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En dehors d’une réflexion qui serait basée sur l’apport d’un revenu de base par le biais de monnaies complémentaires (un système dont aucune formation politique sérieuse ne s’est encore fait l’écho jusqu’ici), le principe d’un revenu universel en euros semble n’être finalement qu’une nouvelle utopie à la mode, agitée par quelques porte-paroles d’idéologies dépassées qui espèrent ainsi faire oublier leur incapacité à répondre aux problèmes économiques et sociétaux que traverse la France en ce moment. Pire encore, l’essentiel de la communication lénifiante faite autour de ce sujet — qui, reconnaissons-le, a peu de chance de dépasser le stade de la théorie — se concentre sur ses avantages, et occulte totalement (volontairement ?) ses inconvénients.

Rien ne se crée, tout se transforme

Qui dit revenu universel en devise, dit nécessairement déshabiller Paul pour habiller Pierre. Exprimé autrement, il faudra bien prendre l’argent quelque part pour créer cette super-allocation généralisée, et peu nombreux sont ceux qui ont jusqu’ici donné des clés de réflexion aux citoyens afin qu’ils se fassent leur propre idée. À ce titre, le Conseil départemental de Gironde fait figure d’exception, car il vient de mettre en ligne un site web proposant un simulateur de revenu universel. Grâce à cet outil dynamique, on peut ainsi choisir le montant versé chaque mois aux bénéficiaires, sélectionner les catégories de personnes qui pourront percevoir ce revenu (ce qui rend d’ailleurs caduque la notion d’universalité, mais passons) et même moduler la somme en fonction des individus (enfants, étudiants, actifs, retraités…). Mais là où le simulateur présente un intérêt tout particulier, c’est qu’il offre la possibilité de déterminer le mode de financement de ce revenu universel. Et là, on comprend les réticences de certains politiques à aborder cet aspect de la question en détail.

Le simulateur propose par défaut 3 montants de revenu de base correspondant plus ou moins aux sommes les plus souvent avancées par les partisans du procédé : 500, 750 et 1000 euros par mois. On peut bien évidemment choisir un montant différent, mais le système reste le même. Immédiatement en regard du montant choisi, on nous donne le coût annuel de la mesure, et la possibilité (ou non !) de l’équilibrer avec les recettes publiques. Premier enseignement, et non des moindres, il est impossible de financer le revenu universel dans l’état actuel des finances du pays sans couper très durement dans ce que certains aiment à appeler les « acquis sociaux » ni faire supporter le surcoût à ceux qui ont déjà l’impression de servir un peu trop souvent de vaches à lait.

Pas de revenu universel sans suppression d’allocations

Ainsi, pour pouvoir verser 500 € par mois à toute personne majeure (et 30% par enfant), il en coûterait 331 milliards d’euros par an, décomposés comme suit :

  • 16,4 millions de mineurs à 150 €/mois/personne : 30 milliards d’euros
  • 5,3 millions de 18-24 ans à 500 €/mois/personne : 32 milliards d’euros
  • 31,2 millions d’adultes à 500 €/mois/personne : 187 milliards d’euros
  • 13,7 millions de retraités à 500 €/mois/personne : 82 milliards d’euros

La seule manière de financer cette somme serait alors de supprimer certaines aides et de remanier plus ou moins profondément la politique fiscale du pays. Par exemple, le simulateur propose par défaut de supprimer le RSA et la prime d’activité (15 milliards d’économie), l’exonération sur les bas salaires (39 milliards) mais aussi et surtout les allocations familiales (36 milliards). Rien que sur ces trois points, il n’est pas évident que les ménages les plus fragiles en sortent gagnants (par exemple les familles monoparentales bénéficiant pour l’instant du RSA et des prestations sociales). Mais le financement impliquerait bien d’autres sacrifices à la société, à commencer par l’abandon des niches fiscales (ce qui n’est pas forcément une mauvaise chose, cela dit) et l’augmentation brutale de l’impôt sur le revenu (+ 150% environ !). Là, en revanche, on sent déjà poindre le ferment d’un mécontentement probable des classes moyennes à très court terme.

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Le revenu universel comme outil de retour dans le passé

On comprend alors aisément que pour un revenu universel plus proche des aspirations enthousiastes de ceux qui espèrent aujourd’hui l’imposer en France, soit aux alentours de 750 euros par mois, la note risque d’être encore plus salée. Pour une même répartition (100% à chaque adulte et 30% par enfant), on arrive à un coût global de 496 milliards d’euros par an. Et là, le financement imposerait de supprimer non seulement le RSA, la prime d’activité et les allocations familiales comme précédemment, mais aussi les différentes aides au logement. Finie aussi la déclaration de revenus commune pour un couple (donc probablement plus de « parts » non plus permettant de réduire son imposition) : chacun paiera son impôt sur ses revenus propres, comme s’il était célibataire. Et cet impôt verrait d’ailleurs son niveau passer de 9% en moyenne aujourd’hui à… 25% ! Idem pour la CSG qui augmenterait d’environ 25%, comme les différentes taxes sur le patrimoine.

