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Face aux difficultés de gouvernance que rencontre la Libye depuis la chute de Mouammar Kadhafi, et après avoir essayé en vain la voie diplomatique, l’Europe a visiblement décidé d’y envoyer des forces armées dans les prochains mois. Officiellement pour rétablir l’ordre et endiguer le flux de migrants en provenance d’Afrique…

Peu d’informations transpirent pour l’instant, et rien de définitif n’est publié, mais la machine de guerre s’est mise en marche avec d’ores et déjà plusieurs milliers de soldats européens prêts à être déployés sur le territoire libyen (1000 pour les Britanniques, 5000 pour les Italiens, et un nombre encore indéterminé pour la France et l’Allemagne). Certes, l’Union Européenne en tant que telle n’a pas le pouvoir de lever une armée, elle ne dispose même pas encore de véritable force militaire pan-européenne. En réalité, il s’agit pour l’instant davantage d’une « coopération » (pour ne pas dire coalition) entre les principaux États européens, plutôt qu’une mission armée mandatée par Bruxelles. Pour autant, cette prochaine intervention musclée se fera dans la droite ligne des tentatives européennes, répétées et infructueuses, visant officiellement à aider le pays.

Un pays déchiré depuis 5 ans

Officiellement, car en réalité le sort des Libyens intéresse assez peu les Français, les Allemands ou les Italiens. En revanche, leur pétrole, lui, est diablement attirant. À l’époque de Kadhafi, la Libye produisait 1,7 millions de barils par jour. Or, depuis 2011, cette production n’existe quasiment plus en raison des troubles qui agitent le pays. En effet, aujourd’hui, la Libye est déchirée entre plusieurs factions qui revendiquaient l’exclusivité de la direction du pays :

  • le gouvernement formé juste après l’éviction de Mouammar Kadhafi par les Frères musulmans et siégeant à Tripoli (ce que beaucoup considèrent comme la pire des conséquences de la chute de l’ancien dictateur),
  • la nébuleuse islamiste inféodée à Daesh qui fait régner la terreur auprès de la population, et dont les instances se concentrent autour de la ville de Benghazi,
  • et les chefs de tribus locales qui gouvernent de facto la plupart des régions.

Un mandat « à l’américaine »

L’objectif numéro un des forces européennes sera donc de sécuriser le pays et de restaurer la loi et l’ordre. Mandat classique dont les Américains ont déjà maintes fois éprouvé la relative souplesse pour couvrir leurs nombreuses interventions dans des pays qui ne leur avaient rien demandé. Au passage, les Européens pourraient également en profiter pour « résoudre » une partie de la question des migrants qui leur a déjà coûté bien trop cher, que ce soit financièrement ou en termes de concessions accordées à la Turquie. Le mois dernier, le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian déclarait que plus de 800 000 migrants étaient en Libye dans l’attente de traverser la Méditerranée pour entrer illégalement en Europe. D’ailleurs, le pays est devenu une véritable plateforme transit pour des millions d’Africains qui veulent migrer vers le continent européen, sans que les instances libyennes fassent quoi que ce soit pour endiguer ce flot continu. Une sérieuse reprise en main s’impose donc aussi sur ce plan là.

Légaliser l’action militaire est une priorité

Reste à éviter que la communauté internationale considère cette intervention comme une véritable invasion armée. Pour cela, rien de plus simple : les Européens ont besoin d’être « invités » à intervenir par le biais d’une demande officielle émanant du gouvernement libyen. Ainsi, lorsqu’il sera formé, le « European Africa Corps » pourra agir légalement, comme l’ont fait les Russes en Syrie par exemple.

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Évidemment, les Frères Musulmans ne formuleront jamais une telle demande. Alors, qu’à cela ne tienne, l’Union Européenne a tout simplement bricolé un tout nouveau « gouvernement d’unité » en Libye. Certes, il n’est même pas reconnu par les Libyens eux-mêmes et il est contraint de siéger dans une base navale à Tobrouk, mais cela n’a pas d’importance car il est aujourd’hui le seul à disposer d’une reconnaissance internationale (sauf auprès de la Turquie et le Qatar mais ça n’émeut personne), ce qui le rend donc officiellement légitime. Ainsi, une demande émanant de ce gouvernement tout neuf pourra faire passer l’occupation prévue pour une « utile et pacificatrice mission de maintien de l’ordre. »

Une guerre qui ne dit pas son nom

La première tâche confiée par l’ONU au nouveau « gouvernement d’unité » est de se débarrasser des deux autres gouvernements rivaux (Frères Musulmans et Daesh) avant d’endiguer le flux de migrants vers l’Europe dès que possible. Une mission qu’il lui sera impossible de mener sans l’aide de forces alliées à défaut de disposer pour l’instant d’une armée régulière.

Une fois le pays « stabilisé », sa deuxième tâche (et c’est là que commencera la VRAIE mission des forces européennes) sera d’assurer les intérêts français, italien et allemand en Libye, à commencer par les installations pétrolières appartenant en partie au français Total, à l’italien ENI et à l’allemand Wintershall. Ces installations, aujourd’hui plus ou moins à l’arrêt, ont été récemment abandonnées à une garde armée de 27000 combattants dont la conscience patriotique ne pèse pas bien lourd face aux attaques des milices djihadistes. Ces même milices étant dirigées en sous-main par l’Arabie saoudite qui veut voir disparaître ces installations avant que les Européens ne puissent en reprendre le contrôle.

Au final, cette guerre qui ne dit pas encore son nom visera à remettre la main sur le pétrole libyen, pour une production attendue d’environ 1,3 million de barils par jour. Ce qui, au passage ne va pas aider à maintenir les cours du brut artificiellement soutenus à la hausse en dépit d’une surproduction avérée.

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Anthony Alberti
Entrepreneur depuis vingt ans dans le domaine de la communication et l'information stratégique, il a été amené à travailler plusieurs fois en partenariat avec des banques et des assurances, dont la principale matière d'œuvre était constituée de l'argent des épargnants. Peu complaisant à l'égard de leurs pratiques dont il a entrevu les coulisses, il délivre aujourd'hui régulièrement son analyse sans concession (et souvent piquante) non seulement sur les agissements des professionnels de la finance, mais aussi de tous ceux qui, de près ou de loin, se font les auteurs ou les complices des manipulations qui spolient chaque jour un peu plus les honnêtes citoyens.

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