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Indépendamment des bons résultats économiques que les États-Unis accumulent depuis quelques années (même s’il convient d’en nuancer la portée), le président Barack Obama se présente comme un homme à la stature publique et politique des plus ambigües, oscillant sans complexe entre le cynisme de l’impérialisme à l’américaine et la bonhommie d’un type cool qui semble avoir raté sa vocation d’amuseur public. Raison de plus pour s’en méfier ?

En novembre prochain, les Américains vont devoir se choisir un nouveau président. Et nul doute qu’après huit années sous Obama, le réveil risque d’être pénible. À plus forte raison si c’est Donald Trump qui gagne les élections.

L’effet Obama

En effet, depuis 2008, on a un peu le sentiment que les États-Unis vivent un état de grâce, à la fois politique et économique. Certes, la crise financière déclenchée quelques mois avant l’avènement de Barack Obama au pouvoir aura marqué le pays pour quelques années, mais paradoxalement bien moins que le reste du monde. À cause d’un effet Obama justement ? Difficile à dire, mais il n’empêche qu’avec le premier président Noir de l’histoire des États-Unis, le pays a brusquement eu l’impression que tout était possible. Aujourd’hui, huit ans plus tard, la crise semble n’être plus qu’un lointain souvenir et l’économie américaine affiche une bonne santé insolente, notamment dans le secteur privé qui connaît actuellement la plus longue période de création d’emplois de l’histoire : 14 millions d’emplois supplémentaires en six ans. Et rien n’indique que cela soit fini.

Mais l’homme ne se contente pas d’être un « bon président », il veut aussi se montrer proche du peuple et, dès les premiers mois de son mandat, il n’hésite pas à se mettre en scène, jouant tour à tour les humoristes, les pédagogues, les humanistes (il a reçu le prix Nobel de la paix en 2009) ou les danseurs mondains. On le voit dans des émissions de variétés, des talk shows et même des programmes de divertissement, comme lorsqu’il est invité à un séjour de survie filmé en compagnie de l’animateur Bear Grylls (qui lui fait manger les restes crus du repas d’un ours).

Indéniablement, l’homme sait cultiver son capital sympathie. Et par son intermédiaire, l’Amérique semble redevenue le grand frère des autres nations du monde ; sérieux et protecteur quand il le faut, amusant et léger le reste du temps. Mais qu’en est-il réellement ?

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Un président « cool » qui inspire pourtant la méfiance

Difficile en effet de ne pas se montrer méfiant devant tant de « coolitude » venant de la part du chef de la première armée du monde. D’ailleurs, le contraste est frappant avec l’autre chef d’État de stature internationale, le meilleur ennemi de l’Amérique, ou son pire allié selon le cas : Vladimir Poutine. Car le président de Russie préfère, quant à lui, privilégier l’image d’un homme fort, inébranlable et sans émotions, le genre de chef d’état qui semble parfaitement maîtriser les situations les plus délicates avec un seul objectif : les résoudre le plus vite possible sans se soucier d’être ou non « politically correct« . Et on se prend souvent à comparer les deux hommes, l’un froid et calculateur, l’autre chaleureux et fédérateur, en se demandant si, finalement, l’Amérique n’est pas en train de perdre son leadership mondial par excès de relâchement.

Sauf que le plus efficace (et le plus rusé !) n’est pas forcément celui qu’on croit.

Cela fait un moment que les prestations du couple Obama suscitent une espèce de malaise chez les observateurs politiques, car Madame n’est pas en reste, depuis les apparitions en guest star dans des séries pour ados jusqu’aux nombreuses participations à des émissions de variétés où elle donne de sa personne avec entrain. La fonction suprême ne serait-elle pas en train de perdre de sa substance au fil des discours qui virent parfois au stand-up hilarant, ou encore aux opérations de communication populaire parfaitement orchestrées avec la complicité des médias ?

De deux choses l’une : ou bien on va effectivement vers un « affaiblissement » progressif des talents nécessaires pour diriger une nation (n’oublions pas qu’avant Obama, les Américains ont eu droit à George Bush Jr. qui n’était pas vraiment une lumière, et qu’ils se préparent à devoir subir éventuellement un Donald Trump aux compétences plus que douteuses) ; ou bien le « président du monde libre » est en train de jouer le jeu subtil d’une communication populiste redoutablement efficace et qui ne dit pas son nom.

