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Comme chaque début d’année, les experts en économie se transforment brièvement en cartomanciennes pour prédire l’état des marchés pour les douze mois à venir.

On le sait, l’économie est un peu comme la météo : on y rencontre beaucoup de spécialistes chevronnés qui peuvent analyser des millions de données et les présenter sous forme de graphiques qui seront ensuite commentés par des experts, lesquels en tireront finalement des prévisions. Mais au final, dans un domaine comme dans l’autre, et en dépit d’un nombre incalculable de modèles prédictifs, personne n’est réellement capable de dire de quoi sera fait demain.

L’économie reste très « psychologique »

Dans ce genre de situation, la tentation est forte de faire appel à la croyance populaire pour pallier l’incertitude scientifique. Ainsi, le passage de tel ou tel oiseau dans le ciel, ou encore la détermination d’une grenouille à grimper ou non à une échelle a longtemps semblé justifier d’emporter son imperméable en sortant ; de même que la répétition d’un schéma sur une courbe de tendance ou bien la couleur de la cravate d’un banquier central pouvait indiquer s’il était pertinent d’acheter ou de vendre sur les marchés.

Aussi curieux que cela paraisse, si la météorologie a depuis longtemps abandonné ces méthodes empiriques au profit de la science pour tenter d’affiner toujours davantage ses modèles prédictifs, l’économie semble quant à elle toujours régie par un grand nombre de croyances et autres comportement à la limite de la superstition. Cependant, de manière plus consensuelle et un peu moins provocatrice, on préfère dire que « l’analyse économique tient compte d’une forte composante psychologique« .

Une économie déshumanisée qui remplace la maîtrise par la croyance

Ainsi, alors que nous sommes au XXIe siècle et que la technologie est désormais omniprésente dans tous les aspects de notre vie quotidienne, il n’y a plus que dans les journaux économiques et les rapports financiers qu’on continue d’espérer « un alignement favorable des planètes » susceptible d’annoncer des jours meilleurs. Même les émissions de télé consacrées à la voyance n’osent plus évoquer la crainte des « cygnes noirs » ou l’influence des « sorcières » sur notre futur, alors que ces même concepts continuent d’animer les débats sur les chaînes économiques entre messieurs très sérieux qui rivalisent d’éloquence pour prédire l’avenir financier du monde.

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Plus sérieusement, il est clair que les marchés financiers sont plus que jamais devenus imprévisibles. Et c’est d’ailleurs en grande partie parce qu’ils sont désormais presque totalement automatisés que plus personne n’arrive à en modéliser le fonctionnement. On aurait pu croire le contraire, car qui dit automatisation dit algorithme et donc fonctionnement logique susceptible d’être anticipé. Sauf que le nombre de variables impliquées dépasse de beaucoup la capacité d’analyse et de synthèse de n’importe quel être humain (d’où l’automatisation, justement), ce qui fait qu’aujourd’hui, notre économie est tout entière entre les « mains » des machines.

L’économie se cherche de nouveaux repères

Dès lors, tous ces spécialistes qui s’accrochent désespérément à leur expertise d’antan (sous-entendue, qui fonctionnait encore dans les années 1990) en sont réduits à jouer les augures à la télévision, dans les journaux ou sur Internet, essayant d’appliquer leurs vieilles méthodes aux nouveaux modèles qui leur échappent. Ainsi, ce matin, un journaliste de la principale chaîne économique à la télévision demandait très sérieusement à un responsable de fonds d’investissement de confirmer que l’année 2018 sera une bonne année pour les marchés, car « la première semaine de janvier avait été bonne« , et qu’une certaine « tradition » laissait entendre qu’il s’agissait d’un signe qui ne trompait pas.

Un signe ! Les économistes en sont donc encore à rechercher des « signes » pour deviner l’évolution de ce qui constitue sans doute l’élément le plus prosaïque de notre société : les marchés financiers. On a beau répéter que les performances passées ne préjugent en rien des résultats futurs, tout le monde s’efforce de repérer dans les tracés des courbes d’historique quelque pattern identifiable susceptible de prédire une tendance à venir. Les graphiques à chandeliers sont devenus les horoscopes de ces nouveaux devins, les histogrammes leur servent d’arcanes et leurs analyses s’apparentent aujourd’hui davantage à un tirage de cartes qu’à un véritable travail de prospective.

Une progression de l’or prévisible pour de bonnes raisons… et des mauvaises aussi

Concernant l’or par exemple, il existe un certain nombre d’indices déterminants permettant d’anticiper une hausse des cours à moyen terme, comme par exemple la montée en puissance de la Chine dans l’économie mondiale, ou encore la poussée de l’Inde qui est appelée à remplacer la France à la 5e place des première puissances de la planète, sans oublier l’utilisation grandissante des métaux précieux dans les nouvelles technologies, ainsi que les risques macro-économiques et géopolitiques qui pèsent sur le monde au point d’influer de plus en plus fortement sur les devises en général, et sur le dollar en particulier.

Au lieu de cela, même si tout le monde s’accorde à dire qu’un affaiblissement du dollar pourra être bénéfique à l’or, c’est surtout les mouvements du cours de l’or lui-même qui semblent intéresser les analystes, notamment le fait qu’il vient de gagner plus de $90 l’once en quelques jours consécutifs. Et on pouvait lire ainsi sur l’un des principaux médias américains consacrés au métal précieux : « Typically, when markets start to have consecutive inside days, the common theory is a big move is coming and usually that move follows the prevailing longer-term trend. » Ce qu’on pourrait traduire en gros par : « quand l’or évolue comme il vient de le faire, alors la théorie veut qu’un gros mouvement se prépare dans le même sens ». Dit autrement : l’or a monté pendant quinze jours, alors il va continuer à monter fortement dans les mois qui viennent (le même axiome est d’ailleurs valable en cas de baisse).

