’usage. Pour cette raison, les polpotistes condamnent la production de valeurs d’échange ; donc, de l’échange lui-même. Ce qui explique la terrible réalité de l’effondrement démographique au Cambodge, au cours de la mise en oeuvre de ce que certains ont qualifié « d’utopie meurtrière ». La négation de l’échange ne peut conduire qu’à la disparition de tout système de satisfaction des besoins ; donc, à l’empire de la mort, au suicide collectif. Bien entendu, dans cet ordre caractérisé par la négation de la production pour l’échange, l’accès aux biens et services a toujours été conditionné par l’ordre hiérarchique des sociétés socia-listes : les besoins des dirigeants, y compris leurs besoins ostentatoires, étalent couverts par la société.
Boris Eltsine, qui fut dans les années 1990, le premier président de la Russie sortie du communisme, déclarait dès octobre 1987, dans une intervention devant le Comité Central du PCUS : « Oui, camarades, íl n’est pas facile d’expliquer à l’ouvrier d’usine pourquoi, à la soixante-dixième année de sοn pouvoir politique, íl est obligé de faire la queue pour acheter des saucisses dans lesquelles il y a plus d’amidon que de viande, tandis que sur nos tables à nous, il y a de l’esturgeon et du caviar, et toutes sortes de mets délicats acquis sans problème dans un endroit qu’on ne les laissera même pas approcher (Le Monde, 25 avril 2007, p. 28). Dans les magasins spéciaux réservés à la nomenklatura, « les prix des biens étaient inversement proportionnels à la place du «client» dans la nomenklatura. Plus on était élevé dans la hiérarchie, plus le prix était bas» (Le Monde, 2 février 2005, p. 17). Ceci veut dire, plus précisément, que pour la nomenklatura la monnaie était certifiée, c’est-à-dire que plus la personne était élevée dans l’ordre de la nomenklatura, plus sa monnaíe avait de valeur.

EXTRAIT DU LIVRE de Norman Palma et Edouard Husson Le capitalisme malade de sa monnaie : Considérations sur l’origine véritable des crises économiques

A propos de cet ouvrage : On entend souvent dire aujourd’hui que la crise économique et financière qui déferle actuellement sur le monde n’était pas prévisible. Rien n’est plus faux. A l’origine de la crise, il y a un Système Monétaire International profondément déréglé par le régime de l’étalon-dollar. Depuis plusieurs décennies, des esprits avertis avaient prévenu des effets dévastateurs qu’aurait nécessairement la politique d’émission de plus en plus déraisonnable de la Réserve Fédérale américaine sur l’économie mondiale. Comme le dit avec force Maurice Allais, le Prix Nobel français d’économie, dans une indifférence générale  » Ce qui doit arriver arrive « . Il se produit donc aujourd’hui ce qui arrive toujours en régime de papier-monnaie : après l’euphorie de la multiplication sans limite du crédit vient le krach. C’est ainsi que le billet vert tend vers sa dépréciation absolue. Même si tout est fait pour en retarder l’échéance, nous n’échapperons pas à l’effondrement du dollar et des monnaies qui se sont imprudemment solidarisées avec lui. Pour limiter, si cela est encore possible, les effets de cette catastrophe inévitable, il faut créer de toute urgence une Unité de Compte Internationale qui soit un panier des grandes monnaies-papier auxquelles on devra ajouter l’or qui redonnera une crédibilité indispensable à la monnaie fiduciaire. Par la suite, il ne faudra pas se contenter de revenir à la référence or que va, en tout état de cause, imposer le marché, quoi que puissent penser ou faire les grands dirigeants économiques et politiques. Pour dépasser les limites quantitatives de l’or, il sera nécessaire de revenir à son indispensable complément circulant  » : l’argent-métal qui a présidé, avec l’or, à l’essor historique de la richesse des nations. Ce diagnostic posé, et le seul remède possible analysé, reste la question de la mise en œuvre d’une immense réforme par un personnel politique largement responsable de la situation, qui n’a pour l’essentiel rien prévu et dont l’action est, à tous égards, jugée par la présente tragédie…

Biographie des auteurs : Edouard Husson est maître de conférences à Paris IV (Paris-Sorbonne) et directeur de recherches en histoire contemporaine. Norman Palma est maître de conférences à Paris IV (Paris-Sorbonne), docteur en économie et docteur d’Etat ès lettres.

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Jean-François Faure
Jean-François Faure. Président d’AuCOFFRE.com. Voir la biographie.

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