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Dans l’entretien qu’il nous avait accordé, Georges Langeais évoquait l’inefficacité, voire le danger que représentait le plafonnement des espèces, avec les conséquences directes et indirectes pour notre liberté et notre sécurité. Dans ce second volet, il nous alerte sur le fait que la disparition du cash mettrait en péril toute l’économie. Dans cette interview, nous évoquons avec lui les alternatives possibles à l’argent liquide.

Loretlargent.info : Les monnaies électroniques peuvent-elles représenter une alternative aux moyens de paiement actuels ?

Georges Langeais – Non, car si on se réfère au Bitcoin, la volatilité du cours de cette cryptomonnaie lui ferme les portes d’une utilisation quotidienne dans notre économie. Rappelons que c’est avant-tout, une cryptomonnaie qui connaît un intérêt auprès de spéculateurs qui espèrent, en peu de temps, faire une plus-value importante. Seuls les investisseurs de la première heure ont pu en bénéficier, les suivants ont perdu beaucoup d’argent.

Cependant, sa technologie d’échanges transactionnels novatrice est regardée de près maintenant par les banques centrales, car elle pourrait représenter une alternative intéressante dans les échanges internationaux. La cryptomonnaie conserve le caractère anonyme qui est propre aux espèces aujourd’hui. Mais cette spécificité, exploitée par les plateformes d’échanges, a surtout séduit les auteurs d’activités illégales (blanchiment de l’argent de la drogue ou de la prostitution). Cette réputation sulfureuse attachée au BitCoin, n’en fait pas une alternative sérieuse aujourd’hui.

Loretlargent.info : Et les monnaies locales ?

Georges Langeais – Les monnaies locales, comme son nom l’indique, ont une limitation géographique de leur acceptation et leur utilisation qui ne concerne qu’un segment restreint de la population qui se reconnait souvent dans une identité communautaire ou régionale. Elles sont bien souvent émises, en réponse au rejet d’une mondialisation et représentent une volonté de conserver une identité et une appartenance régionales. Elles ne sont pas convertibles en une monnaie universelle, en dehors du périmètre géographique qui leur a été attribué et du réseau d’acceptation permise par leurs émetteurs.

Malgré ces restrictions, plusieurs projets ont vu le jour comme la PesetaCoin en Espagne ou l’AuroraCoin en Islande. En France, certaines initiatives sont intéressantes car elles dynamisent le commerce de proximité, à l’instar de l’Eusko, la monnaie locale du Pays-Basque qui propose de reverser 3% de sa conversion à une association et priorise les produits locaux. On voit donc apparaitre un acte de paiement dit « citoyen » qui par son adhésion à une monnaie locale, le consommateur soutient sa région et son essor économique.

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A contrario, l’Euro est une monnaie universelle d’échanges de biens et de services contrôlée par les pouvoirs publics qui ont pour rôle notamment d’en assurer l’émission, la distribution et la parité de son cours avec les autres monnaies universelles qui ont cours légal. Même si la valeur faciale n’est plus en rapport avec la matière qui la compose depuis le milieu du XXème siècle, son cours doit-être soutenu par les pouvoirs publics afin de garantir la stabilité de son pouvoir d’achat auprès des agents économiques. Une confiance déléguée par le citoyen à l’exécutif d’un pays ou d’une communauté de pays membres.

Quelles peuvent être les conséquences à long terme de la disparition des espèces ?

Georges Langeais – Le fait de limiter le montant des retraits contraint l’usager à conserver son argent en banque et d’en laisser le contrôle et la gestion à son banquier. On a pu voir les conséquences d’une telle mesure en Grèce quand les banques ont limité les retraits aux guichets et aux distributeurs : l’argent des titulaires de comptes bancaires ne leur appartenait plus. Il s’agit clairement d’une privation temporaire de ses droits et de ses libertés. Même si cette mesure exceptionnelle se comprend, afin de ne pas accélérer la faillite des banques locales, elle a choqué tous les européens qui ont pris conscience que cela pourrait leur arriver demain.

Jusqu’au milieu des années 1900, il était courant de voir les français conserver une partie de leur épargne dans des bas de laine. Cette attitude de protection et de contrôle exclusif de son épargne pourrait bien revenir à la mode du fait de lois et de privations trop contraignants. Quand on détient toute son épargne sous la forme électronique dans une banque, la disparition programmée des espèces représente bien un danger de réduction conséquente de nos libertés numéraires et numériques.

