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L’envolée du bitcoin cacherait-elle en réalité les prémices d’une bulle sur le point d’exploser ? La plupart des signes semblent parfaitement correspondre…

Fin de semaine dernière, le bitcoin a atteint le niveau record de 8000 dollars. Alors qu’il dépassait à peine les 700 dollars il y a un peu plus d’un an, qu’il franchissait les 1000 dollars au tournant de l’année 2017, qu’il brisait la barre mythique des 5000 dollars à la rentrée de septembre, le voilà donc bien parti pour atteindre les 10 000 dollars à plus ou moins brève échéance.

Mais cette envolée ne masquerait-elle pas un problème sous-jacent bien connu des économistes et qui a depuis plusieurs siècles déjà frappé bon nombre d’ovnis financiers dans le même genre? Rassurez-vous, je ne vous ferai pas l’affront d’un énième rappel de l’histoire des bulbes de tulipes hollandais tant elle a été rabâchée ces dernières semaines au point d’en être devenue caricaturale. Mais il est sans doute utile de rappeler quelques principes élémentaires pour remettre l’église au milieu du village, comme on dit.

Un phénomène du XXIe siècle à analyser avec les outils d’aujourd’hui

En réalité, le cas du bitcoin doit être étudié à l’aune de notre économie actuelle, celle du XXIe siècle (exit donc les théories du XVIIIe siècle, comme celles du XIX ou même du XXe), avec il est vrai l’expérience des mouvements passés et des épiphénomènes plus ou moins récents qui l’ont émaillée, avec là aussi plus ou moins de succès. Certains voient donc le bitcoin comme une véritable révolution qui va « disrupter » (le mot est à la mode) à la fois les marchés financiers classiques et le milieu bancaire qui ont perdu toute crédibilité. Les premiers parce qu’ils sont désormais totalement déconnectés de la réalité, et le second par qu’il est aujourd’hui totalement sclérosé par ses propres excès.

Sauf que, sans aller pour l’instant plus avant dans l’analyse, un premier constat s’impose. Certes, les marchés financiers sont bien déconnectés de la réalité, puisque qu’ils ne reflètent plus vraiment la véracité ni les performances du monde économique et industriel qu’ils sont censés sous-tendre, mais que dire alors d’un bitcoin qui, lui, est totalement virtuel et basé sur… rien ? Quant aux excès du milieu bancaire, dont la nouvelle mécanique basée sur la dette a permis davantage de création de richesse fictive durant ces 30 dernières années que tout ce que l’humanité aura pu créer de richesse réelle depuis 6000 ans d’échanges monétisés ? Comment oser dire que le bitcoin s’en sort mieux que les autres et qu’on pourrait en faire une monnaie universelle, quand sa valeur peut se voir multipliée par 10 en 1 an tout en restant soumise à des fluctuations de plus ou moins 50% en quelques semaines sur la base de simples spéculations ?

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Sérieusement, on pourrait s’arrêter là et considérer le bitcoin comme un formidable laboratoire d’économie expérimentale mais surement pas comme une alternative pour l’instant assez mure pour être crédible. Néanmoins, allons au bout du raisonnement et servons-nous d’une récente analyse publiée au début du mois de novembre par l’économiste en chef mondial d’UBS, Paul Donovan (rien de moins), qui tente de répondre à une question toute simple : comment reconnaître une bulle spéculative, a fortiori prête à exploser ?

Le premier principe d’une bulle

Selon lui, la première et la plus évidente caractéristique d’une bulle réside dans le prix de l’actif sous-jacent, en particulier quand ce prix se révèle de manière évidente bien au-dessus de « sa valeur fondamentale ». Dit comme ça, le problème a l’air simple à définir, mais rien n’est moins sûr, car qu’est-ce qui définit la valeur d’un actif ? Son prix public tel qu’il est affiché ? Les perspectives auxquelles ils se rattache ? Son coût de fabrication (quand il y en a) ? Les investissements qui ont permis son développement ? La loi de l’offre et de la demande ?

Bref, les investisseurs eux-mêmes sont rarement d’accord sur la valeur fondamentale d’un actif et, bien souvent, on part d’une valeur plus ou moins arbitraire de départ qui évolue avec le temps et les circonstances. Mais dans le cas du bitcoin, il y a quand même un problème de taille : le bitcoin n’existe pas physiquement. Il ne s’agit même pas d’un service ou encore d’un élément incorporel d’un capital plus complexe. Le bitcoin n’est en réalité rien du tout.

D’aucuns viendraient me dire que, si on va par là, le dollar, l’euro et le yen non plus, ce ne sont plus que des bits dans des ordinateurs, mais on trouve tout de même un sous-jacent à ces devises, qui demeure (même de loin) corrélé à l’économie proprement dite. Avec le bitcoin, rien de tout cela. Techniquement, le bitcoin n’a aucune autre valeur que celle qu’on a bien voulu lui attribuer au départ, lors de sa création ex-nihilo à partir d’un simple algorithme. Et on a ensuite juste fait évoluer cette valeur et recrutant de plus en plus d’afficionados comme on l’aurait fait avec un vulgaire schéma de Ponzi. Donc, dire qu’un bicoin vaut aujourd’hui 8000 dollars semble juste signer l’une des caractéristiques essentielles d’une bulle spéculative dans la plus pure tradition des bulles spéculatives.

La nouveauté qui fait rêver

La deuxième caractéristique d’une bulle est que l’actif impliqué revêt le plus souvent un caractère de nouveauté. Et l’une des bulles les plus récentes à avoir frappé l’économie mondiale, celle des valeurs de l’économie numérique au début des années 2000, en est un bon exemple.

Brusquement, dans une économie ronronnante et sans surprise, surgit un évènement, un phénomène, une innovation telle qu’elle a potentiellement le pouvoir de tout bouleverser. L’investissement n’est plus alors une simple question de rentabilité ou de perspective économique, mais il devient également passionnant, enthousiasmant, susceptible de transformer les « early-adopters » en véritable pionniers. Le risque est grand aussi, c’est vrai, mais « à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire !« .

L’ennui de ce qui est nouveau, en revanche, c’est que ça reste difficile à estimer, les valeurs intrinsèques se montrent compliquées à calculer, et on doit donc se rabattre sur le potentiel. Et là, du potentiel, nombreux sont ceux qui vont vous en donner à ne plus savoir qu’en faire. Mais justement, quand on promet trop, c’est souvent parce qu’on aimerait convaincre assez de gens pour que les bons résultats prédits s’auto-réalisent. Sauf qu’un investissement ne peut survivre sur la seule confiance (crédulité ?) des investisseurs. La réalité revient généralement assez vite le leur rappeler.

(à suivre)

 

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Anthony Alberti
Entrepreneur depuis vingt ans dans le domaine de la communication et l'information stratégique, il a été amené à travailler plusieurs fois en partenariat avec des banques et des assurances, dont la principale matière d'œuvre était constituée de l'argent des épargnants. Peu complaisant à l'égard de leurs pratiques dont il a entrevu les coulisses, il délivre aujourd'hui régulièrement son analyse sans concession (et souvent piquante) non seulement sur les agissements des professionnels de la finance, mais aussi de tous ceux qui, de près ou de loin, se font les auteurs ou les complices des manipulations qui spolient chaque jour un peu plus les honnêtes citoyens.

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