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Nous nous inquiétons tous de la remontée de l’euro. Pourquoi l’euro est-il fort ? Est-il trop fort d’abord ? Et nous coûte-t-il trop cher ? Les analyses apportées par plusieurs experts lors de l’émission de Radio Notre-Dame, le 7 février dernier, consacrée à ce sujet apportent un éclairage complet sur la question de l’euro et de ce qu’il faut attendre de l’avenir de cette monnaie et de l’avenir avec cette monnaie.

Avec :
– Robert Rochefort, ancien directeur du CREDOC, sociologue, député européen MODEM,
– Charles Sannat, économiste et Directeur des études économiques d’AuCOFFRE.com
– Thomas Renault, doctorant en économie à la Sorbonne, professeur d’économie à l’IESEG Paris et créateur du blog captain€conomics.com
– François Ramette, fondateur de la société Deomenos, société de conseil en fusion, acquisition, cession d’activité.

Une monnaie, des économies

Pour répondre à la question « l’euro est-il trop fort ? » il faut se rappeler le contexte dans lequel celui-ci a été créé.
Les experts s’accordent à dire que l’euro est avant tout un projet politique et non économique.
Au départ, la volonté de créer une zone économique commune aux pays de l’Europe est partie de l’entente entre Helmut Kohl et François Mitterrand pour rallier l’Allemagne à la France après la chute du mur de Berlin, afin de créer une Allemagne unifiée plus forte.
Or cette construction politique à la base a généré des problèmes économiques bien réels. Elle est en fait confrontée aux intérêts nationaux de chaque pays, parfois en contradiction avec l’intérêt général de la zone euro.
Nous sommes dans une économie à plusieurs vitesses, c’est un fait. Bien sûr, il existe des divergences au sein de la zone euro. Thomas Renault l’explique très clairement : « Le problème majeur de la zone euro réside dans le fait qu’il y a une politique monétaire commune pour des pays différents, avec des « chocs asymétriques » qui ne touchent pas les pays au moment ».
Comme le souligne Charles Sannat, le problème est que la zone euro est une somme d’économies hétérogènes alors que par définition, une politique monétaire est unique.

En termes de responsabilité, on peut dire que l’Europe ne joue pas le jeu des autres pays qui dévaluent leur monnaie. Les Chinois, et récemment le Japon, ont sous-évalué leur monnaie afin de faciliter les exportations. Le seul moyen que les autres pays ont de lutter est de faire pareil. En refusant de dévaluer l’euro, l’Europe est en partie responsable, car elle ne va pas assez loin dans l’unification.

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L’euro est-il vraiment trop fort ?

Tout est relatif, on en parle en ce moment, mais l’euro a connu son plus haut niveau avant la crise, quand il valait 1,60$. Aujourd’hui, 1€ = 1,35$. D’ailleurs, depuis qu’aucune devise ne repose plus sur aucune contrepartie en or (depuis 1971, sous Nixon), elles s’ajustent entre elles, on appelle ça le système de changes flottants.
On parle toujours de la parité euro/dollar (le dollar ayant détrôné l’or pour s’imposer comme devise de référence internationale), mais il faut regarder aussi la parité de l’euro avec la moyenne des parités avec laquelle la France exporte. On constate alors que l’euro est moins fort, comparé à un panier moyen d’exportations (yen, yuan, devises des pays émergents comme le réal brésilien).
Néanmoins, comme la plupart des exportations s’effectuent en dollars, force est de constater qu’à l’heure actuelle, l’euro trop fort gêne les exportations en France et dans la plupart des pays européens.

Alors à qui profite l’euro fort ?

Quand l’euro est fort et le dollar faible, c’est plutôt avantageux lorsque nous importons du pétrole, mais en Europe, nous sommes trop chers à l’exportation.
L’appréciation actuelle de l’euro est inquiétante pour un pays tel que la France qui a du mal à exporter ; l’industrie française est « fragilisée, malade avec ses exportations ». Et elle n’est pas la seule dans ce cas. A l’heure actuelle, il y a plus de pays qui ont intérêt à ce que l’euro ne soit pas trop surévalué actuellement.
Alors, trop fort l’euro ? Cela dépend pour qui. Pour Robert Rochefort, l’euro fort ne sert que l’Allemagne qui exporte de bons produits. Elle exporte en permanence, elle est tournée vers la compétitivité « alors qu’elle est pourtant confrontée aux mêmes problèmes sociaux grave que nous, en France », souligne François Ramette.
Le problème est que la zone euro est actuellement tirée par la locomotive allemande qui pense à ses intérêts nationaux et pour qui l’euro fort profite à ses exportations.
L’Europe est dans une situation similaire aux Etats-Unis avant leur unification, avec des Etats fortement endettés. Sauf que l’Allemagne refuse de jouer le jeu de l’euro et d’en accepter la contrepartie, en refusant d’aider les pays européens en difficulté. Ce qui est un comble quand on sait sur quelles bases historiques l’Union Européenne a été fondée.

