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Finalement, le système fiscal français reflète bien le conflit idéologique auquel la classe politique actuelle doit faire face. D’un côté, on a un ministre de l’Économie et des Finances progressiste et libéral qui considère que l’ISF est une mauvaise chose pour l’investissement en France. Et d’un autre côté, on trouve un chef du gouvernement toujours inféodé aux vieilles lunes socialistes, qui continue à croire que l’impôt reste un outil de justice sociale, et qui s’oppose donc à son vassal décidément bien « frondeur ».

Interrogé par la revue Risques, Emmanuel Macron lançait mardi dernier une véritable bombe politique en dénonçant l’impôt de solidarité sur la fortune. Symbole même de la lutte des classes, l’ISF constitue en effet l’archétype de la mesure de gauche visant à prendre aux riches pour donner aux pauvres (et théorie, tout au moins). Alors quand un ministre de l’Économie socialiste ose remettre en question un tel pilier idéologique, c’est tout un paradigme qui part en fumée.

L’ISF serait un frein au financement de l’innovation

Déjà en février dernier, Emmanuel Macron confessait son désaccord avec le maintien de l’ISF devant l’Association française des éditeurs de logiciels. Selon lui, cette mesure d’un autre âge fait perdre plus d’argent à la France qu’elle ne lui en rapporte. Certes, cet impôt a rapporté plus de 5 milliards d’euros l’an dernier, mais au prix de combien d’investissements perdus, d’entreprises délocalisées et de talents français qui se sont exportés ? De son point de vue toujours, l’ISF serait surtout un frein au financement de l’innovation en France, particulièrement dissuasif pour les business angels. Enfin, il le rappelait dans son interview parue dans le numéro d’avril 2016 de la revue Risques, il lui paraîtrait bien plus pertinent de taxer la rente plutôt que la prise de risques, justement (sous entendu, l’investissement).

Pour être totalement exact, Macron ne dit pas qu’il veut supprimer l’ISF (contrairement à ce qu’a pu avancer le Figaro) mais on peut toutefois lire entre les lignes de son intervention, au milieu des mots choisis avec soin, une critique franche de cette tendance bien française à vouloir s’en prendre coûte que coûte à ceux qui disposent d’un patrimoine.

Surtaxer les successions serait tout aussi désastreux pour l’économie

D’un autre côté, reconnaissons que son idée de taxer davantage ce qu’il appelle « la rente » (c’est-à-dire les successions pour l’essentiel) n’est pas plus attrayante car elle conduirait un grand nombre d’entreprises familiales à disparaître avec leur fondateur. En effet, certains des fleurons de l’industrie française, dont notre pays aime se vanter par ailleurs, sont souvent entre les mains de grandes familles qui en assurent la pérennité de génération en génération. En surtaxant les successions, on risque surtout de voir les générations futures se tourner vers des carrières à l’étranger pendant que le patrimoine industriel familial sera dépecé à la mort des dirigeants actuels.

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Plus près de nos préoccupations de citoyens lambda, les successions sont aussi l’affaire de gens plus modestes qui ont travaillé toute une vie pour transmettre un patrimoine à leurs enfants. Surtaxer les successions reviendrait là encore à casser l’esprit même du passage des aînés vers les plus jeunes, qu’il s’agisse de biens immobiliers à préserver, d’outils de travail à faire fructifier ou même de fonds permettant de créer de nouvelles activités économiques.

Manuel Valls très attaché à l’ISF au nom de la justice

Quoi qu’il en soit, en réponse aux allusions de son ministre de l’Économie au sujet de l’impôt sur la fortune, Manuel Valls est à son tour monté au créneau pour réaffirmer l’amour viscéral que sa famille politique porte à cette taxe emblématique. Selon lui, revenir dessus constituerait « une faute au nom même de la justice« , rien de moins.

Néanmoins, l’histoire ne dit pas s’il est également opposé à l’idée d’imposer plus lourdement les successions. Et peu importe que le climat fiscal français incite de plus en plus de jeunes à créer désormais leur entreprise à l’étranger dès l’origine du projet. Peu importe aussi que les enfants d’industriels français préfèrent aujourd’hui faire carrière dans les pays où leurs parents les ont envoyés poursuivre leurs études.

La gauche n’aime pas les riches, la France non plus, elle leur préfère les pauvres qui sont forcément plus honnêtes. Oui, car sinon, ils seraient plus riches, c’est évident. Ah mais au fait, ils sont riches ou ils sont honnêtes, nos ministres…?

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Anthony Alberti
Entrepreneur depuis vingt ans dans le domaine de la communication et l'information stratégique, il a été amené à travailler plusieurs fois en partenariat avec des banques et des assurances, dont la principale matière d'œuvre était constituée de l'argent des épargnants. Peu complaisant à l'égard de leurs pratiques dont il a entrevu les coulisses, il délivre aujourd'hui régulièrement son analyse sans concession (et souvent piquante) non seulement sur les agissements des professionnels de la finance, mais aussi de tous ceux qui, de près ou de loin, se font les auteurs ou les complices des manipulations qui spolient chaque jour un peu plus les honnêtes citoyens.

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