Publicité

Paradoxalement, le grand public connaît bien moins l’or aujourd’hui que par le passé, et les médias de culture populaire contribuent à véhiculer cette ignorance.

Que ce soit au cinéma, à la télévision ou même dans les journaux dits « d’information », il semble que l’or soit toujours présenté sous la seule forme de lingots pour symboliser la richesse. Un raccourci facile qui pêche par omission des autres formes bien plus pratiques sous lesquelles l’or se présente, à commencer par les pièces, mais qui pourrait encore être acceptable s’il n’était pas entaché par une gra09e méconnaissance qui nuit à la crédibilité, mais aussi à la respectabilité de ce métal précieux.

L’or et le crime

Globalement, chaque fois que l’or est évoqué dans les journaux, à la télévision ou au cinéma, c’est en lien plus ou moins direct avec le crime. Piraterie, cambriolage, vol à grande échelle ou simple arnaque, le métal jaune symbolise souvent à la fois l’objectif et le mobile pour violer la loi.

Associé aux activités les moins recommandables, l’or est alors perçu comme risqué, ambigü, et il brûle les doigts de tous ceux qui s’en approchent de trop près. Pas étonnant que cette image négative ait fini par imprégner la sensibilité populaire, au point qu’un complotiste pourrait très facilement en conclure que toutes ces représentations sont « dictées » et « validées » par des autorités désireuses d’éloigner le public de cet or émancipateur qui les dérange.

Les pièces d’or plutôt que les lingots

Dès qu’un réalisateur, un auteur ou un professionnel des médias veut représenter de l’or, il colle un gros lingot aux angles biseautés sous le nez de son auditoire. Comme si, en dehors de cette forme reconnaissable entre toutes, personne n’était capable de comprendre qu’on lui présente de l’or. Quoique, c’est peut-être malheureusement le cas aujourd’hui…

Publicité

En réalité, sans préjuger de la perception du grand public, un sac de pièces d’or pourrait plus facilement symboliser une certaine aisance qu’un ou plusieurs lingots. D’ailleurs, c’était ainsi qu’on représentait la richesse autrefois. Aujourd’hui, bien des gens seraient surpris d’apprendre que chaque petite rondelle dorée, sous réserve qu’elle corresponde à une once de métal précieux, représente le salaire mensuel d’un smicard.

Un lingot d’or d’un kilo, c’est joli, mais dans les faits ça correspond à environ 35 000 euros au cours actuel, soit l’équivalent d’une trentaine de Krügerrands d’Afrique du Sud, de Pandas chinoises ou de Vera Valor françaises, pour ne citer que quelques pièces emblématiques d’une once. Au contraire, une simple boîte à sucre en fer blanc moins jolie qu’un lingot mais remplie de pièces d’or vaudrait plus d’un million d’euros et pourrait donc assurer les revenus d’un salarié français moyen (à 2225 euros par mois) pendant une bonne quarantaine d’années… contre 15 mois pour un lingot d’un kilo.

De l’or en barres ou en plaques ?

Dans les faits, la réalité du lingot d’or est « visuellement » beaucoup plus modeste que son iconographie usuelle. Certes, il existe des lingots d’un peu plus de 12 kg (12,441 kg exactement, la plus grosse taille dite « Good Delivery » et correspondant à 400 onces Troy), qui ont cette forme caractéristique si chère aux cinéastes, mais ils dorment généralement dans les coffres des Banques Centrales et sont négociés sur le marché de Londres sans presque jamais circuler. N’en déplaise aux scénaristes et aux romanciers, il est donc très difficile d’en retrouver dans le coffre-fort d’une banque, dans le repaire secret d’un oligarque russe ou encore dans la sacoche d’un trafiquant.

La plupart du temps, la forme moderne des lingots d’or se rapproche bien plus de la « plaquette de beurre » que du prisme. Ainsi, le lingot standard dit de « 1 kilo » (qui représente en réalité 995 à 1005 g d’or) a davantage la taille et l’épaisseur d’un petit smartphone de 3,5 pouces d’il y a dix ans : 11.8 cm de long pour 5,3 cm de large et 0,8 cm d’épaisseur pour le lingot d’or d’1 kilo de la Royal Mint. Les fabricants les nomment fréquemment « savonnettes ».

 

Quand l’or fait son cinéma…

Jean-Luc Godard comparait le cinéma à « l’industrie des masques, elle-même succursale de l’industrie du mensonge. » Et en matière de représentation de l’or, on atteint parfois le grotesque comme dans le film The Saint sorti en juillet dernier. On y voit en effet dès la séquence introductive un groupe de quatre criminels encravatés portant chacun une mallette renfermant 6 énormes lingots d’or bien photogéniques, qu’on peut imaginer être des « Good Delivery » de banque centrale. Comment ? Pourquoi ? Cela n’a guère d’importance, c’est du cinéma.

Le hic c’est que chacun de ces lingots devrait donc peser près de 12.5 kg. Ayons donc une pensée admirative pour ces hommes qui portent une mallette de 75 kg d’une seule main et qui la soulèvent sans frémir pour la présenter à quelque marchand d’arme peu scrupuleux (passons là aussi sur le fait que l’or sert de monnaie d’échange dans une transaction criminelle). Mais le pire est à venir quand le héros, voleur de son état (on a les héros qu’on mérite), s’empare du contenu des 4 mallettes en quelques secondes, les enfourne dans un sac de sport aux coutures apparemment indestructibles et s’enfuit en courant, sans être le moins du monde gêné par 300 kg d’or sur l’épaule (24 lingots de 12.5 kg chacun) !

Un scénariste, un réalisateur, des producteurs, des acteurs et même un public qui ne tiquent pas un minimum devant ce genre d’énormités (oui, je sais, c’est du cinéma), c’est peut-être le signe que de moins en moins de gens ont aujourd’hui une idée précise de ce qu’est l’or en réalité. Le XXe siècle aura été une période sombre pour l’or, pas seulement à cause de son abandon au profit des monnaies fictives basées sur la dette, mais surtout parce qu’on a tout fait pour faire oublier aux gens la vraie nature de ce noble métal qui a pourtant accompagné notre histoire depuis des millénaires. Du pain-bénit pour les escrocs de tout poil qui n’hésitent plus à ressortir de vieilles recettes éculées (pièces et lingots truffés, par exemple, ou encore simples rondelles de cuivre dorées) pour tromper un public redevenu ignorant.

Article précédentEdito de Jean-François Faure Octobre 2017
Article suivantOr : faut-il investir dans les mines ?
Anthony Alberti
Entrepreneur depuis vingt ans dans le domaine de la communication et l'information stratégique, il a été amené à travailler plusieurs fois en partenariat avec des banques et des assurances, dont la principale matière d'œuvre était constituée de l'argent des épargnants. Peu complaisant à l'égard de leurs pratiques dont il a entrevu les coulisses, il délivre aujourd'hui régulièrement son analyse sans concession (et souvent piquante) non seulement sur les agissements des professionnels de la finance, mais aussi de tous ceux qui, de près ou de loin, se font les auteurs ou les complices des manipulations qui spolient chaque jour un peu plus les honnêtes citoyens.

LAISSER UN COMMENTAIRE

Veuillez entrer votre commentaire !
Veuillez entrer votre nom ici