Les supercycles

par | 12 Août 2009 | Bourse, Economie, Réflexions | 0 commentaires

Temps de lecture : 5 minutes

Dans la nature, les cycles sont omniprĂ©sents : le jour et la nuit, les saisons, les pulsations du cƓur, la respiration, etc. A l’échelle de la sociĂ©tĂ©, des empires naissent et meurent. Les cycles accompagnent les sociĂ©tĂ©s humaines depuis la nuit des temps.

Mais les phĂ©nomĂšnes cycliques et rĂ©guliers des grandes Ă©chelles font place aux phĂ©nomĂšnes statistiques et chaotiques dĂšs que l’on tente de sonder l’infiniment petit. Impossible par exemple de connaĂźtre avec prĂ©cision la position d’un Ă©lectron autour du noyau atomique. Les physiciens recourent alors aux calculs de probabilitĂ©s.

Les marchĂ©s financiers et l’économie n’échappent pas Ă  cette nature cyclique du monde, et ils n’échappent pas non plus au problĂšme des « bruits parasites » lorsqu’il s’agit d’étudier les tendances avec un microscope. Comme les physiciens du monde quantique, les traders recourent aux probabilitĂ©s, car les mouvements du marchĂ© sur une aussi petite Ă©chelle sont souvent chaotiques et irrationnels. S’ils gagnent 60% de leurs paris, ils finiront par gagner beaucoup d’argent, peu importe le nombre de paris perdus.

Par chance pour l’investisseur axĂ© sur le long terme, les cycles qui oeuvrent au sein de l’économie et des marchĂ©s financiers sont beaucoup plus facile Ă  dĂ©celer sur une grande Ă©chelle. Pourtant, la tyrannie du court terme, avec ses bruits parasites et sa volatilitĂ©, finit par l’emporter sur la vision Ă  long terme de l’investisseur. La rĂ©alitĂ© est que les gens prĂ©fĂšrent s’enrichir rapidement et se retrouvent trĂšs vite, malgrĂ© eux, victimes de leurs Ă©motions : la cupiditĂ© et la peur.

Je vais dĂ©finir le supercycle, non comme la tendance cyclique de trĂšs long terme sur le prix d’un actif, mais plutĂŽt comme la tendance cyclique de trĂšs long terme sur la confiance des investisseurs relativement Ă  cet actif. Car ce n’est pas l’actif qui est de nature cyclique, mais la nature humaine, comme nous le verrons plus loin.

Une confiance, engagĂ©e dans une tendance de trĂšs long terme, conduit inĂ©vitablement les investisseurs, qui se trouvent au sommet du supercycle, Ă  trouver toutes sortes d’excuses pour justifier les prix de bulle atteints par le marchĂ©, et jugĂ©s comme normaux par la grande majoritĂ©. Inversement, dans le creux d’un supercycle, les investisseurs sont totalement dĂ©sintĂ©ressĂ©s par l’actif, et intimement persuadĂ©s qu’il ne pourrait jamais faire un bon investissement de long terme.

Kondratieff est un des premiers Ă©conomistes Ă  avoir montrĂ©, dans les annĂ©es 20, l’existence de grands cycles pour l’investissement, qui tendent Ă  se rĂ©pĂ©ter tous les 60 ans environ. C’est en Ă©tudiant les quatre Ă©conomies les plus dĂ©veloppĂ©es de son temps (Etats-Unis, Angleterre, France, Allemagne) qu’il a mis en Ă©vidence l’alternance de longues phases d’expansion et de ralentissement de l’activitĂ© Ă©conomique.

Selon Kondratiev, la phase ascendante s’accompagne d’un surendettement, d’un surinvestissement et d’une surproduction, et la phase descendante s’accompagne d’une purge du systĂšme avec une baisse de la demande, tout en prĂ©parant le terrain pour une nouvelle phase de croissance.

Selon le cycle de Kondratieff, nous serions entrés en 2000 en phase descendante pour les économies américaine et européenne, période de climat boursier défavorable, et qui peut conduire à de grands conflits sur la scÚne mondiale. La derniÚre phase descendante correspondait à 1929-1945, période de la Grande Dépression aux USA et de la Seconde Guerre Mondiale.

cycle_kondratrieff

Joseph Schumpeter trouve une autre explication pour justifier ces cycles. Il pense que c’est l’apparition d’innovations majeures qui entraĂźne le dĂ©veloppement de l’économie pendant de longues annĂ©es.
La phase ascendante correspond aux temps nĂ©cessaire Ă  l’assimilation, la diffusion et l’amortissement des nouvelles innovations, puis la concurrence et la baisse de la demande explique l’apparition du point de retournement du cycle. Quand Ă  la phase descendante, elle correspond Ă  l’élimination des stocks (capacitĂ© de production en excĂšs), des dettes et Ă  la prĂ©paration d’une nouvelle vague d’innovation.

cycle_schumpeter1

Remarquons que le cycle de Schumpeter, dessinĂ© ci-dessus, comporte une vague de plus Ă  partir de 1950. On peut choisir de l’inclure ou non dans le cycle de Kondratieff, mais le ralentissement au dĂ©but des annĂ©es 90 correspond Ă  une petite rĂ©cession et ne ressemble en rien Ă  un vĂ©ritable hiver Ă©conomique comme celui des annĂ©es 30. Ce qui nous importe avant tout, c’est la rĂ©alitĂ© du terrain et non la beautĂ© des graphiques ! Le rythme des grandes dĂ©couvertes scientifiques aurait plutĂŽt tendance Ă  ralentir depuis les annĂ©es 60. Les anciennes gĂ©nĂ©rations ont connu, au cours de leur vie, davantage de rĂ©volutions technologiques (chemin de fer, automobiles, congĂ©lateurs, avions, tĂ©lĂ©vision) qui ont bouleversĂ© leur vie que notre gĂ©nĂ©ration.

