Publicité

Lorsque vous saisissez les mots clés « acheter pièces d’or » dans Google, vous trouvez non seulement un lien vers votre blog préféré, ainsi que des vendeurs d’or « classiques », mais aussi quelques références aux pièces d’or virtuelles dédiées aux jeux en réseau. De quoi s’agit-il ? En quoi consiste cette économie parallèle ? Reportage dans les « cyber-mines » chinoises.

Bienvenue à Shanghai dans une usine de jeux vidéo. Ici, on tue des monstres douze heures par jour, et tout ça, pour un salaire de misère. Des milliers de jeunes Chinois s’entassent dans ces ateliers, ils doivent récolter de l’or virtuel revendu aux joueurs occidentaux, on les appelle des gold farmers.

Tietou, chef d’atelier : « Malheureusement, on ne peut pas envoyer en Amérique un repas cuisiné en Chine par des travailleurs chinois, sinon ce serait facile de se faire de l’argent. Et puis, tout à coup, j’ai réalisé qu’en exportant des objets virtuels à travers Internet, on pouvait utiliser la main-d’œuvre chinoise et la revendre aux Américains. »

Dans cet atelier, les quarante ordinateurs sont occupés jour et nuit. Après douze heures de travail acharné, l’équipe de nuit est au repos, ici on ne sort presque pas de l’atelier. Le jeu vidéo tourne 24h/24 et les chefs d’atelier mettent la pression.

Joueur chinois professionnel qui gagne des pièces d'or pour les joueurs du monde entier
Joueur chinois professionnel qui gagne des pièces d'or pour les joueurs du monde entier

Lao Liu, joueur professionnel : « Mon travail, en tant que joueur professionnel, c’est de me placer à un certain endroit du jeu et de tuer le même monstre encore et encore à longueur de journée. Chaque fois que je tue ce monstre, je reçois de l’or virtuel. ». Cela fait cinq ans que ce joueur tue des monstres pour une centaine de dollars par mois.

Publicité

Et le plus incroyable, c’est que dans le jeu, les petites mains chinoises travaillent au beau milieu des clients occidentaux, une cohabitation pas toujours facile. Lao Liu : « Si d’autres joueurs viennent à l’endroit où je me trouve, je vais être obligé de me battre avec eux pour les éloigner. En fait, on n’a simplement pas le choix, c’est notre travail, il faut récolter un maximum d’or et le patron nous met la pression. »

Retour en Suisse. Des joueurs viennent de repérer ce gold farmer chinois en plein travail. Nous sommes à Lausanne dans un cybercafé. Ici, on a l’habitude de croiser des joueurs chinois.
Dominique Pittet, gérant d’un cyber-café : « Ca fait le troisième jour de suite que je vois ce joueur exactement au même endroit en train de tuer exactement les mêmes monstres à la chaîne. En plus, si on essaie de communiquer avec lui, il ne répond pas, donc c’est pratiquement certain que c’est un Chinois. »
Et ces travailleurs chinois ne sont pas les bienvenus dans le jeu. Dominique Pittet : « Non, ils ne sont pas très appréciés, ils sont pris plutôt comme des parasites. À certains endroits, on avait quatre ou cinq Chinois qui étaient là et on ne pouvait absolument rien faire. Si on essaie de leur parler pour leur dire de partir, c’est impossible. Donc oui, c’est gênant. ».

Dans World of Warcraft, on passe son temps à casser du monstre et pour être bien équipé, il faut des pièces d’or. Certains sont obligés d’en acheter, quatre heures de jeu par jour, ça ne suffit pas pour garder sa place dans une équipe de haut niveau.

Marco Barbaro, joueur : « Ce sont des gens qui jouent facilement dix ou douze heures par jour, donc si on a envie de les rattraper il n’y a pas de miracle, il faut avoir de l’argent pour s’acheter ce qu’on n’a pas le temps de trouver soi-même. »

Acheter des pièces d’or, rien de plus simple, cela se fait tout simplement sur internet. Il existe même un cours de l’or virtuel contre le dollar. « 143 dollars pour 2 000 pièces d’or, c’était 40 dollars il y a trois semaines avant l’extension. ». Depuis l’extension du jeu, les prix ont triplé, mais la tentation reste forte, car pour 100 dollars on achète l’équivalent d’une à deux semaines de jeu intensif. Seulement voilà, ce trafic d’or virtuel est strictement interdit par les éditeurs du jeu qui n’hésitent pas à exclure les tricheurs. Les joueurs chinois ont peur d’être dénoncés.
« Les farmers chinois sont très méfiants, ils travaillent dans leur coin et ils aiment bien être tranquilles. D’ailleurs, les endroits où l’on trouve le plus de farmers chinois sont les endroits les plus reculés du jeu. »

Eh oui, tout ce que demandent les travailleurs chinois, c’est un peu de place pour faire leur boulot. Lao Liu : « Si vous croisez un gold farmer chinois dans le jeu, essayez de comprendre qu’il est là pour travailler et faites-lui une petite place, il vous en sera très reconnaissant. Il ne va pas vous suivre à d’autres endroits, ni vous déranger, il a juste besoin d’un petit espace pour travailler. »

La Chine, c’est le premier fournisseur mondial d’or virtuel, un marché qui pèse déjà plusieurs milliards de dollars, mais le gouvernement chinois n’apprécie pas que ces images fassent le tour du monde, les ateliers deviennent clandestins et beaucoup de jeunes travaillent à domicile.

De son côté, Lao aimerait, lui aussi, se mettre à son compte. « Pour évoluer dans ce business, il faut absolument savoir parler anglais et avoir des contacts à l’étranger, comme ça vous pouvez négocier directement avec des joueurs occidentaux. Sans ça, vous restez toujours au bas de l’échelle. »

Tuer des monstres, pour des milliers de jeunes Chinois cela vaut toujours mieux que de travailler à l’usine, le reste du monde peut continuer à jouer tranquille.

Reportage : Nouvo.ch – Transcription : ABWtrad.com

Article précédentAkshaya Tritiya, la fête de l’or en Inde
Article suivantL’or de la Banque de France
Jean-François Faure
Jean-François Faure. Président d’AuCOFFRE.com. Voir la biographie.

LAISSER UN COMMENTAIRE

Veuillez entrer votre commentaire !
Veuillez entrer votre nom ici