Loretlargent.info : Quel recours peut-on avoir pour « sauver ses espèces » ?

Georges Langeais – En période de crise économique particulièrement, les espèces sont évitées par les ménages et les entreprises lorsque le pouvoir d’achat connait une trop forte érosion. Pour les sécuriser, elles sont rapidement transformées en un autre bien dont la valeur de stabilité s’inscrit dans le temps, à l’instar des objets d’art ou plus simplement du platine, de l’or ou de l’argent, toujours appréciés pour leur pouvoir de valeur refuge. Ce fut le cas en Grèce, où la population acheta dans les magasins, des bijoux en or contre paiement par carte bancaire (les retraits en espèces étant limités).

De même, lorsque l’épargne ne rapporte pas suffisamment au point de compenser l’inflation annuelle. On observe également une transformation de l’épargne par l’intermédiaire des espèces en achats vers des placements tangibles. Cela montre la défiance des citoyens dans les moyens de paiement vis-à-vis d’un Etat qui change les règles sans prévenir. ,

Une fois la stabilité et la confiance dans l’économie rétablis, ces biens sont à nouveau échangés contre des espèces ou un mouvement sur un compte bancaire. En période de crise économique ce que redoute le plus les pouvoirs publics, à savoir le développement d’une économie souterraine (blanchiment d’argent, fuite de capitaux, etc.), se produit fatalement. C’est une réaction naturelle de défense des ménages à l’encontre d’un écosystème qui n’inspire pas confiance. Fort heureusement, nous n’en sommes pas là. Mais on se doit de rester vigilant.

Loretlargent.info : Est-ce que les espèces vont survivre ?

Georges Langeais – D’un côté, l’environnement numérique peu satisfaisant en termes de sécurité, peut nuire effectivement au succès de l’essor du tout paiement électronique. En effet, le paiement ne fonctionne qu’avec des moyens de paiement qui doivent exclusivement reposer sur la confiance en un système qui garantit le pouvoir d’achats des ménages et leur permet d’en disposer comme bon leur semble. De l’autre, nous avons des espèces dont la valeur faciale (les pièces et les billets) ne correspond plus à la valeur de la matière, dont elle est constituée et, ne repose que sur la confiance que les agents économiques lui accorde. C’est la raison majeure pour laquelle les consommateurs épargnent une partie de leurs avoirs notamment dans les métaux précieux et les objets d’art. La valeur de marché de l’or, ne sera jamais réduite à zéro, ce qui n’est pas le cas des actions en bourse ou encore de la valeur de la monnaie papier. A ce titre, le bon sens des ménages reprend le dessus en ces temps de crise et d’incertitudes du lendemain.

En conclusion

Il est aisé de comprendre pourquoi les gouvernements détestent l’argent liquide, ou plus exactement pourquoi ils préfèrent garder le contrôle absolu sur l’argent détenu par les citoyens, par le biais des moyens de paiement électroniques.

Dans cet article publié sur Economie Matin, Joseph T. Salerno, économiste américain de l’école autrichienne d’économie, explique que c’est parce que les espèces permettent d’une part d’effectuer des achats en toute confidentialité et aussi parce que « les détenteurs de cash peuvent alerter de leur manque de confiance envers les banques centrales en retirant tout leur argent du système financier ».

L’exemple grec de limitation des retraits a montré que la parité entre l’unité monétaire et l’unité des dépôts bancaires était brisée.

Cette guerre contre le cash, explique-t-il, remonte aux Etats-Unis dans les années 70, pour lutter contre le crime organisé et le blanchiment d’argent.

Outre le fait de « de garder une trace des transactions financières les plus privés de leurs citoyens », Joseph T. Salerno évoque d’autres raisons à la suppression du cash, comme :
« -Soutenir le système bancaire à couverture fractionnaire instable, qui menace de s’effondrer à travers le monde.
-Donner aux banques centrales le pouvoir d’imposer des taux d’intérêt nominaux négatifs… c’est-à-dire vous faire dépenser de l’argent en le soustrayant directement de votre compte bancaire chaque jour où il y est stocké et non dépensé ».

Inquiétant…

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Nous vous invitons à lire également à ce sujet que nous avions abordé en juin 2015 nos dossiers :

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Jean-François Faure
Jean-François Faure. Président d’AuCOFFRE.com. Voir la biographie.

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