A mon avis, la prĂ©sence de grands cycles dans l’économie est en partie liĂ©e au cycle des gĂ©nĂ©rations successives, qui finissent toutes par oublier complĂštement ce qu’avaient appris, Ă  leurs dĂ©pens, les gĂ©nĂ©rations prĂ©cĂ©dentes disparues.

L’économiste Marc Faber dĂ©crit trĂšs bien les diffĂ©rentes phases Ă  travers lesquelles Ă©volue une sociĂ©tĂ©.

1. Une société est travailleuse, frugale, épargnante, innovatrice.
2. Elle s’enrichit.
3. Elle devient puissante du fait de ses richesses accumulées.
4. Elle devient arrogante, car elle a pris conscience de sa richesse et de son pouvoir sur les autres.
5. Elle dĂ©pense de plus en plus, car elle n’a plus peur du lendemain.
6. Pour maintenir son train de vie excessif, elle emprunte de plus en plus d’argent.
7. Lorsque le niveau de dette global devient trop grand, elle commence Ă  « imprimer de l’argent ».
8. La catastrophe arrive et le niveau de vie de toute la société retombe.
9. Si la société arrive à se relever, elle redevient travailleuse, frugale, épargnante, innovatrice.
10. Etc.

L’engouement populaire pour les actions en 2000 est un comportement de haut de cycle, tout Ă  fait classique et rĂ©current. Une fois l’erreur admise, il faut gĂ©nĂ©ralement 60 ans pour qu’elle se reproduise, mais sous une autre forme. Les dĂ©rives de l’ingĂ©nierie financiĂšre, que notre prĂ©sent cycle porte en lui, nous promettent une purge longue et douloureuse pour le systĂšme financier. L’endettement monstrueux Ă  tous les niveaux se paiera probablement en dĂ©valuant progressivement, mais massivement les monnaies. Le coĂ»t Ă  payer en terme de pouvoir d’achat, de chĂŽmage et de dĂ©tresse humaine risque d’ĂȘtre trĂšs Ă©levĂ© et d’aboutir en fin de cycle Ă  un comportement globalement beaucoup plus prudent et moins dĂ©pensier (leçon retenue par la gĂ©nĂ©ration qui a traversĂ© la Grande DĂ©pression des annĂ©es 30). Ainsi, la crise actuelle ne sera pas identique Ă  celle des annĂ©es 30 (elle risque d’ĂȘtre inflationniste plutĂŽt que dĂ©flationniste), et elle aboutira Ă  une autre sociĂ©tĂ© que celle des annĂ©es 50, mais le vĂ©cu de la crise et les leçons retenues pourraient avoir une odeur de dĂ©jĂ  vu.

A cause de l’inflation qui fait varier les prix des actifs Ă  des vitesses diffĂ©rentes, il est souvent difficile de mettre en Ă©vidence ces supercycles par la seule observation du prix (un prix peut grimper en nominal mais baisser en valeur corrigĂ©e de l’inflation). Mais des mĂ©thodes trĂšs simples existent pour les mettre Ă  jour.

LIRE LA SUITE DE CETTE ARTICLE : Les supercycles des marchĂ©s boursiers et de l’or

Article écrit par Léonard Sartoni

LĂ©onard Sartoni est l’auteur du livre « rĂ©fĂ©rence » : 2008-2015 : pourquoi l’or va battre la performance des actions et des obligations et comment vous pouvez en profiter

Ce premier guide en langue française sur le marchĂ© de l’or ne pouvait ĂȘtre Ă©crit que par un investisseur Ă  temps plein sur ce marchĂ©. LĂ©onard Sartoni vit en Suisse de ses investissements dans ce domaine. La richesse de son expĂ©rience et de ses connaissances difficilement condensĂ©e dans ces 200 pages vous Ă©clairera sur un univers mĂ©connu autant qu’attractif sur un plan financier.  » le dernier grand marchĂ© haussier de l’or remonte aux annĂ©es 70. Depuis, aux yeux du grand public, ce mĂ©tal prĂ©cieux est tombĂ© aux oubliettes. Il est temps de le redĂ©couvrir car une nouvelle heure de gloire est  » dans les tuyaux  » ! « 

LĂ©onard Sartoni parraine AuCOFFRE.com, la premiĂšre plateforme d’achat, vente et don de piĂšces d’or avec garde en coffres bancaires.

Partagez cette publication

Suivez notre chaĂźne Youtube

Faure, Jean-François
Jean-François Faure. PrĂ©sident d’AuCOFFRE.com. Voir la biographie.

Articles en relation

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *