La France des héritiers et non plus des travailleurs 

par | 26 Juin 2025 | Actualités | 0 commentaires

Temps de lecture : 4 minutes

Ce constat a fait la une des journaux au printemps 2025. Aujourd’hui, le patrimoine constitué par les Français provient majoritairement de l’héritage et non du travail. Cette information n’est pas anodine et montre que l’ascenseur social est bloqué. Ce n’est pas grâce au travail que l’on s’extrait de sa condition initiale, il faut attendre d’hériter de ses parents. Parfois longtemps. Comment faut-il interpréter cette nouvelle donne et quelles sont les conséquences sur les générations qui débutent dans la vie ?  

De la méritocratie à “l’héritocratie” 

Le journal britannique The Economist a titré ”Inheriting is becoming nearly as important as working” : hériter devient presque aussi important que travailler. Et l’article continue en notant que cette situation est dangereuse pour le capitalisme et pour la démocratie. Ce n’est pas rien ! 

Héritier plutôt que travailleur

Travailler dur pour réussir ?  

Le travail a été l’alpha et l’oméga de notre société pendant des décennies. Du rêve américain aux golden eighties, seul le travail pouvait permettre à l’individu de s’élever dans la société. Ainsi et presque logiquement, les enfants avaient un revenu supérieur à leur parents, grâce à leur volonté de réussir mais aussi leur implication dans les études. Rappelons le faible taux de bacheliers dans les années 1950 : ils représentent 7 % d’une génération. Dans les années 1980, 25 % des jeunes Français ont eu leur bac et enfin 79,4 % en 2024. 

Ces chiffres montrent que les Français (et l’État) ont misé sur l’éducation pour parvenir à améliorer leur situation sociale et financière. En obtenant des diplômes, les enfants d’ouvriers pouvaient espérer ne pas travailler à l’usine, mais dans un bureau, au chaud, sur une chaise. Cela peut paraître caricatural, mais c’est pourtant ainsi que l’on peut comprendre les raisons du « travailler dur pour réussir ». Or, la réalité est plus contrastée.  

Un ascenseur social plus lent 

Malheureusement, l’ascenseur social monte lentement. Là encore des études évoquent cette situation, comme celle de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Elle interroge la mobilité intergénérationnelle en Europe. Cela consiste à calculer « le nombre de générations qu’il faudrait aux descendants d’une famille située dans le décile inférieur pour atteindre le revenu moyen dans la société ». Si, pour les Danois, champions européens de la mobilité intergénérationnelle, deux générations suffisent, les Français ont besoin de six générations pour y parvenir. Juste devant les Hongrois qui sont les derniers du classement (sept générations).  

L’héritage, la reproduction d’une inégalité 

Malgré leurs efforts, les baby-boomers n’égalent pas le patrimoine des familles les plus riches. Ces dernières continuent de truster les premières places dans la détention des plus grandes fortunes : elles sont réservées aux héritiers déjà privilégiés.  

Les baby-boomers à la retraite 

La Fondation Jean Jaurès a fait le calcul : lorsque les Français les plus âgés vont transmettre leur patrimoine à leurs enfants, en 2040, 9 000 milliards d’euros de patrimoine vont changer de mains. Ces experts notent qu’il s’agit du « plus grand transfert de richesse de l’histoire ». Il faut dire que les baby-boomers ont bien profité des 30 Glorieuses en connaissant une économie qui fonctionne à fond et peu de chômage. Ils ont ainsi pu accumuler des biens immobiliers et des titres, tout au long de leur vie active. Faut-il aussi préciser qu’ils ont pu bénéficier d’une retraite confortable, à un âge raisonnable ? Mais ce n’est pas tout. 

Des héritiers de plus en plus âgés 

Une autre donnée expliquant les inégalités de plus en plus fortes est l’âge des héritiers. Avec l’allongement de l’espérance de vie de leurs aînés, les jeunes ne peuvent plus compter sur un pécule pour acheter un bien immobilier, par exemple. La hausse du prix des logements et des taux de crédits réduit leur possibilité d’accéder, rapidement, à la constitution d’un patrimoine immobilier. 

L’Insee rappelle que 6 ménages sur 10 qui ont hérité au cours de leur vie avaient plus de 60 ans. Un âge qui n’encourage pas à investir mais plutôt à thésauriser. Leur taux d’épargne est d’ailleurs de 18 %, alors qu’il n’est que de 10 % à 40 ans. 

Une richesse qui peine à ruisseler 

Cette inégalité est le sujet d’un livre de Mélanie Plouviez maîtresse de conférences à l’Université Côte d’Azur : « L’injustice en héritage. Repenser la transmission du patrimoine ». Sa conclusion : « il est temps de repenser l’articulation entre la propriété privée et l’intérêt général ».  

Rappelons que, en France, comme l’indique le chercheur Guillaume Allègre, « 60 % des patrimoines sont hérités, contre 35 % au début des années 70 ». Pour lui, ce n’est pas le signe d’une société prête à accueillir « ceux qui, au départ, n’ont rien ».   

Les solutions à la répartition de cette richesse sont nombreuses, selon les spécialistes. Elles consistent à : 

  • Taxer le patrimoine non pas une fois par génération mais au fil de l’eau ; 
  • Augmenter l’impôt sur l’héritage mais ce dernier est particulièrement impopulaire ; 
  • Taxer plus fortement les revenus du patrimoine ; 
  • Prendre en compte les plus-values latentes, comme c’est le cas au Canada ; 
  • Etc. 

Des niches fiscales qui favorisent la transmission sans impôt 

Les études sur ce sujet montrent qu’en utilisant les différents dispositifs financiers, il est possible de transmettre jusqu’à 1 million d’euros net d’impôt. L’optimisation fiscale et l’ingénierie patrimoniales sont devenues des métiers qui ne connaissent pas la crise !  

Et l’or dans tout ça ? 

L’or est soumis aux droits de succession, comme n’importe quel autre élément du patrimoine du défunt. En fonction de leurs liens de parenté, les héritiers bénéficient de taux d’imposition plus ou moins intéressants. Des abattements sont aussi prévus.  

L’or bénéficie d’une fiscalité attractive : les futurs retraités peuvent acheter des pièces, par exemple, pour les transmettre à leurs enfants ou petits-enfants. En ajoutant cette touche de valeur sentimentale qui n’existe pas vraiment dans le cas d’une assurance-vie !  

Lien de parenté Taxation Abattement 
Conjoint Exonération totale N/A 
Enfant, père ou mère  Barème progressif de 5 à 45 % 100 000 € 
Frère ou sœur Barème progressif de 35 à 45 % 15 932 € 
Neveu ou nièce Taux unique de 55 % 7 967 € 
Parents jusqu’au 4e degré Taux unique de 55 % 1 594 € 
Autres héritiers Taux unique de 60 % 1 594 € 

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Rosoor, Benjamin
Je suis entrepreneur sur le web depuis 1999. Diplômé de l'école de journalisme de Bordeaux, j'ai tout d'abord été journaliste-reporter radio pendant 10 ans. J'anime plusieurs médias sociaux et blogs sur les entreprises, la tech, la finance, le marketing digital.

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