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Il a tout juste un siècle, l’armistice du 11 novembre 1918 mettant fin à la Première Guerre mondiale sur le front occidental. Dans les prochaines semaines, il sera beaucoup question de ce conflit majeur, qui a meurtri le monde à une échelle encore jamais vue alors et traumatisé plusieurs générations.

Mais si elle s’était arrêtée en 1915, non pas faute de combattants… mais faute de moyens financiers ? Quel a été le rôle de l’or dans le conflit, quelle place a été prise par l’endettement ?

Une étincelle qui met le feu aux poudres

L’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand d’Autriche, héritier de l’empire austro-hongrois, est généralement considéré comme l’élément déclencheur du conflit. Cette étincelle met le feu aux poudres d’une rivalité économique forte entre les puissances européennes. L’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne se disputent certaines colonies et leurs matières premières, et l’Allemagne ne cache pas ses velléités d’étendre son influence.

Lorsqu’elles entrent dans le conflit, les grandes nations d’Europe possèdent des richesses importantes. Elles ont le pied sur d’autres continents, et peuvent mobiliser des troupes rapidement. Mais l’Allemagne semble la seule puissance préparée à la guerre, ce qui nourrit d’ailleurs encore aujourd’hui l’idée que le conflit avait été préparé de longue date par l’état-major allemand. Par le jeu des alliances, la France, le Royaume-Uni et la Russie s’opposent à l’Allemagne, l’Autriche Hongrie et l’empire Ottoman. D’autres puissances entrent ensuite dans le conflit. Jusqu’en 1917, tournant du conflit quand les Etats-Unis entrent en guerre alors que les Russes en sortent.

L’or des particuliers mobilisé pour financer la guerre

Pourtant, il me semble important de rappeler que l’année 1917 n’a pas été le seul tournant important du conflit. Dès 1915, la France a commencé à s’inquiéter pour ses réserves d’or. « En moins d’un an, l’encaisse or de la Banque de France a fondu de 1,2 milliard et le franc commence à être attaqué sur les marchés », évoque le site LesEchos.fr. La France est pourtant l’un des pays qui se lance dans la guerre avec le plus d’assise financière. Avant le début du conflit, son encaisse or s’élève à 10 milliards de francs d’or, soit 2900 tonnes de métal précieux… « et presque le quart de tout l’or monétaire existant dans le monde ».

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La guerre coûte cher en effet. Pour continuer à pouvoir la financer, le ministre des Finances Alexandre Ribot a une drôle d’idée : demander aux Français de donner leur or pour le conflit. Une campagne d’affichage est même mise au point. « Pour la France versez votre or », « l’or combat pour la victoire », « versez votre or nous versons bien notre sang »… Les affiches font leur effet. Donner son or devient un acte patriotique. En 1915, la Banque de France reçoit 380 tonnes d’or, et plus de 700 jusqu’à la fin du conflit. Les Louis d’or français sont échangés contre des billets de 20 francs : les particuliers versent ainsi jusqu’à la moitié de tout l’or qu’ils détiennent.

L’or circule, mais plus chez les particuliers

Et que devient cet or versé pour la patrie ? Il voyage : des dizaines de tonnes sont envoyées par bateau à la Banque d’Angleterre. Dans son livre La Banque de France dans la Grande Guerre, Didier Bruneel évoque aussi l’or envoyé à Madrid ou encore à New York. En échange, le pays a la confiance de ses fournisseurs. Et notamment les Etats-Unis : entre 1914 et 1919, même après leur entrée en guerre en 1917, les Américains ont doublé leurs réserves en or. Alors que dans le même temps, les réserves en or de la France baissent drastiquement : en 1919, la Banque de France ne possède plus que 1100 tonnes d’or, même après avoir mis la main sur l’or des particuliers.

L’or circule donc bien entre pays en guerre et pays fournisseurs, mais on n’en voit plus la couleur dans les échanges du quotidien. En France, le Louis d’or a laissé la place à la monnaie papier et à la monnaie obsidionale, c’est-à-dire la monnaie de nécessité. Entre les bons de monnaie délivrés par la Banque de France, les bons de paiement ou même les billets fabriqués dans certains villages, on est bien loin de l’or et de l’argent ! Même chose au Royaume-Uni, où il n’est pas interdit de demander de l’or en échange de ses coupures… mais où toute une série de procédures ont rendu la demande très compliquée et très suspecte. Même les Etats-Unis, lorsqu’ils entrent en guerre, imposent des restrictions sur les sorties de métal précieux.

Quand l’inflation et la planche à billets contribuent à la durée de la guerre

Si les pays belligérants n’avaient pu compter que sur leurs propres réserves d’or, le conflit se serait probablement terminé dès 1915 ou 1916. Outre le recours au métal précieux détenu par les particuliers, plusieurs mécanismes financiers se sont mis en place. Un dossier du Monde se penche d’ailleurs sur cet aspect de la guerre. « Le montant des dépenses militaires est estimé à 186 milliards de dollars, dont 25 milliards pour la France », détaille l’article. Pour le pays, cela représentait six fois le budget annuel de l’Etat d’avant-guerre.

Parmi les mesures de financement, il y a eu la mise en place d’un impôt sur les revenus, véritablement appliqué à partir de 1916. Mais c’est surtout la création monétaire – la fameuse « planche à billets » et l’emprunt qui ont financé la guerre. Avec des effets notables dès la fin du conflit : la création monétaire d’urgence a contribué à une inflation de guerre, et à la disparition de l’or et de l’argent dans les échanges monétaires. Autre effet majeur qui aura des conséquences, l’emprunt auprès de pays neutres ou auprès des Etats-Unis.

Pour les Français plongés dans l’entre deux-guerres, l’or échangé à la Banque de France au profit de la guerre couplé à une inflation a un effet désastreux sur leur épargne. Les Louis d’or ont été échangés contre des billets de 20 francs… et l’inflation est passée par là ! Ils sont nombreux à être ruinés, et à adopter ce slogan vengeur « L’Allemagne paiera ». Quand je vous dis que cette Grande Guerre a été annonciatrice de plus terribles bouleversements par la suite !

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Jean-François Faure
Jean-François Faure. Président d’AuCOFFRE.com. Voir la biographie.

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