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Le « high-frequency trading » ou « trading haute fréquence » est un mal dont on parle peu mais qui pourtant ronge notre économie depuis quelques années maintenant.

On en parle peu car le sujet est complexe à aborder, d’un point de vue technique d’abord, mais aussi parce que les autorités expriment un certain malaise vis-à-vis du concept et ont bien peur de réveiller quelques consciences collectives en dévoilant la chose au grand jour. Le trading haute-fréquence est omniprésent dans nos sociétés, il a un impact considérable sur l’économie et les marchés financiers mais pourtant le sujet est tabou… Pourquoi ?

C’est justement la question que s’est posée l’émission « Cash Investigation » du vendredi 8 juin¹. Ce magazine présenté par Elise Lucet s’est intéressé à ce qu’il qualifie (à raison) comme étant de la « finance folle ». Une initiative et une rare exposition médiatique sur le sujet que nous approuvons.

Le high-frequency trading : La machine infernale

Pour comprendre le malaise ambiant autour du trading haute-fréquence, il est important de saisir de quoi on parle : le high-frequency trading c’est, comme son nom l’indique, l’exécution de transactions financières à grande vitesse. Très grande vitesse, on parle ici de microsecondes. Vous l’aurez compris, on n’est pas dans le domaine de l’humain, et pour cause : ces transactions passées à la chaîne dans des fractions de secondes sont exécutées par des algorithmes informatiques. Les marchés financiers sont dirigés par des ordinateurs qui exécutent des milliers de lignes de commandes, et autant de transactions, à la seconde sur la base d’un système binaire qui ne peut prendre que deux valeurs 0 ou 1.

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Et le trading haute fréquence n’est pas le fait de quelques pseudos-banquiers isolés : aux Etats-Unis on estime que plus de deux tiers des transactions financières sont passées par ces algorithmes informatiques.
En fait le high-frequency trading est surement ce qui illustre le mieux l’activité concurrentielle du secteur financier et la guerre que se mènent les banques entre elles. On le sait, les banques ne sont pas là pour gérer les petites économies des épargnants mais bien pour faire du profit, et si possible plus que la banque voisine. Et pour faire du profit l’ordinateur et ses savants algorithmes sont bien plus efficaces que le simple trader, aussi bon soit-il.

L’ordinateur, ce grand ordonnateur

Du coup comme le rappelle le reportage « Cash Investigation » tout l’intérêt du trading haute fréquence va être d’utiliser une supériorité technologique (un ordinateur plus puissant, plus rapide, un algorithme plus performant) pour passer devant les autres (pour acheter, vendre une action avant les autres). Et c’est une véritable course à l’armement que se livrent les banques, une escalade vers la performance, vers le profit, qui a engendré une déshumanisation quasi-totale de l’économie.

Déshumanisation car la machine a tout simplement échappé au contrôle de l’humain ici, l’équivalente du monstre de Frankenstein pour le monde de la finance. Il est totalement impossible de réguler ces millions (milliards ?) de transactions passées quotidiennement. La vitesse de ces algorithmes est telle que l’homme derrière l’ordinateur n’a aucune idée de ce qui se passe vraiment sur le marché, il subit. Aucune autorité ne peut contrôler ces transactions exécutées en millisecondes, c’est un espace sans freins, sans lois et sans limites.

Ce principe du trading haute fréquence a tout simplement tué l’économie de marché et la loi de l’offre et de la demande. Le reportage de Canal Plus diffusé en novembre 2011 « Goldman Sachs – Les nouveaux maîtres du Monde » abordait déjà la chose : « Quand le prix du blé, du café, du soja, du pétrole double ou triple ce n’est plus sous l’effet de l’offre et de la demande », c’est juste les conséquences du « petit jeu » que se livrent quelques supers ordinateurs dispersés à travers la planète. Cette économie virtuelle a pourtant des conséquences bien réelles et les dommages collatéraux sont même extrêmement dangereux et menacent chaque jour des millions d’entreprises et autant d’épargnants.

Krach investigation

C’est une véritable ombre qui plane au-dessus des marchés financiers, une réelle épée de Damoclès :
A tout moment les marchés peuvent s’écrouler sans aucune raison apparente, sans aucune justification économique. C’est ce qui s’est passé le 6 mai 2010 avec le phénomène du Flash Crash ou Krach éclair qui a pu être observé : incompréhension totale sur les places de marché.

