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Crise systémique
Crise systémique

Avec la fin des accords de Bretton Woods (les monnaies ne sont plus indexées sur l’or), les états qui empruntent aux banques commerciales à des taux d’intérêt effarants,  des agences de notation à la fois pompiers et pyromanes, des taux US anormalement longs et bas, la libéralisation excessive des marchés, des produits financiers toxiques, l’importance « capitale » des banques dans l’économie actuelle, est-il encore possible de sortir d’un endettement collectif qui est devenu un système ?

1.    Qui tire les ficelles de la crise ?
La crise telle que nous la subissons aujourd’hui, part d’une crise immobilière aux Etats-Unis en 2007 qui s’est ensuite transformée en crise bancaire pour se généraliser à une crise économique mondiale. C’est la recapitalisation des banques – qui ont créé des produits complexes et sophistiqués afin de rester compétitives et qui ont prêté plus que de raison – qui a transformé une crise immobilière à la base en crise de la dette souveraine. Et pour maintenir ce système libéral à flot, les banques centrales sont actuellement en train de devenir les « éboueurs financiers » du monde.

Le FMI qui était à la base créé pour veiller à la stabilité monétaire des états présentant des problèmes de balance de paiement est devenu un organisme de soutien aux pays endetté. Tout cela depuis que les Etats-Unis ont refusé la convertibilité de ses prêts (du dollar) en or. Affaibli par la guerre du Viet-Nam, les réserves en or des Etats-Unis sont épuisées. Le dollar s’impose alors comme l’unique monnaie de change internationale.

En mettant fin à l’étalon or décidé par Nixon en 1971, les Accords de Bretton Woods signent en 1976 la désorganisation du système monétaire international. Actuellement, le dollar est encore la monnaie de référence mais commence à faire le deuil de son hégémonie, l’euro peine à rivaliser avec lui dans sa chute, le yen se remet à peine de ses secousses nucléaires, personne ne veut jouer avec le yuan qui s’ennuie tout seul… La guerre des monnaies n’aurait jamais eu lieu si elles avaient continué de reposer en partie sur l’or.

2.    La crise systémique en Europe
Mais les faits sont là et la zone euro s’en mord les doigts. Beaucoup de raisons à la faillite grecque sont imputables à la politique monétaire brutale menée par l’euro. Le problème étant que les pays de la zone euro n’ont pas la même politique économique et sont en cordée. S’ils ne parviennent pas à ralentir leur chute, c’est la dégringolade. Avec la dégradation récente de la France qui perd un prestigieux A, nous n’en sommes pas loin.

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Tant que le problème économique de la zone euro ne sera pas traité dans sa globalité mais chirurgicalement, celle-ci ne redressera jamais la barre.  Des pays comme l’Angleterre qui n’ont pas opté pour l’euro s’en réjouissent. Ces pays sont pourtant eux aussi endettés jusqu’à la lie.

L’Islande qui a connu de graves difficultés économiques en 2008 était proche de la récession. Pourtant elle a redressé le tir et retrouvé ses lettres de noblesse en affichant une croissance de 3%. En faisant quoi ?
– En étant plus raisonnable, simplement, c’est-à-dire à la fois en basant à nouveau son économie sur de l’économie réelle : l’Islande a cessé pour un temps de coter en bourse la pêche, ressource réelle du pays.
– Et en restructurant les banques … et en lâchant celles qui avaient emprunté au-dessus de leurs moyens (d’où la bulle). Contrairement à ce qui se passe actuellement dans la zone euro, l’Islande a refusé de renflouer celles-ci et a décidé de faire supporter une grande partie des pertes aux actionnaires, pour la plupart étrangers tout en protégeant au maximum ses épargnants.

Certes l’Islande sort de 3 longues années de rigueur, beaucoup d’Islandais ont perdu leur épargne (ce qui n’est pas arrivé à ceux qui avait placé une partie de leurs économies dans l’or), leur taux d’endettement et celui des entreprises est encore élevé, mais c’est un début de piste pour les états qui souhaitent réaliser des économies.
Encore faut-il que ceux-ci acceptent cette politique commune au sein de l’Union Européenne. Le couple Sarkozy/Merkel avait déjà marqué des désaccords à ce sujet tout l’automne dernier.
L’exemple de l’Islande pointe le doigt sur un problème d’ordre systémique : le rôle des banques.

