Depuis des mois, les débats économiques en France se concentrent sur des sujets à forte charge politique : réforme des retraites, dette publique, budget de l’État. Au lendemain du vote quelque peu retardé de la loi de finance pour 2025, nombreux sont ceux qui se réjouissent de voir certains de ces sujets de nouveau encadrés, mais en réalité la plupart de ces thèmes n’auront qu’un impact limité sur l’économie du pays et le quotidien des Français.
À l’inverse, même si elles sont souvent moins visibles dans les débats publics, plusieurs tendances économiques de fond continuent d’affecter durablement le pouvoir d’achat, la stabilité financière et les perspectives économiques des particuliers comme des entreprises. Et 2025 ne fera pas exception à la règle.
Stagnation économique : une croissance insuffisante pour améliorer le niveau de vie
Les prévisions de croissance pour la France en 2025 oscillent entre 0,9 % et 1,2 %, selon les estimations de l’INSEE et de la Banque de France. Un tel niveau de croissance est loin d’être suffisant pour générer une dynamique économique capable de tirer les salaires vers le haut, de créer massivement de l’emploi ou d’encourager les investissements.
La France nettement à la traîne par rapport aux autres pays
À titre de comparaison, les États-Unis prévoient une croissance avoisinant les 2,3 % en 2025, et certaines économies asiatiques, comme l’Inde, pourraient dépasser les 6 %. Même au sein de l’Union européenne, des pays comme l’Irlande ou la Pologne affichent des taux plus élevés, dépassant souvent les 3 %.
La France, quant à elle, reste engluée dans une croissance molle, en grande partie à cause d’une consommation intérieure atone, d’un manque de compétitivité industrielle et d’un climat politique incertain.
Conséquences concrètes pour les ménages
Des salaires qui stagnent
Avec une croissance inférieure à 1,2 %, les entreprises n’ont ni la marge ni la pression économique pour augmenter significativement les salaires. La hausse des rémunérations dans le secteur privé pourrait ainsi ne pas dépasser 3 % en 2025, un niveau insuffisant pour compenser totalement l’inflation passée.
Des opportunités professionnelles limitées
Les jeunes diplômés et les travailleurs en reconversion sont particulièrement touchés. Un marché du travail stagnant signifie des embauches au ralenti, des stages non rémunérés prolongés et une précarisation de l’emploi. Par exemple, le taux de chômage des 15-24 ans reste supérieur à 18 %, bien au-dessus de la moyenne européenne.
Une hausse des faillites d’entreprises
En 2024, la France a enregistré 66 422 défaillances d’entreprises, soit 17% de plus qu’en 2023 et quasiment 30% de plus qu’avant la pandémie. En 2025, la situation ne devrait pas s’améliorer avec des secteurs comme le commerce de détail, la restauration et le BTP qui restent particulièrement exposés. Forcément, chaque faillite entraîne son lot de licenciements et de tensions sur le marché du travail.
Une précarité qui se durcit avec la reprise du chômage
Alors que la France était parvenue à faire descendre son taux de chômage en dessous des 7,5 % ces dernières années, les projections pour 2025 indiquent une remontée à 8,1 % ou 8,2 %. Une tendance qui marque donc un retour en arrière et laisse augurer une recrudescence de la précarité. Avec en outre des conséquences sur les finances publiques en raison, non seulement d’une baisse des cotisations salariales mais aussi d’une augmentation des indemnités chômage.
Inflation persistante : un coût de la vie toujours sous tension
Après les hausses spectaculaires de 2022 et 2023, l’inflation ralentit progressivement, mais elle ne disparaît pas pour autant. En 2025, elle devrait se stabiliser autour de 2 %, un niveau conforme aux objectifs de la Banque centrale européenne.
Sauf que derrière cette moyenne se cachent de fortes disparités : certains secteurs, notamment l’alimentation, l’énergie et le logement, continueront de voir leurs prix augmenter plus rapidement que l’indice général des prix.
Pourquoi l’inflation reste-t-elle un problème malgré son ralentissement ?
L’effet de l’inflation passée
Même si l’inflation baisse, les prix, eux, ne redescendent pas. Une baguette qui coûtait 1 euro en 2020 et qui est passée à 1,30 euro en 2023 ne reviendra pas à 1 euro, même si l’inflation annuelle est désormais plus faible. Cela signifie que le coût de la vie reste structurellement plus élevé qu’il y a trois ans, et que les salaires doivent continuer d’augmenter pour compenser cette perte de pouvoir d’achat — ce qui est loin d’être acquis pour tout le monde.
L’alimentation toujours sous pression
L’un des postes les plus impactés reste l’alimentation, avec une hausse des prix estimée entre 4 et 5 % en 2025. Plusieurs raisons expliquent cette augmentation :
- Les coûts de production : L’énergie et les engrais restent chers, ce qui pèse sur l’ensemble de la chaîne agricole.