Quels choix avons-nous ?

On peut d’ores et déjà se poser la question : avons-nous vraiment le choix d’une politique monétaire différente ?
Pour Charles Sannat, nous avons deux expectatives :
– Ou bien on continue de bloquer l’euro pour limiter les dégâts de l’inflation
– Ou on laisse faire les choses à leur rythme.
En économie, il n’y a pas une vérité, mais plusieurs visions qui s’opposent.
Celle de de la France qui historiquement a toujours joué avec et dévalué sa monnaie, et celle de l’Allemagne qui a une approche de la monnaie forte, qui ne va pas jouer sur la monnaie ni sur l’inflation car pour eux, rappelle Charles Sannat, « l’inflation c’est l’hyperinflation de la République de Weimar, c’est l’avènement du régime nazi, avec la disparition quasi-totale de la nationalité allemande après la 2e guerre mondiale ».
Pour Thomas Renault, la façon de corriger un choc dans un pays qui dispose de sa banque centrale indépendante et de sa propre monnaie, c’est soit de répondre par une politique monétaire, soit d’avoir des transferts budgétaires.
Le problème dans le premier cas de figure est que l’Allemagne et la Grèce n’ont pas les mêmes intérêts : nous n’avons pas une politique monétaire qui puisse contenter les deux pays.
Dans le deuxième cas de figure, il faudrait accepter que l’Allemagne aide la Grèce, comme la France aide les DOM TOM…

Renforcer le contrôle de la BCE ou des autorités politiques ?

Pour Robert Rochefort, le contrôle démocratique des décisions de la BCE est à créer au niveau de l’autorité politique européenne mais pas au niveau de la Banque Centrale Européenne, qui est indépendante des autorités politiques.
Ce renforcement du contrôle démocratique de l’Union Européenne pourrait s’effectuer à travers l’élection du président unique des pays d’Europe, élu par une multitude de peuples. Il embrasserait ainsi une vision européenne et non nationale. Il serait tenu de représenter et de défendre les peuples qui l’ont élu.
« Avec un président des Etats-Unis d’Europe, continue de plaider Robert Rochefort, nous aurions la 1e ou la 2e place au G8 ».
Or si dans 20 ans, l’Europe n’a toujours pas un seul représentant pour tous les pays qui la constituent, il n’y aura plus aucun pays à la table du G8, et plus personne pour défendre les valeurs européennes.

Pour Charles Sannat, l’issue d’un euro moins fort devrait se trouver toute seule. Avec les problèmes immobiliers qui arrivent au niveau des banques espagnoles (on parle de 500 à 600 milliards d’euros de pertes, de créances douteuses), Chypre qui prend l’eau… ces grandes difficultés vont nécessiter des interventions monétaires fortes et une forme d’assouplissement quantitatif, c’est-à-dire de l’impression d’euros de la part de la BCE. L’euro trop fort ne devrait donc pas durer.

Quel impact l’euro fort a-t-il sur le panier de la ménagère ?

En attendant, il y a crise et le pouvoir d’achat des Français s’en ressent. Y’a-t-il une corrélation entre le panier de la ménagère, le prix d’un plein d’essence et les variations de l’euro ? « La mesure de l’inflation est un enjeu politique majeur et sensible », reconnaît Charles Sannat. « Elle joue dans la négociation des salaires, permet d’établir un certain nombre de référentiels budgétaires avec Eurostat et joue dans la constitution du panier des ménages.
Mais l’inflation n’est pas gênante en soi, il s’agit d’un mouvement d’érosion naturelle des monnaies qui dure depuis que la monnaie existe. Ce qu’il est important de regarder, c’est la manière dont évolue le couple augmentation des prix/revenus. Depuis 15 ans, les salaires ne suivent pas l’augmentation des prix. Ce qui rend insupportable l’inflation actuelle, c’est que les salaires ne sont même plus indexés sur l’inflation, sur l’indice des prix, et l’on parle aussi de désindexation pour les retraites ».
Ce qui a un réel impact sur le panier de la ménagère, c’est que les salaires ne suivent plus. L’explication est simple et il n’y a pas de recette miracle :
– avec un solde négatif pour l’industrie française avec plus de fermetures d’usines que d’ouvertures.
– les emplois délocalisés à l’étranger
– l’automatisation technique, les progrès informatiques
– et les salaires qui ne sont plus indexés sur l’inflation
Il y a de moins en moins d’emplois, de plus en plus de chômeurs (5,5 millions), de paupérisation, le phénomène est mondial et se généralise. S’il y a moins d’emploi, il y a forcément moins d’augmentation de salaire à la clé.