3.    Les perspectives en 2012
En 2011, beaucoup de têtes sont tombées, en 2012 ce sera peut-être la mise en place d’un nouveau système (car il en faut bien un pour tenir le monde) qui débutera en 2013. Peut-être que les derniers « intouchables » américains, anglais, russes et chinois vont eux aussi faire l’expérience amère de la crise. Ce qui est sûr c’est que le G20 2012 n’aura pas la même insipidité que celui de 2011.

Le Bulletin d’anticipation globale met en avant 3 types de priorités en 2012 et des fenêtres d’opportunité que le G20 ne devra pas laisser passer :
– mise sous tutelle publique ou partielle des établissements financiers à l’échelle mondiale
– mettre en place des infrastructures à l’échelle mondiale, qu’elles soient d’ordre financier, sanitaire, énergétique, télécom… et qu’elles soient au-dessus des parties.
– réformer le système monétaire mondial en le basant sur l’économie réelle et en transformant les DST en nouvelle monnaie de réserve mondiale, basée sur panier des principales devises et de l’or.

4.    L’avis de l’expert : Yannick Colleu*

LORetLARGENT.info : A votre avis, qu’est-ce qui pourrait transformer en profondeur le système actuel ? Quels pourraient être les facteurs de sortie de crise ?
Yannick Colleu – Permettez-moi une analogie pour illustrer où nous en sommes dans cette crise. Lorsqu’un sous-marin a une voie d’eau à grande profondeur les premières minutes et les premières réactions de l’équipage sont déterminantes pour la survie du bateau. Il faut impérativement isoler les compartiments pour éviter que le bateau se charge trop, allant jusqu’à éventuellement sacrifier quelques malheureux membres d’équipage qui s’y trouveraient. La réaction immédiate de l’officier de central est de faire remonter coûte que coûte son bateau vers la surface tant que le poids de l’eau qui s’engouffre le lui permet encore. Passé un délai très court ce poids fera qu’il sera impossible de s’extraire des profondeurs et ceci quelles que soient les manœuvres qui seront tentées. Le bateau est dès lors condamné. Il n’y a plus rien à faire sauf à attendre la fin.

Depuis 2007 les responsables politiques et financiers n’ont pas pris les mesures de bon sens qui s’imposaient. Au lieu de laisser ceux qui avaient joué perdre leur mise, on s’est acharné à les renflouer au prétexte que des faillites bancaires nous auraient conduits à la catastrophe. Au lieu de sacrifier les «  joueurs  » directement concernés, les gouvernements de la planète ont préféré faire supporter le fardeau à tout l’équipage en faisant passer au contribuable le fardeau de la dette à l’origine de nos maux actuels. L’endettement a été utilisé pour soigner l’endettement. Les conséquences de ces décisions étaient discernables dès début 2008 par n’importe quelle personne ayant un minimum de jugeote.

« Choisir entre la peste et le choléra »
Aujourd’hui les options de sortie à moindre douleur sont de plus en plus réduites, voire désormais inexistantes, au fil des mois qui passent. Nous en sommes arrivés à choisir entre la peste et le choléra. D’un côté des politiques d’austérité destinées à sortir de situation d’endettement extrême conduisent à un pressurage fiscal puis à un coup d’arrêt de la consommation entrainant au final un effondrement des recettes fiscales qui alimente dès lors de nouveau l’endettement par des déficits exorbitants. De l’autre des politiques de relance construites sur la monétisation des dettes des États. C’est à dire que ces gouvernements s’endettent encore un peu plus pour financer la relance de l’économie en panne, soit en subventionnant la consommation, soit en finançant des infrastructures, soit en faisant un peu des deux. L’idée derrière cette approche est que la rentabilité de ces financements dépasserait celle de l’endettement généré et donc que la croissance de l’économie reprendrait des couleurs générant ainsi de nouvelles recettes fiscales permettant d’alléger le fardeau de la dette. Le malheur est que cette approche ne fonctionne pas dès lors que le consommateur est confronté à son propre endettement et à une baisse importante de son pouvoir d’achat  : il épargne. Les statistiques officielles ne sont pas très loquaces sur cette perte de pouvoir d’achat. Même si les prix à la consommation n’avaient pas bougé, ce qui n’est pas le cas malgré tous les tours de passe-passe des agences officielles de statistiques, l’augmentation de la pression fiscale se traduit par une perte très concrète de pouvoir d’achat.

