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L’homme n’a jamais autant produit d’or que durant ces dernières années. Pour autant, investir dans les mines d’or n’est pas forcément une bonne idée.

Depuis le début des années 2000, la production d’or dans le monde a atteint des sommets, flirtant même avec les 2800 tonnes par an en 2014-2015. Dans le même temps, la technologie a permis de réduire considérablement les coûts de prospection, lesquels pèsent lourdement sur la facture globale d’exploitation d’un gisement aurifère. C’est sans doute pourquoi, dans un souci de diversification et afin de surfer sur les performances exceptionnelles du métal doré à long terme (près de 400% de plus-value en 15 ans, soit quatre fois plus que le CAC 40 !), les investisseurs semblent avoir retrouvé de l’intérêt pour les mines d’or. Reste à savoir s’ils ont fait un bon calcul…

Une « minière » est d’abord et avant tout une action d’entreprise

Fidèles à leurs habitudes, même lorsqu’il s’agit de matières premières ou de métaux précieux, les investisseurs traditionnels aiment le papier. Rien n’a davantage d’intérêt à leurs yeux qu’une action qu’ils peuvent négocier, acheter, revendre ou échanger sur les marchés financiers. Un investissement sérieux ne saurait exister en dehors du cadre sacro-saint de la bourse et de ses valeurs. Par conséquent, pour beaucoup d’investisseurs, « investir dans l’or » revient à acheter des titres d’une société minière.

Sauf qu’en dehors de son domaine d’activité, une « minière » est une société comme les autres, soumise aux mêmes aléas, confrontée à une législation susceptible de nuire à sa rentabilité. Elle doit aussi assurer des charges sociales, des taxes en tous genres, et elle peut rencontrer des difficultés de production comme n’importe quelle autre entreprise. Indépendamment du produit qu’elle exploite, une compagnie minière peut donc parfaitement faire faillite si elle est mal gérée ou si elle joue de malchance.

Pire, la particularité de son activité, mais aussi très souvent sa localisation géographique dans des pays pas toujours très stables politiquement, l’exposent à des risques que ne connaissent pas la plupart des autres entreprises : guerres, coups d’État, confiscation, etc. Investir dans une mine d’or, c’est aussi parfois parier sur le temps que mettra un baril de poudre à exploser

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Des coûts qui baissent… mais une rentabilité aussi

On l’a dit, la prospection est une donnée essentielle pour l’exploitation d’un gisement. Et jusqu’à récemment, cette phase préliminaire pouvait s’avérer extrêmement coûteuse sans la moindre garantie de succès. Autant dire que, lorsqu’un filon exploitable est découvert, il peut se passer de nombreuses années avant que l’activité soit rentable, le temps pour la compagnie de rembourser les frais initiaux. D’ailleurs, il arrive fréquemment que certains gisements prometteurs ne donnent pas les résultats escomptés, et la mine se voit donc contrainte de fermer avant même d’avoir pu récupérer les fonds engagés au départ. Dans ce cas, les perdants ne sont pas seulement les exploitants ou les salariés… mais aussi les investisseurs.

Depuis quelques temps, la technologie est venue au secours des compagnies minières (forages « chirurgicaux », analyses de données géologiques et sismiques par de puissants algorithmes informatiques, sonars, satellites, etc.), ce qui leur a permis de gagner un temps précieux lors de la sélection des sites prometteurs. Désormais, on commence à creuser lorsqu’on est sûr de trouver de l’or, et les coûts de prospection s’en trouvent donc considérablement réduits. Conséquence directe, la facture globale est elle aussi allégée et, tandis qu’une once d’or coûtait environ $900 à être extraite du sol il y a 15 ans, elle n’en coûte plus que la moitié aujourd’hui.