Un double-jeu particulièrement efficace

Les gens aiment Obama (surtout à l’étranger), tandis que les gens craignent Poutine (à peu près partout). Et peut-être que toute la différence se situe là. Quand un chef d’État reçoit Vladimir Poutine (ou, pire, quand il est « invité » à se rendre au Kremlin), il sait qu’il ne va pas passer un bon moment. Il suffit de demander à François Hollande ou Angela Merkel. Alors qu’une visite de Barack Obama, qui vient souvent en famille, cela ressemble généralement à des retrouvailles amicales où on se dit qu’on va probablement discuter un peu et rigoler pas mal.

Dans la réalité, le plus efficace ne sera pas celui qu’on croit. Vladimir Poutine devra durcir encore davantage son personnage pour essayer de faire passer des mesures ou des exigences que ses interlocuteurs n’auront d’autre choix que d’accepter du bout des lèvres en sa présence… avant de se rétracter plus ou moins dans les faits, une fois le président russe retourné à ses occupations. Tandis qu’avec Obama, l’annonce d’une décision désagréable, voire d’une injonction plus ou moins appuyée, aura d’autant plus d’impact qu’elle contrastera avec sa bienveillance affichée.

Un président déterminé aux visées plus économiques que stratégiques

N’oublions pas que Barack Obama est celui qui a ordonné la capture (et sans doute aussi l’exécution sommaire) de Ben Laden, alors que l’administration Bush l’avait laissé libre tout en sachant parfaitement comment le débusquer. Qu’il est également celui qui, entre 2009 et 2016, sous prétexte de posséder « une connaissance intime du monde islamique« , a transformé un Moyen Orient plus ou moins revenu à l’équilibre en véritable capharnaüm explosif, où le terrorisme islamiste a pu aisément se développer en Syrie et en Irak avec un coût humain terrifiant.

À cause de décisions malheureuses, disent certains, comme le retrait précipité des troupes US d’Irak et d’Afghanistan. Mais c’est sans doute aussi parce que l’Amérique d’Obama est avant tout économique, alors que ces prédécesseurs étaient plutôt des stratèges militaires. Une différence qui explique que les impératifs financiers ont depuis quelques années remplacé la prudence diplomatique américaine (toute relative, certes !), primant même sur la nécessaire consolidation de ses positions stratégiques. Trop rapide, trop mal préparée, trop insouciante des réalités du monde, la politique extérieure d’Obama est mue par le sentiment qu’on peut gérer l’humanité tout entière comme on dirige les Américains, en utilisant le dollar, la démocratie et l’american way of life comme des vérités universelles.

Plus près de nous, c’est ce même Obama qui a « informé » (menacé ?) le Royaume Uni qu’en cas de sortie de l’Union européenne, les Britanniques se retrouveraient «tout au bout de la file d’attente» dans leurs négociations commerciales avec les États-Unis… pour au moins 5 à 10 ans. De la même façon, faisant écho à la fermeté dont il a fait preuve avec Angela Merkel sur la question du Tafta, ses récentes déclarations au Washington Post montrent une détermination que la fin de son mandat a dépouillé de son masque d’affabilité : « […]les États-Unis doivent écrire les règles. Les États-Unis doivent mener le bal. Les autres pays doivent jouer d’après les règles que fixent les États-Unis et ses partenaires« . Ce qui ressemble bigrement à une feuille de route pour les six prochains mois, où on peut craindre un certain durcissement des exigences américaines qui pourrait bien influencer les marchés financiers mais aussi les perspectives de la zone euro comme du reste du monde.

Par conséquent, on peut trouver que Barack Obama est un homme charmant, drôle et éminemment sympathique. Mais on ne doit pas non plus perdre de vue que pour arriver au poste qu’il occupe actuellement, il a surtout dû être plus malin, plus fort et plus déterminé à gagner que ses concurrents. Et quand on connaît la cruauté de la jungle politique américaine, on se dit que derrière ce sourire de matou affectueux, c’est sans doute un tigre sans pitié qui se cache…

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Anthony Alberti
Entrepreneur depuis vingt ans dans le domaine de la communication et l'information stratégique, il a été amené à travailler plusieurs fois en partenariat avec des banques et des assurances, dont la principale matière d'œuvre était constituée de l'argent des épargnants. Peu complaisant à l'égard de leurs pratiques dont il a entrevu les coulisses, il délivre aujourd'hui régulièrement son analyse sans concession (et souvent piquante) non seulement sur les agissements des professionnels de la finance, mais aussi de tous ceux qui, de près ou de loin, se font les auteurs ou les complices des manipulations qui spolient chaque jour un peu plus les honnêtes citoyens.

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