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Cet article est extrait du livre Confessions d’un banquier pourri

(…) Nous proposions d’autres produits au moins aussi dangereux que les subprimes : par exemple, des prêts à taux réduits taillés sur mesure pour les gogos des collectivités locales. L’une de nos cibles de prédilection ? Les municipalités qui cherchaient à débloquer des fonds en urgence pour financer des actions spectaculaires, juste avant des élections. Pour ces clients institutionnels qui ont besoin de sommes importantes sans comprendre grand-chose à notre métier, notre arnaque est toute simple : nos prêts à taux variable sont indexés sur un ratio quelque peu mystérieux entre le dollar et l’euro. Jusque-là, tout va bien. L’euro est au mieux, c’est rassurant. Et puis, l’élément clé, c’est que la collectivité ne commence à rembourser qu’au bout de vingt ans. Allez savoir qui sera aux commandes à ce moment-là ! Ceux qui auront souscrit l’emprunt auront disparu depuis longtemps. Il vaudrait mieux, d’ailleurs ! Parce que les taux d’intérêt de ces prêts à effet  » boule de neige  » sont calculés de manière cumulative. Indexés sur les taux de change, mais aussi sur les matières premières ou toutes sortes d’indicateurs plus ou moins bidons, ils laissent à nos clients l’illusion d’avoir fait une bonne affaire… en nous offrant la certitude de les raser jusqu’à l’os !
Outre les mairies, nous avions facilement convaincu pas mal d’offices HLM et d’hôpitaux publics de recourir à ces prêts magiques. Comment ? Nous disposions d’atouts décisifs. Le nom de La Banque, d’abord, respectable. Vénérable, même. Le professionnalisme de nos équipes, ensuite, aguerries à entourlouper dignement n’importe quel amateur. La prestigieuse identité de nos premiers clients, qui rassuraient les suivants.
Enfin quelques menus avantages accordés aux décideurs de chacun de ces organismes. Que celui qui n’a jamais eu besoin d’un prêt immobilier à titre personnnel lève la main ! Dans La Banque, les  » gestes commerciaux  » – on préférait ce mot-là à celui de corruptíon, définitivement très laid – faisaient partie du métier. Nous avions ainsi décidé d’assouplir les conditions d’accès aux prêts à taux zéro pour certains de nos très bons clients, en particulier ceux qui appuyaient nos propositions auprès de leurs employeurs. C’était notre liberté. Ils en ont bien profité. En interne, nous avions baptisé ces prêts personnels les POTT,  » Prends l’Oseille et Tire-Toi « . Tout un programme.

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Jean-François Faure
Jean-François Faure. Président d’AuCOFFRE.com. Voir la biographie.

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