Problème, les bons gisements se font de plus en plus rares et même si la prospection ciblée a pu faire baisser momentanément les coûts d’exploitation, ceux-ci sont repartis à la hausse car il faut souvent creuser de plus en plus longtemps et de plus en plus profondément pour aller chercher des quantités d’or de plus en plus modestes. Et lorsque les coûts remontent, c’est la rentabilité des investissements qui souffre.

La production aurifère a peut-être déjà connu son pic

C’est un discours qu’on entend régulièrement depuis quelques années : la production d’or aurait atteint son maximum et tendrait désormais à décroître progressivement. Le fait est que les gisements s’épuisent bel et bien, et même si de nouvelles mines ouvrent chaque jour, il s’agit aujourd’hui d’aller gratter au mieux 3 grammes d’or par tonne de terre. Pour information, en 2000, la teneur moyenne des gisements était de 24 grammes par tonne de minerai, soit 8 fois plus !

Conséquence inévitable, toutes les économies réalisées en amont sont absorbées par les dépenses croissantes en énergie et en moyens techniques pour parvenir à extraire une quantité d’or constante. Dans les faits, les mines d’or sont donc très peu rentables et les faibles performances de leurs actions en bourse reflètent assez bien cette difficulté qu’elles ont à garder la tête hors de l’eau.

Pour l’instant, seule la Chine continue à soutenir la production d’or dans le monde (c’est même le premier pays producteur au monde avec un peu plus de 450 tonnes en 2016), mais la plupart des autres pays producteurs extraient de moins en moins de métal doré chaque année.

Un risque financier… environnemental

Indépendamment des efforts de certaines compagnies minières, notamment au Canada ou aux États Unis, qui respectent une charte « Clean Extraction« , il reste très difficile de produire de l’or en grandes quantités sans utiliser des substances dangereuses pour l’environnement. Cyanure et métaux lourds sont ainsi rejetés dans la nature, et dans les cours d’eau en particulier, ce qui bouleverse durablement les écosystèmes et contaminent des territoires entiers, intoxiquant non seulement la faune et la flore mais aussi malheureusement les populations qui y vivent.

La communauté internationale ainsi que les professionnels de l’exploitation minière ou encore du négoce de l’or se sont émus de cette situation, et ils contribuent activement à faire évoluer les techniques de production pour limiter au maximum l’impact sur l’environnement. La société civile elle aussi, notamment par le biais des associations écologistes, fait pression sur les autorités des pays concernés pour faire changer la législation en matière d’exploitation aurifère. Le processus est lent mais il commence à porter ses fruits, ce qui est une bonne chose.

Toutefois, pour se plier aux nouvelles normes de plus en plus draconiennes, les compagnies minières doivent réduire encore leur perspectives de rentabilité afin de prendre en compte les coûts de mise en conformité, l’abandon des techniques polluantes au profit d’autres méthodes plus « propres » mais aussi moins efficaces, etc.

Au final, et une fois encore, cette facture « environnementale » risque bien d’être payée par l’investisseur.

Conclusion : pour investir dans l’or, rien de mieux que d’attendre qu’il soit sorti du sol pour en acquérir un peu (ou beaucoup, c’est selon). D’autant plus que, s’il est vrai que la production est appelée à baisser dans l’avenir, alors le métal se fera de plus en plus rare sur le marché et sa valeur ne pourra qu’augmenter.

 

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Anthony Alberti
Entrepreneur depuis vingt ans dans le domaine de la communication et l'information stratégique, il a été amené à travailler plusieurs fois en partenariat avec des banques et des assurances, dont la principale matière d'œuvre était constituée de l'argent des épargnants. Peu complaisant à l'égard de leurs pratiques dont il a entrevu les coulisses, il délivre aujourd'hui régulièrement son analyse sans concession (et souvent piquante) non seulement sur les agissements des professionnels de la finance, mais aussi de tous ceux qui, de près ou de loin, se font les auteurs ou les complices des manipulations qui spolient chaque jour un peu plus les honnêtes citoyens.

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