- Les marges des distributeurs et des industriels : Même si certaines négociations aboutissent à des baisses de prix, de nombreux industriels maintiennent des hausses pour protéger leurs marges.
- Les événements climatiques : Sécheresses et inondations en Europe, mais aussi dans le reste du monde, affectent les récoltes et réduisent l’offre de certains produits alimentaires.
Exemple concret : en 2024, le prix du beurre a encore progressé de 8 %, les pâtes de 6 % et certains fruits et légumes ont vu des hausses de 10 % à 15 % selon les saisons. Ces tendances devraient se poursuivre en 2025, compliquant encore l’accès à une alimentation de qualité pour de nombreux foyers.
L’énergie : un retour à la normale… mais avec des factures toujours élevées
Le prix du gaz et de l’électricité a connu une forte volatilité depuis la crise énergétique de 2022. Même si les prix de gros ont nettement baissé depuis, les tarifs facturés aux ménages devraient rester élevés en 2025, notamment à cause de :
- La fin des boucliers tarifaires : L’État réduit progressivement son aide sur les factures énergétiques, ce qui entraîne une hausse pour les ménages.
- Les taxes sur l’énergie : Avec la transition écologique, de nouvelles taxes sur les énergies fossiles pourraient encore alourdir les factures.
- Les tensions géopolitiques : Toute crise internationale (Russie, Moyen-Orient) peut provoquer une flambée des prix du pétrole et du gaz, avec un impact immédiat sur le coût de la vie.
Le logement : un marché toujours sous tension
L’immobilier devrait globalement continuer d’augmenter en 2025, malgré un marché en pleine mutation.
- Côté locataires : La demande de logements abordables reste forte (les budgets sont de plus en plus serrés), poussant les prix des loyers vers le haut, surtout dans les grandes villes.
- Côté propriétaires : La baisse des taux d’intérêt pourrait relancer la demande immobilière, (à condition que les banques jouent le jeu et réduisent le niveau de leurs exigences en matière d’apport personnel notamment), mais les prix déjà élevés risquent bien de grimper encore davantage, limitant l’accession à la propriété, d’une part, et amenant les bailleurs à pratiquer des loyers élevés, d’autre part.
Ajoutons également que les nouvelles obligations de rénovation énergétique et la hausse des coûts d’entretien des immeubles devraient assez logiquement se traduire par une augmentation des charges de copropriété… et des loyers.
Conséquences concrètes pour les ménages
Une baisse continue du pouvoir d’achat des classes moyennes
Avec des prix qui augmentent encore sur des dépenses incontournables (nourriture, énergie, logement), le budget des ménages reste sous tension. Les classes moyennes, qui ne bénéficient pas d’aides spécifiques, sont les plus exposées à cette situation.
Or ce sont elles qui assurent l’essentiel des recettes de l’État et qui font plus ou moins tourner l’économie (commerçants, employés, cadres, etc.)
Un arbitrage budgétaire de plus en plus serré
Face à l’augmentation du coût de la vie, de nombreux foyers doivent faire des choix (dont les répercussions sont évidentes sur les entreprises et les commerces des secteurs concernés, ce qui contribue à la baisse de la croissance…) :
- Limiter les loisirs et sorties (restaurants, cinémas, vacances).
- Se tourner vers des produits alimentaires de moindre qualité (moins de bio, plus de produits transformés).
- Reporter certains achats importants (rénovation, électroménager, véhicule).
Un risque accru de précarité énergétique et alimentaire
Les associations caritatives constatent déjà une hausse du nombre de ménages ayant recours à l’aide alimentaire (16% de la population, soit 3 fois plus qu’il y a dix ans), et cette tendance pourrait s’amplifier en 2025. Selon la Banque de France, un ménage sur trois se dit déjà en difficulté pour boucler ses fins de mois.
De la même façon, 75% des Français ont réduit le chauffage dans leur logement pour faire des économies depuis le début de l’hiver. Et 30%, soit 12 millions de ménages, déclarent souffrir du froid chez eux actuellement (cet article est écrit durant l’hiver 2024-2025). En 2020, ils ne représentaient que 14% des ménages, soit moins de la moitié.
Au final, si on ajoute la transition écologique à marche forcée — qui entraîne à la fois de nouvelles taxes mais aussi de nouvelles obligations réglementaires qui se traduiront immanquablement par une consolidation de l’inflation — , et qu’on prend en compte le vieillissement de la population avec son cortèges de dépenses inévitables pour la santé et la protection sociale (la retraite notamment), on voit bien que les Français n’en sont encore qu’au début d’une longue période de vaches maigres qu’on s’efforce de leur masquer en focalisant leur attention sur des problèmes de politique technique et idéologique. Mais pour combien de temps encore…?
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