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1936 : Il devenait nécessaire d’enrayer la fuite des capitaux vers l’or et vers l’étranger. Mais la solution qui fut adoptée à l’époque ne fut pas parmi les meilleures ni les plus justifiées: Sans qu’aucune cause extérieure sérieuse, telle que le sera plus tard l’état de guerre, ait pu être invoquée, l’interdit fut jeté sur l’or et une pénalisation infligée à ses détenteurs. Quoique ceux-ci n’aient fait qu’user du droit que leur conférait la législation monétaire en vigueur, celle de 1928, qui avait établi la libre convertibilité du billet, ils furent invités par la loi de dévaluation du 1er octobre 1936 à restituer, au prix d’achat, l’or qu’ils avaient acquis auprès de l’Institut d’Emission. A ceux qui préféraient conserver leur métal il était offert de payer au fisc la différence entre la valeur de l’or au cours officiel nouveau et celle qu’il possédait sous le régime antérieur. Pour qu’aucun d’entre eux ne puisse légalement se soustraire à l’alternative, les détenteurs d’or étaient soumis à la formalité de la déclaration de leurs avoirs en or.

Cette législation correspondait en somme à la nationalisation de l’or détenu par les particuliers. Elle ne pouvait évidemment pas être très populaire. Toutefois, pendant le troisième trimestre 1936, 87 1/2 tonnes d’or furent revendues à la Banque, pour quelques 2 milliards de francs. Mais il semble qu’assez rapidement la spéculation se soit à nouveau portée sur le marché des changes où le franc subit de violentes attaques.

La loi du 1er octobre 1936 avait créé le Fonds de Stabilisation des changes et lui avait donné mission de régulariser le cours de la monnaie nationale en maintenant sa valeur au change entre les deux limites de 43 et 49 milligrammes d’or à 0,900 ; ce qui correspondait à un cours du dollar compris entre 20,15 et 22,96. Il avait reçu à cet effet une dotation en or de 10 milliards de francs nouveaux. Si, au début de son action il put rétrocéder à la Banque 7 milliards d’or pendant le seul mois d’octobre, dès la fin novembre il dut puiser de nouveau dans l’encaisse officielle pour reconstituer ses provisions de change et maintenir le cours du dollar à 21,4o. La pression s’accentua au début de 1937 en même temps que cessait le mouvement des restitutions d’or à la Banque.

Il était bien évident cependant que le public détenait encore en France, à cette époque, de fortes quantités d’or que d’aucuns évaluaient à la contrevaleur minimum de 4 milliards de francs 1928 (quelques 25o tonnes).

Le Gouvernement tenta une nouvelle fois d’employer la manière forte. Par décret du 17 février 1937 il renforça les pénalités sur la détention illégale de l’or en l’assimilant à la contrebande. Mais tout de suite, devant l’hostilité du pays à sa politique générale, il comprit la nécessité de jeter du lest et il adopta en mars une nouvelle attitude, celle de « la Pause ».

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Le décret du 9 mars rapportait les dispositions de celui du 17 février et la loi du 10 mars abrogeait les articles de la loi monétaire du ler octobre 1936 relatifs au régime de l’or. Le commerce et la détention de l’or redevenaient libres et le Trésor se résolvait à verser à ceux qui avaient cédé leur or à la Banque le complément entre le prix qu’ils en avaient reçu et la valeur officielle de l’or au taux de la Banque en mars 1937.

Le Franc Flottant et la thésaurisation des pièces

La détérioration du franc ne pouvait être arrêtée par des mesures de cet ordre qui témoignaient seulement de l’impuissance du Gouvernement à s’opposer à la vague de fond qui emportait la monnaie. Le dollar s’approcha de la limite fixée par la loi de 1936 et celle-ci fut bousculée.
L’encaisse-or fut soumise à des ponctions répétées : d’octobre 1936 au 1er juillet 1937, le Fonds absorba plus de 800 tonnes d’or et les réserves officielles fléchirent de 2.963 à 2.155 tonnes.

Le 3o juin 1937 un décret suspendait l’obligation pour le Fonds de Stabilisation de maintenir le franc entre des points d’or fixes. Le franc devenait flottant. Il devenait en fait une véritable monnaie « fondante ».

La thésaurisation reprit alors une nouvelle ampleur, mais elle se tourna cette fois vers les pièces d’or, dont le commerce devint florissant. Des importations considérables furent réalisées de l’étranger, qui provoquèrent sur le marché de Londres l’apparition d’une prime sur l’or monnayé, prime qui, en avril 1938, atteignit de 5 à 6 %.

Ce mouvement alimenté par les craintes que faisaient naître les difficultés financières de l’Etat, l’augmentation des avances de la Banque au Trésor, et la campagne socialiste pour un contrôle des changes, dura jusqu’au mois de mai 1938 et ne fut ralenti que par l’institution de ce qu’on a appelé « le Franc Daladier », rattachant de fait, sinon légalement, la monnaie française à la Livre sterling, le gouvernement s’engageant à ce que le cours de 179 francs pour une Livre sterling ne soit pas dépassé.

Les entrées de pièces d’or en France pendant cette période furent au total très considérables. Il est naturellement impossible de se faire une idée exacte de ce qu’elles représentèrent. Toutefois on estime généralement qu’elles ont atteint près du double des rétrocessions d’or à la Banque immédiatement après la loi de 1936. Sur la base de cette évaluation c’est quelques 4 milliards de francs 1298, soit 25o tonnes de métal qui ont été investis au cours de cette fuite devant la monnaie. Il va de soi que cette approximation ne tient pas compte des capitaux exportés directement sous forme de devises antérieurement à la loi de 1936. Pour ceux-ci, c’est un montant d’un ordre de grandeur de 3o milliards de francs 1928 qui a été cité.

Il est à peine besoin de rappeler qu’après la tension internationale de la fin de l’été le Gouvernement REYNAUD entama une vigoureuse politique de redressement dont les effets furent immédiatement sensibles à la fois sur le niveau des changes et le climat intérieur. Les mouvements de capitaux reprirent la direction de la France et le Fonds de Stabilisation put à deux reprises rétrocéder de l’or à la Banque, dont l’encaisse remonta à 2.400 tonnes, niveau qui resta inchangé jusqu’à la guerre. Le déclenchement du nouveau conflit mondial devait transformer totalement le statut de l’or, aussi bien en France qu’à l’étranger. Le principal souci de beaucoup de Gouvernements en matière monétaire fut en effet de réserver le métal jaune aux besoins officiels et de s’opposer dans toute la mesure du possible à sa libre confrontation avec les monnaies nationales.

Mais la généralisation des contrôles des changes, le blocage des cross-rates à des taux arbitraires, les entraves apportées à la circulation des marchandises et des capitaux allaient au contraire conférer à l’or un attrait renouvelé aux yeux des particuliers : en marge des institutions officielles le réseau des transactions clandestines devait s’organiser peu à peu jusqu’à constituer de véritables marchés.

De Litra

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Jean-François Faure
Jean-François Faure. Président d’AuCOFFRE.com. Voir la biographie.

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