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C’est avec fierté que le Venezuela a récemment annoncé avoir signé à Doha un accord avec l’Arabie saoudite, la Russie, et le Qatar pour geler la production de pétrole, pré-requis indispensable à une remontée des cours qui permettrait enfin au petit pays d’Amérique du sud de retrouver un peu d’oxygène. Mais la réalité est bien moins glorieuse et, pendant que son président Maduro se flattait d’avoir traité d’égal à égal avec les trois géants pétroliers (par l’intermédiaire de son ministre Eulogio del Pino), le pays continuait à se délester de son or à vil prix pour pouvoir subsister. Une situation qui ne risque guère de s’arranger quand on voit le piètre résultat de l’accord de Doha sur le prix du baril de Brent.

L’illusion a du mal à prendre. On veut bien croire que les deux principaux producteurs mondiaux (hors États-Unis) ont pu prêter une oreille attentive, et peut-être même compréhensive, aux demandes quasiment désespérées du Venezuela, mais on doute quand même fortement que l’amélioration de la situation vénézuelienne ait pesé bien lourd dans la balance. Certes, l’accord de Doha a bien débouché sur un gel de la production que demandait le Venezuela, mais on peut supposer que les problèmes rencontrés par la Russie aient été un peu plus déterminants, surtout à l’aube d’une possible offensive terrestre en Syrie dont on ne sait ni si elle va bien avoir lieu, ni même quelles pourraient en être les conséquences à court ou moyen terme. Est-il absurde d’imaginer qu’après les propos du premier ministre russe mettant en garde l’Arabie saoudite contre le risque d’une intervention armée en Syrie, le chef de file de l’Opep ait choisi d’amadouer son principal concurrent en limitant l’hémorragie pétrolière qui lui fait perdre tellement d’argent ?

Quoi qu’il en soit, pour en revenir au Venezuela, non seulement son sort ne semble pas vraiment au centre des débats (et tant mieux pour lui s’il a pu bénéficier de la mesure en ricochet de la Russie) mais le peu d’effet de l’accord de Doha sur le prix du baril n’arrange pas sa situation catastrophique. Une situation qui l’oblige, depuis un peu plus d’un an maintenant, à littéralement brader l’or national que Chavez avait mis tant d’ardeur à récupérer.

Petit retour en arrière : entre novembre 2011 et janvier 2012, alors que les prix du pétrole étaient au plus haut et lui rapportaient donc pas mal d’argent, le Venezuela (très, très mal vu à l’époque par les États-Unis) décide de rapatrier le plus possible des 211 tonnes d’or lui appartenant et qui étaient jusqu’ici réparties entre différentes grandes banques mondiales (Bank of England, JPMorgan, Barclays et Standard Chartered). L’objectif avoué de Chavez était alors d’indexer sa monnaie sur sa confortable réserve de plus de 360 tonnes d’or, éloignant ainsi son pays de ce qu’il appelait « la dictature du dollar ».

Hélas, dès 2013, le Venezuela manque cruellement de devises (notamment de dollars) et, la mort prématurée du président Chavez atténuant un peu les scrupules des responsables de la Banque centrale du Venezuela, ces dernier décident de conclure un accord de swap avec Citibank. En gros, il s’agissait de gager l’or national contre des dollars. L’opération portait alors sur 1.45 millions d’onces, soit 44 tonnes environ, contre lesquelles le Venezuela allait recevoir 1.5 milliards de dollars de la part de la Banque d’Angleterre. Le côté pratique de l’histoire c’est que l’or en question était resté dans les coffres anglais, Chavez n’ayant finalement pas réussi à le récupérer deux ans auparavant.

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Mais cette manne financière n’accorda qu’un bref sursis au pauvre Venezuela qui s’empêtrait de plus en plus dans une crise profonde faite d’inflation galopante et d’insolvabilité étatique. Si bien que, quelques mois plus tard, en novembre de la même année, un nouveau deal est conclu plus ou moins en catimini avec une banque qui pourrait être soit Bank of America, soit le Credit Suisse, soit Goldman Sachs. L’incertitude tient au fait que la Banque Centrale Venezuelienne a toujours refusé de confirmer officiellement cette information pourtant parfaitement documentée et que, d’une manière générale, les banques communiquent assez peu sur ce genre d’opérations. Quoi qu’il en soit, ce nouveau swap portait cette fois encore sur 44 tonnes d’or et, on peut même supposer que c’est le Crédit Suisse qui a fait affaire puisqu’on retrouve exactement ces 44 tonnes d’or exportées vers la Suisse en plusieurs fois : 8 tonnes en décembre 2013 ; 4 tonnes en mai, juin et juillet 2014 ; et 6 tonnes en septembre, octobre, novembre et décembre 2015.

Bref, on pourrait croire le Venezuela sorti d’affaire, mais non. Le pays tirant l’essentiel de sa richesse du pétrole, et le prix du baril étant au plus bas à la fin de l’année 2015, la faillite est pour ainsi dire consommée. Alors, en janvier 2016, tout aussi discrètement que les fois précédentes, quelques 35.8 tonnes d’or pur partent du Venezuela vers la Suisse, probablement en gage d’un nouveau stock de devises US destinées à couvrir une obligation d’état d’1.5 milliard de dollars arrivant à échéance à la fin de mois de février (Global Bond VE260216=RR).

Une semaine plus tard, le 5 février, on apprendra par Reuters que le Venezuela aurait ainsi mené pas moins de sept swaps sur l’or durant ces deux dernières années avec une banque basée en Suisse, pour des durées allant d’une semaine à un an. Autant de transactions qui révèlent à la fois l’état de délabrement de l’économie Venezuelienne que l’appétence des banquiers centraux pour le seul actif ayant une réelle valeur dans n’importe quelle situation : l’or.

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Anthony Alberti
Entrepreneur depuis vingt ans dans le domaine de la communication et l'information stratégique, il a été amené à travailler plusieurs fois en partenariat avec des banques et des assurances, dont la principale matière d'œuvre était constituée de l'argent des épargnants. Peu complaisant à l'égard de leurs pratiques dont il a entrevu les coulisses, il délivre aujourd'hui régulièrement son analyse sans concession (et souvent piquante) non seulement sur les agissements des professionnels de la finance, mais aussi de tous ceux qui, de près ou de loin, se font les auteurs ou les complices des manipulations qui spolient chaque jour un peu plus les honnêtes citoyens.

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