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L’étroite relation entre inflation et cours de l’or risque bien une fois de plus de favoriser le métal précieux face à la fragilité d’une reprise économique basée sur un retour à la croissance à la fois artificiel et biaisé.

On l’a longtemps subie, et puis on a fini par la faire disparaître. Mais étrangement, elle a commencé à manquer à notre économie et, depuis quelques années, on cherche à la retrouver. Elle, c’est l’inflation, et il se pourrait bien qu’avec le retour (timide) de la croissance et une baisse relative du chômage, on finisse par la faire repartir en France. Mais sera-t-elle à la hauteur des attentes ? Et, plus important encore, saura-t-on seulement la maîtriser ? Avec en arrière plan des conséquences non négligeables (et plutôt positives) pour les cours de l’or en 2018.

Les attentes théoriques du quantitative easing

Grâce à (ou à cause de) la politique menée par la Banque Centrale Européenne depuis quelques années, visant à saturer l’économie de liquidités monétaires (quantitative easing), tout est mis en place pour favoriser un retour de l’inflation en France : on injecte de la monnaie qui doit, à terme, permettre le financement de nouveaux développements industriels et commerciaux, lesquels sont censés alors fluidifier le marché de l’emploi en facilitant les recrutements de la part d’employeurs redevenus confiants en l’avenir.

Objectif : accompagner, voire susciter une croissance économique qui se traduira à terme par plus d’argent dans les poches des citoyens (re)devenus consommateurs, lesquels contribueront à leur tour à faire fonctionner la machine commerciale et industrielle. La BCE crée l’élan, l’impulsion initiale, et les acteurs économiques font le reste en entretenant le mécanisme.

Une réalité qui se heurte aux dysfonctionnement du système français

Théoriquement, l’idée est séduisante, mais en pratique c’est déjà plus compliqué.

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D’abord, la masse d’argent nécessaire qu’il aura fallu injecter dans l’économie Française pour voir enfin notre croissance décoller au-delà de 1,5% est bien supérieure à ce qui était prévu. Pour preuve, ça fait bien longtemps que la plupart de nos voisins européens ont atteint des niveaux plus confortables pour moins cher. Ce qui peut laisser entendre au passage que notre appareil économique, commercial et même financier est grippé, mal configuré, obsolète même, puisqu’il n’a pas su profiter à plein d’un apport massif de ce qui était pourtant censé lui manquer le plus.

C’est un peu comme si on avait alimenté un moteur en carburant et qu’on se rendait compte qu’il n’avait pas été huilé depuis des lustres, qu’il était perclus de fuites et que l’essentiel de ce qu’on lui injectait se perdait à l’extérieur. Ici, l’extérieur, c’est par exemple les importations qui excèdent chroniquement les exportations, nous laissant chaque année avec un déficit commercial record par rapport au millésime précédent.

Mais ce sont aussi les « détournements » de cette manne financière au profit de certaines catégories seulement d’entreprises ou d’individus, comme pour mieux souligner les effets pervers d’une politique économique et sociale entretenue depuis des décennies et dont la vocation semble être de creuser les inégalités au lieu de les résorber. Le tout au détriment d’une classe moyenne qui aurait pu justement être la mieux placée pour soutenir cette économie réanimée par la BCE.

Un résultat toutefois atteint… mais sans effet notable

Quoi qu’il en soit, à force d’insister et en dépit des fuites qu’on ne prend toujours pas la peine de résorber, il semblerait qu’on soit parvenus à induire un élan de croissance dont on suppose qu’elle atteindra éventuellement 2% en 2018.

Ce taux n’est pas anodin, car on considère que c’est celui à partir duquel l’économie commence à être « rentable », qu’elle crée de l’emploi et qu’elle peut même relancer la dynamique industrielle et commerciale. L’ennui, c’est que cette règle est de moins en moins pertinente, en raison du fait notamment que les marchés sont devenus mondiaux et que notre économie souffreteuse est désormais confrontée à celle de pays qui affichent sans effort des taux 3 ou 4 fois supérieurs, en particulier par leur propension à inonder le monde de leurs productions bon marché et de qualité souvent médiocre.

