Minerais et terres rares : pourquoi Trump veut booster la production ?

par | 28 Avr 2025 | Actualités | 0 commentaires

Temps de lecture : 5 minutes

La géopolitique des ressources minières est de retour ! Avec l’un de ses derniers décrets en date, Donald Trump confirme qu’il veut rebâtir la « Forteresse Amérique ». À quels métaux cette décision devrait-elle profiter ?

Actualité : « mesures immédiates pour augmenter la production minérale américaine » !

Jeudi 20 mars, Donald Trump a signé un nouveau décret qui intéressera les investisseurs en métaux précieux, et tout particulièrement les investisseur dans l’or.

mines d'or

Avant de l’analyser, je vous propose de jeter un œil à la production minière ayant lieu sur le sol américain.

Production : quelle est l’importance des sources/ressources minières US ?

Grâce aux données mises à disposition par l’Institut d’études géologiques des États-Unis (USGS), j’ai reconstitué les données relatives à la production de métaux.  

Voici ce que ça donne pour l’année 2020 :

Production de métaux aux Etats-Unis (tonnes, 2020)

Il y a 5 ans, les Etats-Unis ont donc produit 193 tonnes d’or, 1 030 tonnes d’argent, 14,6 tonnes de platine, 4,2 tonnes de palladium (et 1 200 tonnes de cuivre).

Passons à ce fameux décret.

Enjeu du décret « ressources naturelles » : que dispose ce texte ?

Essentiellement 2 choses.

Economie : accroître l’extraction, l’exploitation et la valorisation des ressources

Les agences fédérales sont tenues de faciliter la production d’un certain nombre de minéraux, en particulier les minéraux dits « critiques », présents dans les propriétés terriennes de l’État fédéral. L’objectif est d’augmenter considérablement cette production.

2 exemples…

En pratique, 2 listes doivent être établies :

  • Une liste de mines dont l’exploitation doitêtre rapidement approuvée ;
  • Une liste de fonciers où pourraient être construites des infrastructures relatives au traitement des minéraux.

Quelles sont les matières minérales sont concernés ?

Le décret mentionne explicitement l’or, l’uranium, le cuivre, la potasse, « ainsi que tout autre élément, composé ou matériau déterminé par le président du Conseil national de domination énergétique (National Energy Dominance Council – NEDC) ».

L’argent et les platinoïdes (dont le platine et le palladium) ne sont pas évoqués explicitement.

Ceci dit, ces métaux deviendraient concernés par ce décret si d’aventure le NEDC les désignait comme minéraux prioritaires. Compte tenu de leur importance économique et stratégique, il est probable qu’ils finissent par profiter des mesures évoquées par le décret.

Très bien, mais… pourquoi une telle mesure ?

La « Forteresse Amérique » : quand Washington veut une indépendance stratégique totale

Le décret ne pourrait pas être plus clair quant aux objectifs poursuivis :

  • « Les États-Unis possèdent d’immenses ressources minérales qui peuvent créer des emplois, stimuler la prospérité et réduire considérablement notre dépendance envers les nations étrangères ».
  • « Notre sécurité nationale et économique est désormais gravement menacée par notre dépendance à la production de minéraux par des puissances étrangères hostiles. Il est impératif pour notre sécurité nationale que les États-Unis prennent des mesures immédiates pour faciliter la production nationale de minéraux dans la plus grande mesure possible. »

Voilà qui est très généraliste.

De quoi s’agit-il, dans le détail ?

Industrie : sécuriser l’approvisionnement en matières premières des entreprises américaines

C’est le premier niveau de lecture, évident, de ce décret.

Dans un contexte où certaines puissances adversaires, voire ennemies des Etats-Unis, ont jalousement interdit l’exportation de toute une série de minerais hautement stratégiques, il s’agit pour Washington de s’assurer que sa production industrielle nationale ne sera pas victime d’une pénurie de matières premières.

Ce décret s’inscrit bien sûr au sein d’une stratégie plus large visant à renforcer l’indépendance stratégique des États-Unis, voire l’autarcie américaine sur toute une série de plans.

« La Forteresse Amérique »

Trois mois seulement après sa prise de fonction le 20 janvier, Donald Trump a eu l’occasion de dire et répéter ses intentions allant dans le sens de la reconstitution de la « Forteresse Amérique » de l’époque isolationniste (grosso modo de la doctrine Monroe de 1823 à l’entrée en guerre des Etats-Unis en 1941) :

  • Intérêt pour les ressources minières ukrainiennes ;
  • Velléités d’annexion du Canada ;
  • Velléités d’annexion du Groenland ;
  • Annonce d’une kyrielle de droits de douane le 2 avril.

