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Si vous avez suivi un cours d’Economie ou que vous lisez la presse financière, on vous a nécessairement expliqué que nous vivons dans un monde où les banques centrales sont « indépendantes ». Si vous croyez encore à ce mythe, cet article est fait pour vous.

Retirer la politique monétaire des mains du gouvernement pour éviter que ce dernier ne fasse joujou avec la planche à billets

Dans les manuels d’Economie, on peut lire que le credo de l’indépendance des banques centrales repose en particulier sur les travaux menés par Barro et Gordon en 1983. Par la suite, nombre de banques centrales ont vu leurs statuts modifiés dans le sens d’une plus grande autonomie vis-à-vis des gouvernements, en particulier à partir des années 1990.

Au cœur de la théorie économique se trouve l’idée que si une banque centrale dépend du gouvernement, il y a de fortes chances que ce dernier lui demande de mener une politique monétaire expansionniste. Et pour cause, quand on est aux affaires et qu’on a pour but principal d’y rester après les prochaines élections, la solution de la facilité consiste à faire whatever it takes pour stimuler la croissance économique et réduire le chômage, en mode « après moi le déluge ».

Sans pour autant rentrer dans les détails, le problème d’une telle situation, c’est que les agents économiques vont finir par anticiper que le gouvernement va (quoi qu’il en dise) mener une politique monétaire expansionniste, et vont adapter leurs décisions en conséquence. Au final, l’économie en question va se retrouver avec un niveau d’inflation bien au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre un niveau d’activité économique donné. Or, à une époque où la hausse des prix minait nombre d’économies, une inflation galopante n’arrangeait personne, pas même nos Etats qui étaient loin d’être aussi endettés qu’ils ne le sont aujourd’hui.

D’où le fait que la théorie économique préconise d’ériger une digue infranchissable entre le gouvernement et la banque centrale, institution dont la mission devra être centrée sur le maintien de l’inflation à un niveau raisonnable.

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Mandat de la banque centrale : stabilité des prix et croissance, ou croissance et stabilité des prix ? Les exemples de la BCE et de la Fed.

C’est ainsi que le mandat de la BCE est centré sur un « objectif principal » qui consiste à « maintenir la stabilité des prix ». Mais ce n’est pas tout puisque les traités et les statuts de la BCE lui confèrent également pour mission de soutenir les objectifs économiques de l’UE, c’est-à-dire le maintien d’un niveau d’emploi et d’une croissance élevés, et cela « sans préjudice de l’objectif de stabilité des prix ».

Relevons également que la BCE doit contribuer à la bonne conduite des politiques menées en ce qui concerne le contrôle prudentiel des établissements de crédit et la stabilité du système financier. Voilà pourquoi après chaque stress test, l’Autorité bancaire européenne nous gratifie d’une communication lénifiante au sujet de la supposée stabilité du système bancaire européen.

On évoque donc souvent le « triple mandat de la BCE » (inflation, croissance/emploi et stabilité financière), mais il faut garder à l’esprit que le modèle européen fait en principe primer la stabilité des prix sur l’activité économique.

Aux Etats-Unis, la situation est différente. En effet, le Federal Reserve Act établit que la mission de la Réserve fédérale consiste à « Maintenir en moyenne une croissance des agrégats monétaires et de la quantité de crédit compatible avec le potentiel de croissance de la production, de manière à tendre vers les objectifs suivants : un taux d’emploi maximum ; des prix stables ; et des taux d’intérêt à long terme peu élevés. » S’y ajoutent des prérogatives similaires à celles de la BCE vis-à-vis de la supervision du système bancaire et de la stabilité du système financier.

Les Américains n’ont donc pas les mêmes priorités que les Européens : chez eux, c’est la croissance et le plein emploi d’abord, et la stabilité des prix ensuite.

Sur le papier, certaines banques centrales sont plus indépendantes que d’autres

A priori, le mandat de la Fed est donc plus proche des intérêts du pouvoir politique que cela n’est le cas en zone euro. L’indépendance de la Fed est cependant préservée par toute une série de principes, avec en particulier le fait que l’institution prend ses décisions sans avoir besoin de l’aval du pouvoir politique, et que le mandat de ses gouverneurs et beaucoup plus long (14 ans non renouvelable) que celui de l’Administration en place (le POTUS est élu pour une durée de 4 ans).

Il n’en reste pas moins que les 7 gouverneurs de la Fed sont nommés par le POTUS et confirmés par le Sénat. Par ailleurs, les prérogatives de la Fed sont définies par le Congrès, lequel dispose d’un droit de surveillance sur la politique de la Fed. C’est ce qui explique que vous voyiez régulièrement Jerome Powell défiler devant le Congrès.

Au contraire, au sein du système européen de banques centrales, la BCE comme les banques centrales nationales ont interdiction de solliciter ou d’accepter des instructions en provenance d’un organe tiers.  

Voilà qui nous permet de conclure que la BCE jouit d’une autonomie totale, alors qu’il faudrait plutôt parler en ce qui concerne la Fed d’une quasi indépendante vis-à-vis du pouvoir politique.

Enfin ça, c’est pour la théorie. Dans un prochain billet, nous verrons ce qu’il en est en pratique.

Spoiler : « l’indépendance des banques centrales » n’est qu’une vaste fumisterie

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Nicolas Perrin
Diplômé de l’IEP de Strasbourg, du Collège d’Europe et titulaire d’un Master 2 en Gestion de Patrimoine, Nicolas Perrin a débuté sa carrière en tant que conseiller en gestion de patrimoine. Auteur de l’ouvrage de référence "Investir sur le Marché de l’Or : Comprendre pour Agir", il est désormais rédacteur indépendant. Il s’intéresse au libéralisme, à l’économie et aux marchés financiers, en particulier aux métaux précieux et aux crypto-actifs, sans oublier la gestion de patrimoine. Twitter : @Nikookaburra

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