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Depuis quelques mois, les crypto-monnaies se voient régulièrement propulsées à la une des médias (y compris grand public) par la seule force de la plus emblématique d’entre elles, le bitcoin. Mais derrière cet engouement dont la progression semble directement proportionnelle à l’évolution des cours, se cache le risque majeur d’une explosion de ce que certains considèrent comme une énorme bulle spéculative ou, pire, comme une véritable arme de guerre économique.

Au début de l’année 2017, après avoir connu quelques rebondissements au cours de l’année précédente, le cours du bitcoin atteignait pour la première fois les 1000 dollars. Fin août, le bitcoin tutoyait les 4350 dollars ! Une telle progression en quelques mois est énorme, incroyable, effrayante même. C’est en partie ce qui a incité de nombreux experts à se pencher sérieusement sur la question des crypto-monnaies. Certains parce qu’ils y flairaient une bonne affaire (à tort ou à raison) ; d’autres parce qu’ils y voyaient surtout un énorme aspirateur financier qui risquait d’assécher les marchés traditionnels et de laisser sur le carreau des millions d’investisseurs trop crédules. Voire des pans entiers de l’économie internationale.

Des « monnaies » qui se créent chaque jour… sur rien

Parce que des crypto-monnaies, justement, il en sort de nouvelles presque chaque jour et il en existe déjà beaucoup : près de 1000 dit-on, dont une bonne douzaine représentent déjà plus d’un milliard de dollars chacune. Le bitcoin est l’une des plus anciennes, mais c’est surtout la plus valorisée (40% du marché au moins) et la plus emblématique aussi car c’est celle qui a introduit la notion de blockchain qui séduit désormais les banquiers, les professionnels du big data, les services de sécurité… et jusqu’aux États eux-mêmes. Et même si la République Populaire de Chine vient brusquement de faire volte-face à l’égard du bitcoin, il y a fort à parier que les cyber-monnaies sauront de nouveau rassurer les acquéreurs qui se comptent désormais par dizaines de millions à travers le monde.

L’ennui c’est que le Bitcoin et les autres crypto-monnaies ne s’appuient sur rien de tangible. Les devises modernes aussi, me direz-vous, mais en fait non, c’est encore bien pire. Il existe une corrélation entre l’activité économique d’un pays (ou d’une zone monétaire unifiée comme l’Union Européenne) et sa devise, même si cette corrélation est plus ou moins manipulée. Dans le cas des crypto-monnaies, il n’y a rien d’autre que des bits sur un ordinateur (je schématise volontairement mais c’est le concept) dont la valeur fluctue en fonction de l’offre et de la demande et qui assument totalement leur mécanisme hautement spéculatif. Avec en prime le risque que tout disparaisse le jour où on coupera le courant.

Le bitcoin déchaîne les passions

Aujourd’hui, deux grandes tendances s’affrontent. D’un côté, les partisans du bitcoin (et de ses petites sœurs) sont convaincus de la légitimité des cyber-monnaies comme alternative saine et durable à un système monétaire traditionnel en fin de course. En face, on a les tenants de l’économie mondiale qui hurlent à qui veut bien les entendre que le bitcoin, c’est du vent, une gigantesque arnaque pyramidale, voire une fraude massive organisée pour des raisons stratégiques comme le laissait entendre par exemple Jamie Dimon, le patron de JP Morgan Chase & Co, lors d’une conférence de presse donnée le 13 septembre dernier.

