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L’apparente baisse du taux de pauvreté annoncée dernièrement pour la France cache en réalité une simple manipulation statistique.

Alors que nos élus sont en train de débattre de la pertinence d’une nouvelle taxation sur les signes extérieurs de richesse (auxquels ils cherchent à mêler par ignorance l’or et l’argent du bas de laine des Français, alors que ce sont justement les instruments de l’épargne populaire par excellence), l’Insee vient d’annoncer de son côté la baisse du taux de pauvreté en France.

Directement affiliée au ministère des finances, et donc chargée de communiquer des chiffres officiels traduisant l’action des gouvernements qui la font vivre, cette noble institution explique ainsi par le menu les différentes améliorations du niveau de vie des Français qui ont pu mener à cet bon résultat. Sauf que cette excellente nouvelle en apparence cache en réalité un simple tour de passe-passe statistique.

Un taux de pauvreté pour le moins arbitraire… et variable

Rappelons d’abord ce qu’on entend par « taux de pauvreté » : c’est le pourcentage d’individus dont les revenus mensuels après impôts et prestations sociales sont inférieurs à un seuil que l’on nomme d’ailleurs « seuil de pauvreté« . En France, ce seuil est tantôt fixé à 50% du revenu médian, tantôt à 60%. Pourquoi ces taux ? Parce que. C’est comme ça, il fallait bien en fixer un (ou deux). Quant au revenu médian, c’est en gros celui qui partage très exactement la population en deux parties égales : une moitié gagne moins, l’autre moitié gagne plus. En 2015, dernière année dont les chiffres sont définitivement connus, le revenu médian des Français se situait à 1691,67 euros par mois.

Traditionnellement, le seuil retenu par l’Insee est celui qui correspond à 60% du revenu médian. Par conséquent, en 2015, le seuil de pauvreté était de 1015 euros par mois, et étaient donc considérés comme pauvres les Français qui gagnaient moins que cela tous les mois. Et ce n’est pas rien, car selon les chiffres qui circulent habituellement, cela concernerait pas moins de 8,9 millions de personnes, soit 14,2% de la population française. C’est le fameux taux de pauvreté.

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Or, aujourd’hui, on apprend avec plaisir que ce taux de pauvreté est retombé à 13,9% en 2016. Joie, fierté et auto-congratulation ! La France commencerait-elle à sortir de l’ornière de la crise dans laquelle elle restait la dernière à s’embourber depuis 2008 ? Alors même que tous les autres pays occidentaux ont remonté la pente depuis pas mal de temps déjà. Le nombre de Français pauvres en France serait-il en train de diminuer ?

Rien n’est moins sûr. Car tout est affaire de chiffres, justement, et on sait depuis longtemps leur faire dire ce qu’on a envie d’entendre.

Un taux de pauvreté qui reste relatif

Second rappel : la population française augmente chaque année d’environ 0,4 à 0,5%. Ce n’est pas un taux d’accroissement naturel particulièrement extraordinaire mais cela reste suffisant pour dire qu’à un nombre constant de Français pauvres correspond chaque année un taux de plus en plus faible par rapport à la population globale. Dit autrement : en gardant le même nombre de Français pauvres, leur proportion ne peut que baisser à mesure que la population totale augmente. C’est bêtement mathématique. Ainsi, la baisse du taux de pauvreté ne veut donc pas forcément dire qu’on a moins de pauvres en France…

Enfin, répétons-le, en France comme dans le reste de l’Europe, le seuil de pauvreté a beau être fixe (60%) il reste déterminé de manière relative, par rapport à un revenu médian. Or lui, en revanche, est parfaitement susceptible d’évoluer d’une année sur l’autre. À la hausse comme à la baisse. Et c’est justement là que réside l’astuce.

Le revenu médian pourrait de nouveau baisser légèrement

Entre 2011 et 2012, le revenu médian des Français a baissé en entraînant mécaniquement le seuil de pauvreté avec lui, le faisant passer de 1020 à 1010 euros par mois (sources : Insee – Observatoire des inégalités). Et ce scénario pourrait bien se répéter entre 2015 et 2016. En effet, même si les chiffres définitifs devraient être connus en septembre 2018, il semble que le seuil de pauvreté pour 2016 connaisse un léger repli par rapport à 2015.  Plus précisément, certains tablent déjà sur un retour aux niveau des années 2012, 2013 et 2014, soit entre 1008 et 1010 euros par mois. Les raisons sont multiples : augmentation du nombre de travailleurs en contrats précaires, allongement de la durée du chômage avec perte des droits et basculement sur le régime du revenu de solidarité active (ce qui permet au passage de faire sortir près de 2 millions de personnes des chiffres de Pôle Emploi), généralisation des salaires inférieurs à 1,6 fois le Smic pour bénéficier des allègements de cotisations patronale, etc.

Évidemment, si cette baisse du seuil de pauvreté devait se confirmer, cela correspondrait à une différence minime de 5 à 7 euros par mois. Cela semble peu, et pourtant, cela suffirait à réduire mécaniquement le nombre de pauvres en « excluant » tous ceux dont le revenu se situe entre 1010 et 1015 euros. Ceux-là mêmes qui auraient été considérés comme pauvres un an auparavant. Une différence de 0,5% qui, dans le cas d’un calcul basé sur le revenu médian revient à considérer plus ou moins la même proportion d’individus.

Des pauvres en réalité plus nombreux qu’annoncé

Dans ces conditions, il est assez facile d’annoncer une baisse du taux de pauvreté, même si cela revient malheureusement à occulter la réalité quotidienne de près de 45000 personnes qui se voient subitement sorties de la pauvreté « administrative » sans pour autant avoir gagné un euro de plus chaque mois…

N’oublions pas non plus tous les étudiants pauvres qui ne sont pas comptabilisés par l’Insee. En effet, les données complémentaires fournies par l’institut de statistiques stipulent bien que seules sont concernées « les personnes vivant dans un ménage dont le revenu déclaré est positif ou nul et dont la personne de référence n’est pas étudiante. » Or près de 20% des 2,5 millions d’étudiants recensés en France vivent en-dessous du seuil de pauvreté.

Ainsi, quel que soit le taux de pauvreté annoncé, on nous parle depuis 2010 d’un nombre de personnes tournant toujours autour de 8.7 à 8.9 millions d’individus, comme si le seuil de 9 millions constituait une sorte de tabou statistique indigne de la France. Pourtant, à bien y regarder, il semble que ces 9 millions aient été dépassés depuis longtemps déjà et, si on s’en tient aux statistiques de l’Insee, même le contestable taux de pauvreté à 13,9% sur une population française de ‎66 990 856 habitants donne le chiffre de… 9 311 729 Français pauvres.

Alors, toujours convaincus que le nombre de pauvres baisse en France ?

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Anthony Alberti
Entrepreneur depuis vingt ans dans le domaine de la communication et l'information stratégique, il a été amené à travailler plusieurs fois en partenariat avec des banques et des assurances, dont la principale matière d'œuvre était constituée de l'argent des épargnants. Peu complaisant à l'égard de leurs pratiques dont il a entrevu les coulisses, il délivre aujourd'hui régulièrement son analyse sans concession (et souvent piquante) non seulement sur les agissements des professionnels de la finance, mais aussi de tous ceux qui, de près ou de loin, se font les auteurs ou les complices des manipulations qui spolient chaque jour un peu plus les honnêtes citoyens.

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