Publicité

Des bandes de drogue, mafia et paramilitaires s’intéressent de très près aux ressources aurifères du pays, premier producteur d’or de la région. Paraîtrait-il même que le métal précieux soit plus propice que le marche de la drogue … 

En Colombie, à plus de 4000 km de Wall Street, le boom de l’or attire beaucoup d’opportunistes, ce qui implique une autre crise très différente. Le pays, premier producteur d’or d’Amérique Latine depuis 1937, a triplé sa production annuelle entre 2006 et 2010. Elle atteint environ 59 tonnes  – une quantité qui pourrait doubler l’année prochaine grâce aux investissements de grandes multinationales comme AngloGold Ashanti et Cambridge Mineral Resources. Mais ces entreprises ne sont pas les seules à rentrer en action : des bandes guerrilleros de gauche, des bandes de drogue et des criminels de tout type qui voulaient prendre leur part du gâteau. En apprenant que le prix des produits ne s’arrêtait pas d’augmenter et que le trafic de drogue était de plus en plus difficile, l’or s’est alors converti en la nouvelle drogue.

Il est difficile d’évaluer les efforts en terme de réglementation et de surveillance suite à l’envolée de ce secteur porteur. Tout simplement parce qu’il y a trop de candidats pour ces nouvelles activités et peu d’effectifs pour pouvoir en assurer le cadre légal. A ces fins, les  autorités locales proposent des missions à rémunération motivante. Et, surtout, le produit (l’or) n’est pas illégal. Ce dernier peut être exporté librement par des sociétés ou par des intermédiaires.

‘Les mines attirent tout type d’agents armés’ explique Víctor Hugo Vidal, responsable de la section locale sur le Processus des communautés noires de Colombie, une association régionale qui agit en faveur de la justice sociale et contrôle les opérations minières sur la côte du Pacifique. ‘Souvent, c’est le chef de la bande de drogue (de la région) qui exploite la mine.

Le gouvernement est conscient du danger. En septembre de l’année dernière, le président Juan Manuel Santos (élu en Juin 2011) a annoncé que des groupes rebelles s’infiltraient dans le secteur minier. Le gouvernement à réagi rapidement en suspendant durant le mois de février les concessions des liçences minières, jusqu’alors très nombreuses. En mai, le Ministère des Mines et de l’Energie a annoncé une enquête sur la corruption dans le secteur.

Publicité

Bataille économique 

Cependant, durant ce temps, les mines ‘informelles’ continuaient de se reproduire. Le plus inquiétant est certainement la diversité des groupes armés qui sont impliqués : les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC, premier groupe de guerrilleros de gauche) et l’Armée de la Libération Nationale (ELN, second groupe de guerrilleros) et, apparaissent de plus en plus nombreux des bandes criminelles qui commencent à peupler les villes colombiennes.

Connues sous le nom de bacrim (bandes criminelles), ces groupes de mafia sont apparus suite au manque de contrôle, durant ces dernières années, du flux tant du trafic de drogue que des activités illégales que de par la démobilisation des paramilitaires (plus de 30000 d’entre eux ont ainsi participé depuis 2006), acteurs traditionnels du conflit. Ces bacrim se battent pour le contrôle économique. Sur une route non pavée de Buenaventura (port principal de la côté pacifique colombienne), un artisan mineur qui jusqu’à voilà quelques mois travaillait régulièrement pour une mine ‘informelle’, située à environ 45 minutes, me racontait les scènes tumultueuses dont il avait été témoin.

Les groupes armés à la recherche du contrôle sont si nombreux qu’il est presque impossible de connaître leurs identités, me raconte ce témoin anonyme.  Quelques 250 pelleteuses appartenant aux propriétaires creusent où ils en ont envie dans le lit de ce fleuve abondant. Au milieu de cette chamaille, des groupes locaux de la société civile sont en quête d’informations sur la centaine d’homicides commis entre 2009 et 2010.

Les signes de ce nouveau commerce sont visibles de tous les côtés. Selon les observateurs recrutés pour les élections locales, la violence la plus importante touche les zones riches en ressources en incluant les aurifères. Le 25 juillet, l’International Crisis Group, (ICG, ONG indépendante) dénonçait les alliances entre les criminels et une partie de l’élite économique locale.

Les groupes armés n’hésitent pas recourir à l’intimidation ou pire encore dans le but de faire élire ses candidats. Le Haut-Commissariat pour les Droits de l’Homme aux Nations-Unies signalait aussi des déplacements de population dans les zones d’exploitations minières tout le long de la côté du Pacifique et dans le nord du pays. Des Groupes Armés (incluant dans certains cas des entreprises légitimes) expulsent des communautés entières de leurs terres après leur avoir versé une petite indemnité, voire aucune quelquefois.

Dans les régions du pays, celles les plus riches en minéraux, les habitants travaillent comme des artisans mineurs depuis plusieurs années. Nombreux sont ceux qui, comme ce témoin anonyme que j’ai rencontré à Buenaventura, trient le sable à la recherche d’or, vendent ce qu’ils peuvent et  gagnent ainsi leur vie au quotidien. Néanmoins, quand les groupes armés apparaissent dans ces endroits, les opportunités de vendre son propre or se fait plus rare.

Cependant, le gouvernement colombien considère que l’exploitation minière est un secteur en pleine expansion. En 2006, le gouvernement d’Álvaro Uribe annonçait un plan pour transformer la Colombie en pays mineur d’ici à 2019. Le rapport énonce les mesures à entreprendre pour rendre le pays plus attirant pour les investisseurs étrangers, dotant le système d’une réglementation claire et multipliant les avantages économiques.

Cependant, dans l’effervescence de la fièvre de l’or, les institutions du pays en ont oublié les normes de l’environnement. Il ne faut pas omettre les mines qui, disposant d’une licence, ne suivent pas toujours les normes réglementaires.

« Il s’agit d’une catastrophe touchant l’environnement, en particulier pour la production agricole, la pureté de l’eau et l’ensemble de la population » gémit Gustavo Gallón, directeur de la Commission Colombienne des Juristes (une ONG de défense des droits de l’homme). « C’est incroyable, comme si nous étions revenus à l’époque coloniale ». Une personnalité dune autre autorité locale à Buenaventura, Lucmilla Gutierrez García, pousse sa réflexion plus loin : »Cette activité minière est la guerre la plus féroce que nous ayons connue ».

Foreign Policy, Washington

Article précédentL’assurance vie n’assure plus !
Article suivantLes diamants ne sont pas éternels

LAISSER UN COMMENTAIRE

Veuillez entrer votre commentaire !
Veuillez entrer votre nom ici