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Depuis 2 ans, les États-Unis se vantent d’avoir atteint le plein emploi, c’est à dire environ 5% de chômage selon les critères de l’OCDE. Or la réalité est très éloignée de ces bons résultats affichés, le vrai nombre de sans-emploi aux USA se situant désormais aux alentours de 23% de la population active, soit à peu près le même niveau de chômage que l’Espagne ou la Grèce.

Comment une telle différence est-elle possible ? Tout simplement en faisant ce que font tous les gouvernements, y compris le nôtre : publier uniquement les chiffres qui les arrangent.

Communiquer sur les chiffres les plus favorables

Concrètement, lorsque l’administration américaine indique dès 2014 que le niveau de chômage est de 5,6% de la population active, elle comptabilise en réalité les seuls individus ayant recherché activement un emploi durant les 4 semaines précédentes. Or, aux États-Unis comme partout ailleurs, la crise de 2008 a laissé des traces durables dans l’économie, y compris et surtout sur le marché de l’emploi, ce qui a pour conséquence non seulement un allongement de la durée d’inactivité pour les demandeurs d’emploi mais également une probabilité plus importante de ne pas trouver rapidement un poste correspondant à leur profil. Ainsi, au même titre qu’en France nous avons plusieurs catégories de chômeurs (A, B, C, D, E…), les Américains disposent d’un classement en partie basé sur le niveau de « découragement » des demandeurs d’emploi.

Plus exactement, dès lors qu’un demandeur d’emploi ne se manifeste plus depuis 4 semaines, sans pour autant avoir trouvé un travail, il entre dans la catégorie de ceux que l’on appelle les « discouraged workers« , c’est à dire les chômeurs admissibles à l’emploi et capables de travailler, mais qui ont provisoirement (ou durablement) renoncé à chercher un emploi par manque d’opportunité disponible ou de formation adéquate. Classiquement, on distingue les « short-term discouraged workers« , qui ont arrêté de chercher depuis quelques semaines à quelques mois, et les « long-term discouraged workers » dont le découragement date de plus d’un an. Certains ayant fini par se marginaliser et d’autres ayant choisi de retourner vivre chez leurs parents, il est très difficile de les comptabiliser précisément et il est désormais admis que les chiffres annoncés sont généralement très sous-estimés.

Quand le découragement fait sortir des statistiques

Sous la pression de l’opinion publique, le gouvernement a accepté de communiquer à demi-mot sur ce phénomène et il a même intégré les short-term discouraged workers dans les statistiques « internes » du chômage aux États-Unis (c’est-à-dire celles que l’on réserve aux chercheurs, aux universitaires, aux institutions mais sur lesquelles on évite de trop s’étendre auprès du grand public, et encore moins à l’étranger). Ainsi, en avril 2016, le Bureau of Labor Statistics (BLS) chiffrait bien à 5% la proportion de demandeurs d’emploi « actifs » (catégorie U3). Néanmoins, dès lors qu’on ajoute les chômeurs découragés depuis moins d’un an (catégorie U6), le ratio grimpe à 9,7% soit près du double.

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Mais c’est si on intègre tous ceux qui ont arrêté de chercher du travail depuis plus d’un an (ces fameux « long-term discouraged workers« ) que les choses se gâtent, car le nombre de demandeurs d’emploi américains explose alors à 22,9% , en hypothèse basse, soit à peine moins que les chiffres du chômage en Grèce.

Un modèle américain qui ne fait plus rêver

Autant dire que même par rapport à la France, et son taux réel de chômage avoisinant les 20%, l’économie made in USA présente tout à coup un profil beaucoup moins enviable. Surtout que les motifs d’un niveau aussi élevé de découragement chez les demandeurs d’emploi sont exactement les mêmes qui expliquent en France le nombre sans cesse croissant de chômeurs de longue durée :

  • Absence de postes disponibles, en raison notamment d’une automatisation, voire d’une robotisation accrue de nombreuses activités industrielles ;
  • Inadéquation entre la formation des demandeurs d’emploi et les besoins actuels de l’économie, sans véritable politique de remise à niveau réellement efficace pour l’instant ;
  • Discrimination à l’embauche pour des raisons d’âge (trop jeune ou trop vieux), de sexe ou encore d’appartenance ethnique notamment.

Par conséquent, il semble bien que ni les États-Unis ni la France ne soient à la veille de trouver une solution pour réduire le chômage de masse.

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Anthony Alberti
Entrepreneur depuis vingt ans dans le domaine de la communication et l'information stratégique, il a été amené à travailler plusieurs fois en partenariat avec des banques et des assurances, dont la principale matière d'œuvre était constituée de l'argent des épargnants. Peu complaisant à l'égard de leurs pratiques dont il a entrevu les coulisses, il délivre aujourd'hui régulièrement son analyse sans concession (et souvent piquante) non seulement sur les agissements des professionnels de la finance, mais aussi de tous ceux qui, de près ou de loin, se font les auteurs ou les complices des manipulations qui spolient chaque jour un peu plus les honnêtes citoyens.

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