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Avec l’IFI, le gouvernement démontre une fois encore que la classe moyenne reste la cible privilégiée de l’État pour financer les errements d’une politique électoraliste qui continue à préserver les intérêts de l’élite.

L’élément le plus emblématique de la future loi de finances 2018 porte sans conteste sur la transformation de l’impôt de solidarité sur la fortune (le fameux ISF) en « impôt sur la fortune immobilière », ou IFI, qui frappera donc désormais uniquement les propriétaires de biens immobiliers dont la valeur dépasse 1,3 millions d’euros. Une mesure qui, finalement, concernera davantage la classe moyenne que les Français les plus riches.

Immobilier = fortune

Désormais, c’est donc officiel, les seuls Français considérés comme assez « fortunés » pour mériter d’être surtaxés sont ceux qui possèdent des biens immobiliers. C’est à dire, dans leur écrasante majorité, des individus issus de la classe moyenne qui ont pensé judicieux d’investir dans la pierre le fruit de nombreuses années de travail.

Certes, parmi eux, il en est également qui ont eu la chance de recevoir une maison ou un appartement dans le cadre d’une succession, mais ce genre d’héritage est bien souvent un cadeau empoisonné car il faut l’entretenir, le maintenir en état pour pouvoir continuer à le proposer à la location par exemple (quand les loyers sont payés). Sans oublier les charges qu’il faut assumer et la fiscalité un peu plus lourde chaque année dont il faut s’acquitter sans faillir. Sinon, c’est la saisie, la dépossession, la confiscation. Bref, aujourd’hui, l’État considère que les vrais riches, ce sont eux, les propriétaires.

L’or et l’argent également visés

Mais ce sont aussi ceux qui se permettent d’avoir quelques milliers d’euros en or ou en argent (en 2013, le Figaro rappelait que 90% d’entre eux détenaient moins de 50 grammes d’or, soit l’équivalent de 1750 euros au cours du jour) pour se protéger des bouleversements économiques qui secouent la planète depuis quelques décennies (on vient de « fêter » le trentième anniversaire du krach boursier de 1987…). En effet, outre la « fortune immobilière », les élus de la République (en marche ?) ont décidé de renforcer un peu plus la fiscalité des métaux précieux. Le 20 octobre dernier, l’Assemblée nationale a ainsi approuvé la hausse des taxes sur l’or et l’argent, demandée par la majorité présidentielle, la faisant passer de 10 à 11% sur toutes les transactions, même en cas de moins-value.

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Car comme l’explique si bien Amélie de Montchalin, qui représente le parti de la majorité présidentielle auprès de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, il était hors de question de favoriser un quelconque « effet d’aubaine sur les investissements dans les métaux précieux« . Pensez donc, tous ces gens qui pourraient brusquement retrouver de l’intérêt pour l’or et l’argent, ce n’est bon ni pour les banques qui soutiennent l’action de l’État, ni pour les recettes fiscales qu’on essaie désespérément de gonfler afin de compenser les milliards d’économie promis lors des campagnes électorales du printemps dernier.

Les détenteurs de métaux précieux sont en majorité des Français moyens

Mais qui possède de l’or ou de l’argent en France ? Les plus riches ? Certainement pas, ou alors ailleurs qu’en France. Les plus pauvres ? Pas davantage, encore qu’on trouve pas mal de « bijoux de famille » au sein de ménages parfois très modestes, véritable trésor qu’on se passe parfois de génération en génération, sans plus trop en connaître la valeur, parce qu’on se souvient qu’un grand-père ou une arrière-grand-tante avait dit que « ça valait des sous« .

En réalité, la plupart des possesseurs de métaux précieux sont, là encore, des Français moyens, avec des revenus moyens, et issus de la classe moyenne. Employés, commerçants, fonctionnaires, membres de professions libérales, leur profil est varié mais ils ont tous en commun de ne pas être assez pauvres pour être ménagés, protégés, soutenus, ni assez riches pour pouvoir passer à côté d’une fiscalité conçue par une certaine aristocratie étatique qui ne poussera jamais son « sens de la démocratie » jusqu’à se pénaliser elle-même.

Dans une enquête OpinionWay/AuCoffre.com datée du mois d’août 2017 et relayée par le magazine Challenges, on apprend que les 25-34 ans sont les plus nombreux à posséder de l’or d’investissement, sous forme de pièces généralement. C’est justement dans cette classe d’âge qu’on retrouve les représentants de la classe dite moyenne « basse » : jeunes entrepreneurs, salariés diplômés, cadres junior, employés de secteurs d’activité liés aux services, aux professions intellectuelles, etc. Pas vraiment le cliché du rentier qui cache ses lingots dans le coffre-fort de la demeure familiale.

L’immobilier locatif pénalisé

Ainsi, quand les députés votent avec force enthousiasme un recentrage de l’ex-ISF sur le seul patrimoine immobilier, ce n’est pas l’élite qui est visée (puisqu’elle constitue l’essentiel des élus de la République et que de son patrimoine est ailleurs), ni la France défavorisée (puisqu’elle n’a pas les moyens d’être propriétaire en dépit de ce que les banques voudraient lui faire croire avec leurs taux d’intérêts au ras des pâquerettes) mais bien la classe moyenne, une fois de plus. Cette même classe moyenne qui continue à investir dans l’habitat locatif dans le but naïf de se construire un avenir tout en offrant un service d’utilité publique. Car, oui, dans un pays qui connaît un déficit chronique de plusieurs centaines de milliers de logements chaque année, l’immobilier locatif est un véritable enjeu à la fois économique et social. Emploi, stabilité sociale, dynamisme des territoires, lutte contre les inégalités, autant de domaines pour lesquels l’immobilier est essentiel.

Et aujourd’hui, dans le seul but de flatter l’électorat de base sans pour autant toucher aux intérêts de l’élite, on ne trouve rien de plus intelligent que de surtaxer ce secteur indispensable au bien-être de la nation. Avec de surcroît un impôt dont on a maintes fois prouvé l’inutilité et le caractère hautement contre-productif puisqu’il incite de plus en plus de gens à se désengager de cet investissement dont le pays a pourtant si cruellement besoin.

Et gare à ceux qui souhaiteraient se rabattre sur les métaux précieux, épargne traditionnelle des petites gens qui ont un minimum de patrimoine à protéger, ils pourraient tenter d’échapper à l’impôt. Car il faut bien le financer, ce train de vie à la Française. Et surtout, il faut bien que quelqu’un paie ce que la France d’en haut promet à la France d’en bas pour continuer à être élue.

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Anthony Alberti
Entrepreneur depuis vingt ans dans le domaine de la communication et l'information stratégique, il a été amené à travailler plusieurs fois en partenariat avec des banques et des assurances, dont la principale matière d'œuvre était constituée de l'argent des épargnants. Peu complaisant à l'égard de leurs pratiques dont il a entrevu les coulisses, il délivre aujourd'hui régulièrement son analyse sans concession (et souvent piquante) non seulement sur les agissements des professionnels de la finance, mais aussi de tous ceux qui, de près ou de loin, se font les auteurs ou les complices des manipulations qui spolient chaque jour un peu plus les honnêtes citoyens.

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