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Décidément, l’épargnant est vraiment considéré en France comme un mauvais citoyen, et les dernières décisions prises par le gouvernement semblent corroborer ce triste constat.

Le 10 octobre dernier, l’OCDE nous révélait les chiffres de l’épargne dans différents pays considérés les plus développés (Allemagne, États-Unis, Canada, Australie, France, Japon, Royaume-Uni, etc.). Et on y découvrait que, si la France est bien historiquement un pays d’épargnants, nous sommes loin d’être les fourmis les plus zélées de l’OCDE. En réalité, nous serions même bien plus près des cigales au regard des taux d’épargne constatés non seulement dans la Zone Euro mais aussi dans la plupart des autres pays du monde.

L’État a besoin de nos économies

Pourtant, l’État français enrage de voir toutes ces ressources inutilisées, insensible aux arguments de prévoyance et de protection qu’il devrait plutôt encourager en ces temps de crise. Parce que l’argent que nous avons, c’est autant qu’il n’a pas. Et il en manque cruellement, surtout depuis qu’il s’est mis en tête que tout pouvait s’acheter, y compris la compétitivité (le pathétique épisode Alstom en est un bon exemple). Sans compter que la paix sociale coûte cher, elle aussi, comme en témoignent les milliards d’euros déjà distribués par le gouvernement  aux organisations syndicales, lesquelles ont d’ailleurs très bien compris qu’elles devraient se manifester bien plus régulièrement, pour n’importe quel motif, afin de monnayer le retour au calme contre de quoi ne pas mourir de faim jusqu’à la prochaine grève. En d’autres temps et en d’autres lieux, on aurait qualifié ces agissements de mafieux. Mais passons…

Donc, malgré son niveau relativement modeste, l’épargne des Français est jugée excessive par l’État. Et l’Insee, dans sa grande bienveillance à l’égard des puissants qui le nourrissent (là encore, et de quelque bord qu’ils puissent être d’ailleurs), a même fixé ce taux d’épargne à 14,50% pour l’année 2015, justifiant l’urgence de le réduire au regard des quelque 12,8% seulement dans le reste de la Zone Euro. L’ennui c’est que, là où l’organisme statistique français déchiffre 14,5%, l’OCDE plus indépendant vis-à-vis de nos dirigeants politiques ne lit que 8,3. Et pour le coup, nous sommes bien moins économes que la plupart de nos voisins européens. Quand un Français met en moyenne chaque jour un peu moins de 9 euros de côté, un Allemand épargne 10,48 euros, un Norvégien ou un Australien environ 11,30 euros, un Suédois 15,76 euros, et un Suisse… plus de 27 euros.

L’ennui, c’est qu’on ne peut pas contraindre facilement les Français à casser leur Livret A ou leur PEL. Et même les taux négatifs dont l’avènement fut vécu comme la solution à tous les maux, puisqu’ils allaient rendre le crédit rentable pour les emprunteurs et l’épargne coûteuse, n’ont pas réussi à détourner les épargnants du bon sens le plus élémentaire.

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Refiscaliser indirectement le livret A

Alors il reste la sanction, et la dernière décision en date vise toute simplement à supprimer les aides personnalisées au logement des ménages ayant constitué une épargne par ailleurs. Une odieuse manœuvre qui risque non seulement de ne pas atteindre le but escompté mais surtout d’appauvrir encore davantage ceux qui sont les plus fragiles. Ainsi, après une première entaille faite le 1er juillet dernier dans le principe de cette allocation, à savoir l’instauration d’une dégressivité des APL au-delà d’un certain montant de loyer (parce que c’est bien connu que les pauvres essaient toujours de vivre au-dessus de leurs moyens et veulent occuper des logements bien trop chers par rapport à leurs revenus), voilà que le gouvernement de M. Valls a décidé de sanctionner les bénéficiaires de l’APL dont le patrimoine serait supérieur à 30.000 euros.

On ne devrait guère s’étonner d’une mesure aussi démagogique, voire populiste, à quelques mois des élections présidentielle et législatives. Néanmoins, alors que l’objectif est de frapper ces « salauds de riches qui s’agrippent à leur or » (pour reprendre la remarque moyenâgeuse prononcée par un actuel « homme de gauche » auquel nous épargnerons l’outrage de révéler son nom), la mesure risque surtout de sanctionner une grande partie des locataires de droit commun ainsi que des propriétaires appartenant à la classe moyenne basse (ceux qui ont BESOIN de l’APL). Car, la loi de finance pour 2016 prévoit d’introduire les produits financiers dans la base de calcul servant à déterminer ce fameux patrimoine de 30.000 euros. Et là où l’idée confine au génie (ou au ridicule, c’est selon), c’est que les différents livrets d’épargne réglementés, au premier rang desquels on trouve l’emblématique livret A, mais aussi le livret d’épargne populaire ou encore le livret de développement durable, seront eux aussi considérés comme des produits financiers comme les autres.

Une manière finalement fort habile (ou particulièrement mesquine) de refiscaliser indirectement des supports d’épargne qui ne l’étaient pas jusqu’ici… et qui ne rapportaient déjà plus grand chose.

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Anthony Alberti
Entrepreneur depuis vingt ans dans le domaine de la communication et l'information stratégique, il a été amené à travailler plusieurs fois en partenariat avec des banques et des assurances, dont la principale matière d'œuvre était constituée de l'argent des épargnants. Peu complaisant à l'égard de leurs pratiques dont il a entrevu les coulisses, il délivre aujourd'hui régulièrement son analyse sans concession (et souvent piquante) non seulement sur les agissements des professionnels de la finance, mais aussi de tous ceux qui, de près ou de loin, se font les auteurs ou les complices des manipulations qui spolient chaque jour un peu plus les honnêtes citoyens.

2 Commentaires

  1. Il y a un vrai problème avec ce point de vue. En effet toutes nos économies sont en réalité déjà prêtées à l’état et donc il se tirerait une balle dans le pied ? Et ce d’autant plus que les taux d’intérêts servis sont quasi nuls sinon bientôt négatifs ne serait-ce que par les frais bancaires qui vonr exploser en 2017.

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