« Entre extrême austérité et tentative de relance que reste-t-il  pour sortir de cette situation ? »
Pour en sortir il faut dans un premier temps en reconnaître l’origine. Le fardeau de la dette combiné avec un interventionnisme effréné des gouvernements est la cause de nos maux. Nous sortirons donc de cette situation lorsque la dette arrêtera d’étouffer toute initiative privée. Pour la faire fondre les gouvernements n’ont plus aujourd’hui qu’une seule solution : la répudier. Ils ne le feront pas. Pourquoi ? Parce qu’ils pensent avoir encore une arme pour s’en sortir.

« Nous allons entrer de plus en plus dans une course à la dévaluation »
Je m’explique. La croissance de la richesse nationale, le PIB, se mesure en agrégeant celles de la consommation des ménages, des investissements des entreprises, des dépenses étatiques, et enfin du solde de la balance commerciale, la différence entre exportations et importations (nota  : PIB = C+I+G+ (X-M)). La consommation est atone. L’investissement des entreprises dépendant principalement de la consommation il n’y a pas grand chose à en attendre. L’État étant obligé lui aussi de se mettre au régime, ce n’est pas de ce côté non plus que viendra la lumière. Il reste donc la balance commerciale. La dernière carte, qui se joue déjà, est donc de favoriser les exportations pour engranger de la richesse grâce à un excédent commercial. Les grands pays industrialisés étant tous dans la même galère fiscale, la compétition va donc être dure. Nous allons entrer de plus en plus dans une course à la dévaluation entre zones monétaires pour favoriser leurs exportations respectives. Au delà des bénéfices hypothétiques attendus sur les exportations, ces dévaluations successives vont impacter directement le pouvoir d’achat des habitants de ces zones monétaires du fait du renchérissement inévitable des matières premières importées. Pour les pays comme la France, dont environ la moitié de la dette est détenue hors de la zone Euro, cette stratégie présentera un attrait particulier, celui de faire fondre la valeur réelle de la dette détenue hors zone Euro.

« Le début de la guerre des monnaies »
Vous l’avez donc compris, le chapitre qui va s’ouvrir maintenant est celui de l’inflation provoquée par des dévaluations compétitives, une guerre des monnaies.
Le chapitre suivant sera celui du retour de la croissance héritée d’une certaine vigueur des exportations. C’est alors que se posera la question de l’éradication des montagnes de papier-monnaie qui ont été «  imprimées  » par les banques centrales pour monétiser les dettes souveraines. Aujourd’hui, ces montagnes ont trouvé refuge au sein même des banques centrales. Prenez par exemple la Réserve Fédérale. Elle affiche dans ses comptes officiels environ 1600 milliards de dollars d’excès de réserves (nota  : la moyenne jusqu’en 2007 était de 50 milliards de dollars d’excès de réserves) logés là par les banques ayant participé au petit jeu à trois de la monétisation de la dette des États-Unis  : le Trésor émet des obligations qui sont achetées par les banques accréditées qui ensuite se tournent vers la Réserve Fédérale pour les transformer en dollars que les banques ne prêtent pas et lui laissent en dépôt. Comment la Réserve Fédérale (la question se pose bien entendu pour les autres banques centrales) fera-t-elle pour retirer du marché ces milliers de milliards de dollars sans faire exploser les taux d’intérêts  ? À défaut d’en savoir plus, car le Réserve Fédérale est muette sur la façon dont elle compte procéder, prenez dès maintenant toutes les mesures nécessaires pour protéger votre pouvoir d’achat. Il devrait en prendre un coup, encore une fois.

*Lire aussi Les perspectives 2012 selon Yannick Colleu.

Pour en savoir plus : le niveau d’endettement par pays

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Jean-François Faure
Jean-François Faure. Président d’AuCOFFRE.com. Voir la biographie.

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