Ce jour-là à 14h42 précise, le Dow Jones, le plus vieil indice boursier au monde, chute de 10% : toutes les sociétés côtés dévissent. Un tel crash, si violent, généralisé et en si peu de temps, sème la panique : quelle en est l’origine ? Rapidement deux hypothèses se dessinent : la situation catastrophique de la Grèce qui aurait brutalement impacté l’ensemble des marchés ou… un bug informatique. Finalement la seconde hypothèse n’est pas si éloignée que ça de la vérité puisque l’origine de ce krach éclair est bien informatique, en revanche il ne s’agit pas d’un bug mais d’un algorithme informatique.

Un ordinateur de la firme Wadell & Reed passe un ordre de vente sur un volume considérable de contrats pour une valeur de plus de 4 milliards de dollars. La réaction ne se fait pas attendre et l’ensemble des autres ordinateurs de trading haute fréquence se débarrassent immédiatement de leurs contrats en une poignée de seconde : le marché s’effondre littéralement. La catastrophe n’aura finalement durée qu’une dizaine de minutes : pour arrêter la débâcle et calmer les esprits la bourse de Chicago suspend les cotations et mets la bourse en pause pendant 5 secondes… du jamais vu !

Cet « incident » aura fait plus de peur que de mal mais en l’espace de quelques minutes, c’était bel et bien des millions d’emplois qui étaient potentiellement menacés. Ce phénomène soudain et imprévisible fait froid dans le dos et à l’heure d’aujourd’hui il n’y a aucun moyen concret d’empêcher de tels krachs de se reproduire. C’est la spéculation qui fait les marchés, ni plus ni moins.

Le monde de la finance : opérations hackers ouverts

Il n’y a pas vraiment de moyens pour contrôler ces algorithmes infernaux. Aucune autorité ne peut surveiller les transactions passées par ces supers-ordinateurs : on ne peut que constater, après coup, que le mal est fait. Si les autorités décèlent des irrégularités, elles ne peuvent pas pour autant agir. Résultat, les « criminels » restent impunis et sont totalement hors des lois. Le terme de « criminel » n’est ici pas excessif puisque les traders et leurs algorithmes utilisent de véritables méthodes qui relèvent du piratage informatique pour abuser leurs adversaires et tromper le marché. Ainsi une des fraudes classiques du trading haute fréquence consiste à saturer les ordinateurs de la bourse en envoyant simultanément une énorme quantité d’ordres. Cela provoque un ralentissement généralisé des flux et des acteurs du marché pour n’être que le plus rapide. Une autre technique est d’induire en erreur le marché en passant un ordre et l’annulant dans la même seconde. Bref, désormais le trading rime avec hacking, et les nouveaux golden boys ressemblent plus à des petits génies de l’informatique qu’à des supers banquiers.

Une économie sous respiration artificielle

Tout ça pour dire que notre économie est réellement morte, l’économie de marché n’est plus, et le marché financier est artificiellement entretenu par des ordinateurs. Ca fait bien longtemps que l’on a dépassé le point de non retour et il est totalement impossible de faire marche arrière : comment demander à des entreprises qui pratiquent le trading à haute fréquence et qui, en plein cœur de la crise, font 3 milliards d’euros de bénéfices d’arrêter leurs activités ? Ces entreprises, ces « super banques » sont inatteignables, elles ont bien trop d’influence, bien trop de pouvoir (il n’y a qu’à voir le nombre de cadre de la Goldman Sachs qui se retrouvent au gouvernement américain…).

L’économie telle que nous la connaissons aujourd’hui n’a donc plus de raison d’être et pour Charles Sanat, Directeur des études économiques d’AuCoffre.com : « ça ne devrait même pas exister ! Je ne comprends pas pourquoi de tels systèmes peuvent être autorisés. Ca n’a aucune justification économique, c’est purement et simplement du vol. »

Une chose est sûre : nous ne sommes plus dans « l’économie à papa » mais la situation ne va pas pouvoir durer. Et s’il est trop tard pour faire marche arrière, c’est le marché financier, de lui-même, qui finira par s’effondrer. Devant l’instabilité du marché et l’impossibilité de prévoir quoi que ce soit, on recommande la plus grande prudence et il serait grand temps, si ce n’est déjà fait, de se détourner de ces valeurs papiers pour du concret, du solide, du physique comme l’or, la seule valeur refuge qui vous sauvera de l’inévitable catastrophe.

¹ L’émission est disponible sur Youtube : Cash Investigation : la finance folle

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Jean-François Faure
Jean-François Faure. Président d’AuCOFFRE.com. Voir la biographie.

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