Des pays qui ne trouvent plus de concurrence chez nous puisque, bien souvent, nous avons abandonné ces mêmes productions pour leur en confier la responsabilité il y a des années, dans une vision de rentabilité à court terme que nous payons au prix fort aujourd’hui.

Une mauvaise affectation des résultats de la croissance

Alors certes, les entreprises françaises recommencent à investir, mais surtout dans le digital et les dispositifs d’optimisation numérique, pas forcément dans l’appareil productif lui-même. Quant aux embauches, c’est vrai qu’elles repartent timidement à la hausse, mais principalement dans les métiers du conseil, de l’accompagnement et du développement numérique, et pas réellement dans la main d’œuvre spécialisée nécessaire à une relance d’une productivité efficace et d’une compétitivité réelle sur les marchés des biens et services.

Une inflation qui risque bien de ne pas avoir les effets escomptés

Par conséquent, en dépit d’une inflation qui « remonte », celle-ci affecte surtout les rares secteurs où nous pouvons encore prétendre à une certaine compétitivité. C’est à dire ceux pour lesquels nous n’avons pas encore été dépassés par les pays à bas coût de production pour une qualité similaire, mais aussi les secteurs que la transformation numérique ou l’automatisation n’aura pas encore affectés. Autant dire qu’en dehors du luxe et de certains domaines ultra pointus que nous partageons avec nos partenaires européens (comme l’aéronautique par exemple), cela ne laisse pas beaucoup de secteurs où nous pouvons encore faire la différence.

Car pour tous ceux-là nous sommes aujourd’hui dans la situation d’un pays qui propose des produits de moyenne gamme à des prix excessifs. De fait, cette inflation qu’on appelait de nos vœux depuis des années risque fort de ne jamais se traduire en hausses de prix justifiables capables de tirer toute l’économie vers le haut. Et finalement, il n’y a plus réellement que les actifs financiers qui risquent de voir leur cours s’apprécier, tout en étant de moins en moins corrélés à l’économie traditionnelle, celle du terrain, celle des gens…

Une dépendance trop forte aux économies en perdition

Imaginons toutefois que cette croissance puisse durer, voire s’étendre à toute l’économie française à un moment ou à un autre. Il est fort probable que nous restions malgré tout très dépendant de pays plus puissants qui vont nous imposer leur tempo, à commencer par les États-Unis dont la devise sert (encore) d’étalon à l’économie mondialisée dans laquelle nous baignons désormais. Ou du moins dans laquelle nous tentons de surnager sans trop boire la tasse…

Néanmoins, cela n’aura pas forcément que des inconvénients, en particulier du côté des valeurs-refuges. Ainsi l’or pourrait bien connaître un nouveau pic aux alentours de 1600 dollars l’once, en raison notamment d’une faiblesse chronique de la devise américaine alimentée par le déclin progressif (mais inéluctable) de l’influence US face à de nouvelles forces qui apparaissent à l’Est. Rappelons tout de même que la Chine reste le premier détenteur de la dette américaine, et que ce pays qui devrait prochainement passer en tête des puissances économiques du monde est en train de s’allier avec la Russie pour briser définitivement l’hégémonie du dollar et contrôler un pourcentage non négligeable des transactions internationales hors de l’influence du billet vert, notamment pour un grand nombre de matières premières indispensables à l’économie mondiale.

Dans ce cas, continuer à dépendre de marchés financiers d’une économie étrangère elle-même menacée risque fort de ne pas jouer en notre faveur.

Un rallye sur l’or prévisible à court ou moyen terme

Là encore, l’or et les autres valeurs-refuges pourraient permettre aux investisseurs avisés de compenser l’érosion plus ou moins brutale qui pourrait affecter leurs avoirs traditionnels. Selon Michael Kramer, gérant d’un portefeuille en pleine croissance sur des marchés contrariants, « si l’inflation continuait à augmenter, elle pourrait alimenter un rallye sur l’or, et contribuer ainsi à accélérer le cours du métal précieux« . D’ailleurs, si la baisse du dollar se poursuit (et de nombreux signes semblent confirmer cette hypothèse), la vitesse de sa dépréciation devrait donner un bon aperçu de la progression à venir de l’or dont les cours sont généralement inversement proportionnels.

