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Il est particulièrement étonnant de voir la multiplication des projets qui lient crypto-monnaies et actifs tangibles ! A première vue, il s’agirait d’une sorte d’alliance de la carpe et du lapin entre le virtuel et le réel…
Une histoire d’amour qui devrait mal se terminer non ? Ou à l’inverse, on aurait la solution efficace pour éviter les effets d’une crise de la finance ? En tous les cas les projets se multiplient y compris au niveau de certains Etats.

La première crypto-monnaie (qui n’en portait pas le nom) basée sur l’or date de 1996. Cette histoire digne d’un roman d’espionnage se termine mal. En effet, Douglas Jackson, fondateur de e-gold, service de paiement électronique basé sur l’or et l’argent, sera condamné pour activité illégale de banque et blanchiment d’argent. Sa plateforme était utilisée par des réseaux criminels pour transférer des sommes d’un bout à l’autre de la planète sans contrôle. Le service fermera définitivement ses portes en 2009.

Doug Jackson, médecin oncologue en Floride, est un libertarien et un utopiste. Il pense que la suppression de l’étalon or en 1971 est une erreur. Il s’inspire des travaux d’une économiste anglaise Vera C. Smith qui en 1936 rédige une thèse : The Rationale of Central Banking and the Free Banking Alternative.

Le rêve d’une monnaie  basée sur l’or sans contrôle central

Il considère donc qu’il est nécessaire de créer une monnaie basée sur l’or, sans contrôle d’un système central. En 1996, Internet lui permet de réaliser son rêve…Qui se transformera en cauchemar quand tous les escrocs et malfaiteurs de la planète utiliseront sa plateforme pour blanchir le fruit de leurs forfaits. Jackson plaidera la naïveté. Il n’aurait pas imaginé une seconde que des individus pourraient pervertir ainsi sa belle idée.

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Le ou les créateurs du Bitcoin ont exactement la même philosophie et la même « naïveté » quand ils lancent la première crypto-monnaie. Le principe : on décentralise le contrôle de la création et de l’usage de cette monnaie et on anonymise les utilisateurs. L’esprit est donc clairement d’éviter toute possibilité de contrôle de la part de quiconque (autorités, vendeur, acheteur). Principe poussé loin puisqu’aujourd’hui encore (2018) on ne connait pas l’identité réelle du concepteur de Bitcoin. Evidemment, les premiers à utiliser cette boîte noire financière, c’est l’économie souterraine. (à lire, le débat sur le Bitcoin  )

Mais le deuxième effet inattendu pour le Bitcoin et les crypto-monnaies en général, c’est l’appropriation par les spéculateurs donc par le pire de la finance. Un outil créé pour éviter un système est au final détourné par ledit système lui-même ! Si vous vous intéressez aux ICO, ces pré-ventes de crypto-monnaies pour développer un service, vous avez sans doute vu que l’intérêt des investisseurs se limite uniquement à la possibilité que le prix (cours) du « token » créé (unité numérique)  flambe dès son lancement. Ces spéculateurs n’ont strictement rien à faire de l’usage, de l’esprit du projet. Deuxième perversion ! Seuls les projets « à fort potentiel spéculatif » sont soutenus !

Crypto-monnaie et actifs tangibles : retours aux fondamentaux

Depuis quelques semaines, les annonces sur les crypto-monnaies liées aux actifs tangibles se multiplient. Et, ô surprise, le discours qui accompagne ses créations reprend l’esprit des créateurs de la Blockchain en général et du Bitcoin en particulier, c’est une offre voire une arme pour contourner le système.

Plusieurs pays ont fait des annonces :

  • La Turquie, en pleine attaque sur sa monnaie a en premier lieu demandé a ses citoyens d’utiliser leur or pour soutenir l’économie. Puis, le responsable de la Banque Centrale Turque a annoncé qu’il  estimait que « les crypto-monnaies peuvent contribuer à améliorer la stabilité financière du pays ». Un groupe de travail a été désigné pour imaginer rapidement la Crypto Livre Turque.
  • L’Iran a choisi, pour limiter les effets des sanctions américaines, de créer sa propre monnaie numérique. En effet, les iraniens se sont tournés vers le Bitcoin et l’Or depuis que Trump a décidé de retirer les Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire et de menacer toutes les entreprises  qui continueraient à commercer avec ce pays. Cette crypto-monnaie contrôlée par la Banque Centrale Iranienne aurait dans un premier temps un rôle de monnaie complémentaire pour les échanges économiques du pays. Un peu sur le modèle du WIR en Suisse qui s’échange entre entreprises de la Confédération Helvétique.
  •  Le Venezuela, là aussi, en crise, vient de créer le PETRO, une crypto-monnaie garantie par le pétrole du pays dont les réserves sont parmi les plus importantes au monde. Pour pousser à l’utilisation de cette monnaie, des offres promotionnelles sont proposées. Ainsi l’Inde a eu une proposition de réduction de sa commande de 30% si elle était payée en PETRO.

On retrouve dans ces initiatives les principes de l’économiste F. Hayek développés dans son ouvrage The Denationalization of Money paru en 1976 (et publié en français en 2015 avec une traduction du titre discutable Pour une vraie concurrence des monnaies ). « La mauvaise monnaie chasse la bonne » nous explique le prix Nobel d’Economie. Selon lui, cela répond aux principes de la Loi de Gresham qui assurent que  les agents économiques préfèrent conserver la bonne monnaie et se défaire de la mauvaise au plus vite ! Il faut là comprendre que les consommateurs vont thésauriser la bonne monnaie (la conserver) et dépenser l’autre.

Or les théories de Hayek auraient nourri les réflexions du ou des fondateurs du Bitcoin. Ils n’avaient visiblement pas prévus que les détenteurs de bitcoins les conserveraient dans l’espoir que leur prix augmente plutôt que de les utiliser comme monnaie d’échange.

Si l’on observe que certains Etats  ont décidé depuis plusieurs mois de renforcer leurs réserves en or -la Russie, la Chine notamment- doit-on en déduire que ces gouvernants reprennent eux-aussi les thèses de Hayek et prévoient donc que les « monnaies d’échange actuelles » sont les mauvaises et qu’ils utilisent en « assurance vie » celles qui ont fait leur preuve comme l’or ?

Est-ce aussi pour cela que de nombreux projets de crypto-monnaies adossés sur l’or  apparaissent. Pour reprendre l’œuvre inachevée de Douglas Jackson de création d’une monnaie hors système bancaire, basée sur l’or ?

J’attends vos réflexions sur ces thématiques.

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Jean-François Faure
Jean-François Faure. Président d’AuCOFFRE.com. Voir la biographie.

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