Ce qui grève le plus le panier de la ménagère n’est pas tant l’euro trop fort que l’augmentation vertigineuse du prix des matières premières depuis 2000, des dépenses énergétiques depuis 2005, celle des loyers et les conditions d’accès très difficiles à la propriété, surtout pour les primo-accédant, depuis le début de l’année.

L’austérité pour relancer l’économie ?

En attendant, il s’agit de rééquilibrer le budget de l’Etat et il n’y a pas une infinité de solutions : soit on augmente les recettes, soit on baisse les dépenses.
Autrement formulé, soit on augmente les impôts, soit on réduit le train de vie de l’Etat.
Mais l’effet induit n’est pas le même.
Comme l’explique Pierre Leconte dans le Guide de l’investissement en or, l’augmentation des impôts a le même impact que celle de la dette publique. Quand on créée des liquidités ex nihilo, au lieu de créer de la relance, les gens ne consomment pas, « ils économisent en prévision d’une hausse d’impôts inéluctable pour rembourser la dette et le paiement de ses intérêts ».
Des propos confortés par François Ramette : « Lorsque vous baissez les dépenses budgétaires, vous n’influencez que peu le comportement des individus. Or, une étude a récemment démontré qu’en revanche, quand on augmente les impôts, le réflexe humain consiste à thésauriser en vue d’un avenir incertain ».

Alors imposer l’austérité à l’Etat, est-ce vraiment la bonne solution ? « Pour quoi faire ? », s’interroge Charles Sannat. « Toute politique qui ne donne pas à rêver est vouée à l’échec ». Ce n’est pas l’austérité qui fera revenir la croissance puisque celle-ci est finie. Il faut donc cesser de se punir inutilement et passer à un autre modèle.

Changer de modèle économique

Plus qu’un problème monétaire, nous sommes confrontés à une problématique de modèle économique. Et le système public français n’est pas efficace. « Sans faire de réforme, nous avons fait grossir les dépenses publiques sans que la qualité du service public rendu aux Français soit meilleure », souligne François Ramette. La France n’a certes pas effectué les réformes de structure nécessaires qui devaient l’accompagner dans l’intégration de l’Europe pour qu’elle soit plus compétitive. Certes, la France a beaucoup de dépenses publiques qui auraient nécessité d’être restructurées.
Mais le modèle sur lequel nous vivons depuis 50 ans a vécu, il est temps d’en changer.
Rien ne devrait être calculé en termes de croissance, mais de qualité, avec un modèle énergétique différent par exemple.
Pour reprendre la formule de Charles Sannat, « Il faut en finir avec le modèle basé sur la croissance infinie dans un monde fini ».
En France et dans bien d’autres pays, on va devoir accepter de ne plus avoir une hausse annuelle du pouvoir d’achat de 2 à 3% comme c’était le cas dans les années 90/2000.
Une réduction de croissance implique nécessairement une réduction du train de vie des individus.

A titre individuel, qu’est-ce que l’on peut faire ? L’érosion monétaire est inéluctable, les devises ne jouent pas leur rôle de conservateur de pouvoir d’achat comme elles devraient le faire. L’alternative actuelle en attendant soit une reprise économique miracle, soit un changement de modèle économique qui prendra du temps, c’est d’orienter son patrimoine vers du tangible, des valeurs sûres, ce que l’on appelle des valeurs refuge : l’immobilier, les terres agricoles et pour ceux qui n’en ont pas les moyens, transformer petit à petit son assurance-vie, son livret A en or.
Il existe des solutions très simples et à la portée de tous !

Ecouter l’émission du 7 février sur Radio Notre-Dame

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Jean-François Faure
Jean-François Faure. Président d’AuCOFFRE.com. Voir la biographie.

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