Finalement, on pourrait aussi jouer à se faire peur avec l’option « revenu universel à 1000 euros par mois » (plus de 660 milliards d’euros par an), mais est-ce seulement envisageable de tripler l’impôt sur le revenu ainsi que la taxe sur le patrimoine (nul doute qu’on verrait ressurgir alors l’idée de la taxation sur les loyers non perçus), sans oublier le passage de la TVA à 25% ? C’est vrai aussi qu’on pourrait s’abstenir de toucher à la fiscalité et la garder telle qu’elle est actuellement, mais cela signifierait alors par exemple la suppression du système de retraites (219 milliards d’euros économisés) ainsi que de l’assurance chômage (38 milliards supplémentaires). Du côté des bénéficiaires, il faudrait également ne plus rémunérer les enfants et commencer le versement à partir de 25 ans (comme le RSA actuellement). Sachant que, même comme ça, le système serait en déficit chronique de plus de 50 milliards d’euros par an.

Décidément, sous des dehors de modernité, le revenu universel en euros s’annonce surtout comme le moteur d’un considérable retour en arrière sur le plan social.

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Anthony Alberti
Entrepreneur depuis vingt ans dans le domaine de la communication et l'information stratégique, il a été amené à travailler plusieurs fois en partenariat avec des banques et des assurances, dont la principale matière d'œuvre était constituée de l'argent des épargnants. Peu complaisant à l'égard de leurs pratiques dont il a entrevu les coulisses, il délivre aujourd'hui régulièrement son analyse sans concession (et souvent piquante) non seulement sur les agissements des professionnels de la finance, mais aussi de tous ceux qui, de près ou de loin, se font les auteurs ou les complices des manipulations qui spolient chaque jour un peu plus les honnêtes citoyens.

3 Commentaires

  1. Bien d’accord avec cette analyse. Je viens de participer à une réunion d’information sur le revenu universel, organisée par une communauté religieuse (le comble !). Le promoteurs de ce projet oublient de dire que le problème du mal-être de la société n’est pas un problème d’argent, mais un problème AVEC l’argent. Donc un problème d’éducation. Actuellement il y a une volonté manifeste d’écarter les initiatives « alternatives » (type Montessori ou Frenet) qui visent l’autonomie. Pourquoi les initiateurs de ce ce projet ne s’attaquent pas plutôt à cette question autours de laquelle plusieurs initiatives heureuses existent déjà ? Tout baser sur l’argent – comme le veut ce projet – revient à servir des intérêts ultra libéraux (et libertaires) avec les inconvénients que leurs connaît.

  2. Faux. De nombreux articles donnent les avantages et les inconvénients. Vous parlez de votre place où ce qui est essentiel est, combien ça coûte, combien je vais perdre, pourrais-je continuer à partir aux sports d’hiver ou à l’autre bout de la planète…
    Oui, ça va coûter cher. Oui les impôts vont augmenter. Maintenant placez-vous à la place des 2 millions de français qui survivent avec le smic (avez-vous vécu ne serait-ce que 2 ans avec le smic, sans soutien parental ? ) ceux qui n’ont même pas le smic, ceux qui n’ont ni travail ni de placements en banque. A la place de ceux qui font des sales boulots que vous n’accepteriez pas de faire.
    Je pense que beaucoup de personnes, si on les assurait du minimum vital, pourraient retrouver de la dignité, du goût au travail, de l’envie de créer, d’innover ou de proposer des activités à la société etc.
    Le revenu universel s’adressant à tous, comme vous, je serai également bénéficiaire du RU. Je paie 1500€ d’impôts sur le revenu. Bien sûr avec mes revenus, je n’ai pas d’employé de maison, zéro niche fiscale Je paierai 3 fois plus d’impôts soit 4500€. J’aurais reçu 700×12=8400€. Avec la différence, j’irais peut-être voyager ou je les investirais dans des projets locaux.
    Combien allez-vous perdre ?
    Pourquoi ne pas essayer ? Et puis que proposez vous d’autre pour une société plus équitable, plus digne, plus humaine.
    Cordialement
    Luc RICHARD

    • pour les jeunes de banlieux ou ailleurs dans les cités,plus besoin de faire le « pet », de vendre de l’héro…Le revenu universel serait plus avantageux pour eux ! Tout le monde y sera beau et gentil !.Une chance pour la main d’ oeuvre des « touristes ».

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