Le contexte est donc celui d’une guerre multi-facettes : monétaire, militaire, et à présent commerciale.

En réduisant sa dépendance aux importations étrangères, particulièrement en provenance de Chine, Donald Trump veut sécuriser l’approvisionnement de l’industrie américaine, et plus particulièrement garantir son autonomie en matière de défense et d’innovation technologique.

Passons au deuxième niveau de lecture.

Washington se prépare-t-elle à une nouvelle-forme d’étalon-or ?

Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, les minéraux critiques, en particulier l’or, sont à nouveau sous les feux des projecteurs. Cette année-là, les grands argentiers avaient battu leur record d’achats nets d’or, avec 1 082 tonnes ajoutées à leurs réserves. Les années 2023 et 2024 ont également été d’excellents millésimes, avec des achats de respectivement 1050,8 tonnes et 1044,6 tonnes de métal.

Or ce sont essentiellement les banques centrales (et les consommateurs) des BRICS+ qui accumulent de l’or.

Washington, qui a œuvré de tout son poids depuis les années 1970 pour que toute référence à l’or disparaisse du système monétaire international au profit du dollar, voit d’un très mauvais œil cette forme de recyclage des excédents commerciaux. Les Américains ne sont pas dupes : ils savent que certains pays des BRICS+ sont en train de se préparer une sortie du système dollar-centrique par l’or.

En cas de retour à une forme d’étalon-or, les Etats-Unis auraient donc tout intérêt à disposer d’une filière de production d’or raffiné bien dotée, car il pourrait devenir plus difficile de s’approvisionner.

Comment l’a récemment expliqué Shaokai Fan, le responsable mondial des banques centrales auprès du Conseil mondial de l’or : « les pays d’Asie centrale produisent beaucoup d’or [,] et un nombre croissant de banques centrales achètent de l’or directement à partir de sources extraites localement. Elles peuvent ainsi acquérir un actif de réserve tout en payant en monnaie locale. Pour eux, c’est évidemment un avantage stratégique de pouvoir s’approvisionner localement en un actif de réserve. »

Critique : que faut-il penser de cette politique ?

Pour ma part, je rejoins le constat de Charles Gave : « Taxation des importations, subvention aux exportations, fin des protectorats militaires, les USA retournent à leurs racines isolationnistes et protectionnistes. Le but politique est de créer la « forteresse Amérique » et d’en faire une espèce d’aimant pour les capitaux mondiaux en recherche de sécurité, ce qui permettrait au dollar de ne pas aller trop bas, évitant ainsi une poussée inflationniste trop forte.

Je ne sais pas si cela va marcher, mais je ne suis pas sûr non plus que cela ne va pas marcher. En tout cas, c’est jouable, surtout si le système interne aux USA se déréglemente et que le déficit budgétaire redevienne raisonnable. »

Une stratégie risquée, donc. Mais il fallait bien que Washington tente quelque chose. Comme le formule Robin Rivaton : « l’équilibre du système politico-économique hérité de la production de masse et de la seconde guerre mondiale est trop instable pour imaginer qu’il se poursuive. »

L’or, l’argent et les platinoïdes vont-ils profiter de ce décret ?

« La géopolitique des ressources est de retour, et l’or joue un double rôle : métal industriel ET ancre monétaire », soulignent les analystes d’Incrementum.

C’est donc le métal jaune qui a le plus vocation à profiter de ce décret, lequel contribue à sanctuariser encore un peu plus sa place en tant qu’actif stratégique.

À ce stade, l’argent, le platine et le palladium ne sont pas concernés. Cela dit, en s’abstenant de contribuer à l’augmentation de l’offre relative à ces métaux, Donald Trump contribue à soutenir leur cours. Et si ces métaux devenaient concernés par ce décret, ils verraient alors eux aussi leur statut stratégique se renforcer.

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Perrin, Nicolas
Diplômé de l’IEP de Strasbourg, du Collège d’Europe et titulaire d’un Master 2 en Gestion de Patrimoine, Nicolas Perrin a débuté sa carrière en tant que conseiller en gestion de patrimoine. Auteur de l’ouvrage de référence "Investir sur le Marché de l’Or : Comprendre pour Agir", il est désormais rédacteur indépendant. Il s’intéresse au libéralisme, à l’économie et aux marchés financiers, en particulier aux métaux précieux et aux crypto-actifs, sans oublier la gestion de patrimoine. Twitter : @Nikookaburra

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