Ainsi, toujours d’après Kramer, l’or est récemment reparti brusquement à la hausse à la faveur d’un certain nombre de facteurs économiques propres aux USA, mais aussi en raison d’un regain de tension stratégique entre les USA et la Corée du Nord, entre les USA et la Russie (sur la question de la Syrie notamment) ainsi qu’entre les USA et la Chine (sur des questions principalement commerciales mais qui pourraient vite dégénérer compte tenu des intérêts colossaux qui sont en jeu). Le seuil fondamental des 1350 dollars l’once pourrait alors être cassé, après une longue période de baisse dont cette valeur constitue le plafond. Et si cette cassure se produisait, alors le prix de l’or pourrait clairement s’envoler vers les $1600 l’once, au moins aussi vite qu’il avait fait le chemin inverse en 2013 en l’absence de résistance technique puisque personne ne s’en inquiète réellement.

Et même sans les tensions géopolitiques précédemment citées, l’inflation continue de remonter dans l’économie américaine, les prix du pétrole augmentent et le dollar américain continue de s’affaiblir face aux autres devises notamment. Là encore, d’un strict point de vue mécanique d’économie fondamentale, l’or ne pourrait qu’en bénéficier.

Quelles conséquences pour l »économie française ?

Et en France alors ? Deux options s’affrontent et il ne faudra sans doute pas attendre bien longtemps avant que l’une des deux ne l’emporte sur l’autre.

  • Soit l’inflation se maintient péniblement aux alentours des 1,8 à 2% par an, mais les réserves structurelles du pays en matière de potentiel industriel ou de marge de progression économique sont aujourd’hui désespérément insuffisantes, car tout notre arsenal productif a été depuis longtemps bradé à l’autre bout du monde dans le but à la fois méprisant et prétentieux de se débarrasser des industries du passé tout en visant l’excellence des industries d’avenir. Avec l’absence de succès que nous constatons aujourd’hui : l’argent gagné par les agent économiques sert surtout à alimenter l’économie productives des pays étrangers (une sorte de répartition à l’échelle internationale, si on veut).
  • Soit l’inflation se poursuit en interne, se traduisant principalement par des hausses de prix des produits locaux, induisant naturellement une appétence accrue pour les produits d’importation moins cher. Cela obligera probablement les autorités à prendre des mesures conservatrices pour éviter une hémorragie financière définitive en faveur de ces mêmes économies exportatrices à faible coût (quotas, barrières douanières, surtaxation à l’import, etc) comme autant de blocages visant à rendre les productions extérieures moins attrayantes, mais sans pour autant permettre aux acteurs économiques locaux de bénéficier des fruits de la production interne, devenue trop onéreuse et sans débouchés extérieurs susceptibles de faire un peu retomber la pression des prix.

Bref, une nouvelle crise pourrait se faire jour, avec comme conséquence un resserrement drastique de la consommation et de l’investissement, en faveur au mieux de l’épargne (mais surtout sur des actifs éloignés des marchés traditionnels, ce qui nous ramène une fois encore vers l’or), au pire de l’exode des capitaux et de leurs détenteurs vers des cieux économiquement et fiscalement plus cléments.

En clair, le retour de l’inflation pourrait également devenir une sorte de victoire à la Pyrrus et faire encore descendre la France dans le classement des économies du monde, elles qui est déjà sur le point de céder cette année sa 5e place à l’Inde.

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Anthony Alberti
Entrepreneur depuis vingt ans dans le domaine de la communication et l'information stratégique, il a été amené à travailler plusieurs fois en partenariat avec des banques et des assurances, dont la principale matière d'œuvre était constituée de l'argent des épargnants. Peu complaisant à l'égard de leurs pratiques dont il a entrevu les coulisses, il délivre aujourd'hui régulièrement son analyse sans concession (et souvent piquante) non seulement sur les agissements des professionnels de la finance, mais aussi de tous ceux qui, de près ou de loin, se font les auteurs ou les complices des manipulations qui spolient chaque jour un peu plus les honnêtes citoyens.

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