C’est la théorie qui le dit. Sauf que la théorie, à ce niveau-là, c’est plus proche de la boule de cristal que de l’expertise.

Taux d’intérêt et marché actions : deux scénarios possibles

Idem pour les taux d’intérêt. On sait que la réserve fédérale américaine envisage de poursuivre la remontée progressive de ses taux en 2018, et qu’elle sera forcément suivie par toutes les autres banques centrales à plus ou moins brève échéance. On devine alors que le marché obligataire va peu à peu se dégonfler, faisant du même coup repartir le marché des actions, dont la très faible volatilité des dix-huit derniers mois trahissait la morosité.

Mais dans le même temps, les différentes politiques de quantitative easing étant arrivées plus ou moins au bout de leur efficacité (si tant est qu’elles n’en aient jamais eu), on se doute que la source permanente d’argent frais va commencer à se tarir progressivement. Conséquence logique envisageable, les banques vont devoir renouer avec une certaine rationalité, pour ne pas dire austérité, après parfois des années de liquidités open bar (« no limit » avait dit Draghi).

Le crédit va-t-il s’en ressentir ? Probablement, d’autant que les taux d’intérêt repartant à la hausse vont eux aussi contribuer à tendre ce marché. Moins de « monnaie » disponible, sans doute plus de contraintes, sans oublier un retour de la notion de « prévoyance » (un peu oubliée ces derniers temps), tout cela va certainement restreindre l’appétit des investisseurs tout en pénalisant les valeurs bancaires qui jouent souvent le rôle de locomotive du marché actions.

Alors que va-t-il donc se passer pour les actions ? Les places boursières vont-elles continuer leur croissance au même rythme qu’en 2017 ou au contraire s’effondrer comme un château de cartes après avoir été si longtemps maintenues artificiellement par des politiques monétaires qui ont fini par convaincre les investisseurs que l’argent ne manquerait jamais ? Honnêtement, personne ne peut réellement le prévoir, même si l’une des deux options a quand même plus de risques d’arriver…

Le choix des économistes : le rêve plutôt que la réalité

Et pourtant, on trouve malgré tout une majorité de gens qui sont prêts à réunir les deux hypothèses pour en tirer une conclusion unique forcément positive, un peu comme s’ils avaient trouvé l’équivalent économique de la Théorie du Tout dont rêvent les physiciens. Ainsi, ils sont d’accord pour dire que la remontée des taux d’intérêt va effectivement booster le marché actions en réduisant l’attrait du marché obligataire, mais ils assurent également que la fin des politiques monétaires accommodantes contribuera justement à renforcer l’attrait pour les actions. En clair, au contraire de ceux de 2008, les investisseurs de 2018 seront à la fois plus sages, mieux encadrés et totalement convaincus de l’invincibilité d’un nouveau système économique mondial qui, non seulement aura survécu à la crise, mais qui, de surcroît, n’aura plus besoin d’une béquille monétaire pour tenir debout.

Vœu pieux ? Méthode Coué ? Ou plutôt volonté de continuer à faire croire que tout va bien dans le meilleur des mondes. En attendant, tout le monde s’attend à voir l’inflation se poursuivre en 2018. On s’en réjouissait en 2017 tant elle manquait à la dynamique de l’économie, mais on préfère éviter de penser à ce qui se passerait si elle échappait à tout contrôle (ce ne serait pas la première fois). Un problème que d’aucuns envisagent déjà à l’horizon 2020 mais dont on pourrait également commencer à s’inquiéter d’ici la fin de cette année.

Des marchés financiers survalorisés et un risque d’effondrement bien réel

Déjà, quelques indicateurs montrent que le coût de l’emploi aux États-Unis a progressé de près de 5% en quelques mois, tandis que d’autres révèlent un niveau réel de chômage similaire à celui que le pays a connu durant la Grande récession de 1929. En Europe, les problèmes structurels et systémiques se multiplient également et on en vient par exemple à envisager des solutions de revenu universel pour compenser une casse sociale inéluctable liée à l’automatisation de la plupart des secteurs d’activité.

Enfin, il semble que la bonne santé apparente des bourses du monde entier soit principalement liée à une survalorisation des actifs sur les marchés financiers. Et cette survalorisation semble justement voulue pour masquer un grand nombre de vulnérabilités des marchés, grâce à quelques dizaines de locomotives artificiellement dopées (parfois même avec l’aval des gouvernements) pour tirer tout le monde vers le haut. Mais pour combien de temps encore…?

Pour toutes ces raisons on-ne-peut plus factuelles, et même si l’éventualité d’une économie prospère et assainie reste un doux rêve, on peut malheureusement craindre une réalité bien plus rugueuse qui pourrait se traduire dès la fin de cette année par une sur-réaction des marchés, un retour à l’austérité et une perte de confiance envers les devises.

Seule bonne nouvelle au tableau : il y a de grandes chances que cette situation profite largement aux valeurs refuges, et en particulier à l’or et aux métaux précieux.

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Anthony Alberti
Entrepreneur depuis vingt ans dans le domaine de la communication et l'information stratégique, il a été amené à travailler plusieurs fois en partenariat avec des banques et des assurances, dont la principale matière d'œuvre était constituée de l'argent des épargnants. Peu complaisant à l'égard de leurs pratiques dont il a entrevu les coulisses, il délivre aujourd'hui régulièrement son analyse sans concession (et souvent piquante) non seulement sur les agissements des professionnels de la finance, mais aussi de tous ceux qui, de près ou de loin, se font les auteurs ou les complices des manipulations qui spolient chaque jour un peu plus les honnêtes citoyens.

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