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En réalité, aucun des deux partis n’a totalement raison. C’est vrai que le système de devises actuel semble avoir atteint ses limites et qu’il ne survit que par le jeu de manipulations grossières et de création monétaire débridée. C’est vrai aussi que certaines caractéristiques du bitcoin pourraient lui donner une apparence de monnaie légale. Comme par exemple, sa reconnaissance à grande échelle, ses cours désormais suivis et même validés par les principales plateformes d’investissement dans le monde, son utilisation déjà bien établie pour payer des biens et services (et pas seulement des armes ou de la drogue sur le Dark Web), et même pour des levées de fonds ! Mais les similitudes avec une monnaie digne de ce nom s’arrêtent là. Tout d’abord, difficile d’accorder le moindre crédit à une devise dont l’existence est non seulement strictement virtuelle mais également entièrement automatisée, conditionnée dès le départ par un programme qui a été conçu pour s’arrêter après un nombre fini d’unités émises (21 millions de bitcoins au total à la fin de l’émission). Ensuite, les dernières années ont vu de nombreuses affaires de fraudes émailler l’historique du bitcoin, dont le système uniquement basé sur l’informatique se révèle donc particulièrement vulnérable à toutes sortes d’attaques ou de manipulations délictueuses. Enfin et surtout, comment accorder sa confiance à une monnaie aussi volatile, qui peut voir son cours quadrupler en 8 mois… avant de perdre de nouveau un tiers de sa valeur en deux semaines (le 15 septembre, le bitcoin était redescendu à 2500 dollars environ avant de remonter aux alentours de 3000 dollars une demi-journée plus tard) ?

Bref, quel intérêt y aurait-il à remplacer un système défaillant, instable et aisément manipulable par un nouveau système encore plus volatile, plus instable et définitivement tributaire de la technologie ? Soyons clairs, le bitcoin (comme les autres crypto-monnaies) s’apparente à une loterie. Et la pérennité d’une économie ne peut se baser sur une simple loterie.

Une alternative qui n’en est pas vraiment une

Du reste, n’oublions pas qu’en cas de défaut du système monétaire actuel, d’autres outils alternatifs existent qui sont éminemment plus crédibles, à commencer par l’or et l’argent, lesquels ont déjà servi de réserves de valeur et d’instruments de paiement durant la majeure partie de l’histoire de l’humanité. D’ailleurs, ce n’est que depuis une toute petite cinquantaine d’années qu’on a décidé de se passer de leurs services pour mieux endetter l’immense majorité des habitants de la planète au profit d’une infime minorité de gens qui trouvaient qu’ils ne s’enrichissaient pas assez vite.

Cet été, on considèrait déjà que les crypto-monnaies représentaient au moins 150 milliards de dollars, mais d’aucuns pensent qu’au rythme où vont les cours et surtout au gré des levées de fonds qui se multiplient en bitcoins et autres ethereums (ces fameuses ICO qu’on désigne déjà comme le futur de l’investissement d’entreprise), ces nouvelles devises virtuelles pourraient représenter un marché supérieur à 1000 milliards de dollars d’ici la fin de l’année. Un montant énorme qui risque surtout de précipiter la chute d’investisseurs, petits et grands, appâtés par des perspectives de progression surréalistes.

Dans le même temps, pour en revenir à des actifs bien plus tangibles, le marché de l’or (bien que manipulé à la baisse depuis des années de manière quasi-frauduleuse) représentait tout de même plus de 8200 milliards de dollars au 30 juin 2017, c’est à dire bien plus que tout ce que les « mineurs » de bitcoins pourront jamais « produire » en plusieurs années. Et les cours des métaux précieux sont repartis à la hausse depuis l’été. Il est donc faux de dire que les crypto-monnaies constituent la solution la plus crédible pour pallier la défaillance éventuelle du système monétaire actuel, ou même pour le « seconder ».

Enfin, gardons à l’esprit qu’un quart des échanges mondiaux en bitcoins sont réalisés en yuans, ce qui représente d’ores et déjà une mainmise sur la « cyber-économie » particulièrement dangereuse de la part du gouvernement de Pékin dont on sait qu’il contrôle directement les marchés financiers qui dépendent de la réglementation chinoise.

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Anthony Alberti
Entrepreneur depuis vingt ans dans le domaine de la communication et l'information stratégique, il a été amené à travailler plusieurs fois en partenariat avec des banques et des assurances, dont la principale matière d'œuvre était constituée de l'argent des épargnants. Peu complaisant à l'égard de leurs pratiques dont il a entrevu les coulisses, il délivre aujourd'hui régulièrement son analyse sans concession (et souvent piquante) non seulement sur les agissements des professionnels de la finance, mais aussi de tous ceux qui, de près ou de loin, se font les auteurs ou les complices des manipulations qui spolient chaque jour un peu plus les honnêtes citoyens.

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