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Pendant longtemps on a cru que des taux d’intérêt bas associés à un niveau élevé de dépenses publiques pouvaient mécaniquement entraîner une inflation bénéfique qui déboucherait immanquablement sur une croissance durable. L’ennui c’est que, non seulement ça n’a pas marché, mais le remède s’est révélé pire que le mal et c’est désormais la déflation qui nous guette.

Ce qu’il y a de bien avec les théories, c’est qu’on peut les faire fonctionner comme on veut. La pratique, en revanche, est plus capricieuse. Et en matière d’économie, nombreux sont ceux qui n’ont toujours pas compris que la maîtrise d’un micro-phénomène ne permet pas de croire qu’on sera capable d’anticiper, de prévenir et enfin de contrôler ses conséquences macro-économiques. Un peu comme en météorologie, où la connaissance d’un mécanisme climatique global ne signifie pas pour autant qu’on est capable de prédire de manière infaillible l’évolution du temps qu’il fera, lequel reste largement tributaire d’un enchaînement particulièrement complexe de mouvements atmosphériques à l’échelle de la planète.

L’inflation : le fléau devenu bénédiction

Longtemps, l’inflation a été vue comme un mal à combattre. C’était notamment le cas à l’époque des Trente Glorieuses où l’inflation connaissait des progressions annuelles à deux chiffres (10 à 14% par an entre 1972 et 1983). En effet, si on s’en réfère à la définition de l’Insee, l’inflation est « la perte du pouvoir d’achat de la monnaie matérialisée par une augmentation générale et durable des prix ». Quand dans une même phrase on lit « perte du pouvoir d’achat » et « augmentation des prix« , on est face à l’une des principales sources de préoccupation des populations, et donc de leur élus qui vont tout faire pour les rassurer afin de conserver leur places sous les ors de la République. Des exemples anciens (la république de Weimar en Allemagne au début des années 1920) ou plus récents (les révolutions égyptienne et tunisienne de 2011) montrent à quel point une situation inflationniste peut faire littéralement exploser une société.

Et pourtant, depuis quelques années, on ne cesse de nous bercer avec une belle histoire racontant la fin de tous nos ennuis grâce à la providentielle et sainte inflation. Cette idée vient d’un constat plutôt sain, à la base, qui veut que seule une stabilité durable des prix permet aux agents économiques de se projeter dans l’avenir avec un relatif optimisme. Une situation que la Banque centrale européenne considère atteinte lorsque le taux moyen d’inflation sur le moyen terme n’excède pas 2 %.

Mais alors, pourquoi vouloir à tout prix de cette inflation qui ne pourrait de toute manière pas nous aider au-delà d’un plafond ridiculement bas ? Parce que, justement, notre modèle économique mondial est en panne et que nous courons au contraire tout droit vers la déflation qui, elle aussi, est la cause de bien des maux. Maintenues difficilement en équilibre précaire, nos sociétés ont besoin d’une légère inflation pour ne pas régresser. Sauf que les méthodes employées jusqu’ici, et principalement la baisse des taux d’intérêt couplée à un accroissement sans précédent de la masse monétaire (la fameuse « planche à billets »), n’ont fait qu’empirer la situation… et vont probablement la dégrader encore davantage à l’avenir.

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La création monétaire : une arme à double tranchant

La Chine est un grand pays, et plus seulement sur le plan géographique ou démographique. Depuis dix ans, on hésite même à la considérer comme la première économie mondiale. Or, elle aussi fut frappée de plein fouet par la crise financière de 2008 et sa réponse a été à la hauteur de sa démesure. Devant la soudaine manne financière mise à sa disposition par des marchés particulièrement généreux (aidés en cela par des banques centrales aux politiques expansionnistes), elle s’est mise à emprunter plus d’argent qu’aucun autre pays avant elle. De l’argent qu’elle a ensuite massivement investi dans ses infrastructures industrielles, et principalement dans sa production d’acier qui était déjà considérable. Inévitablement, le minerai de fer a vu son cours exploser, obligeant d’ailleurs les mines chinoises à augmenter leurs capacités d’extraction (plus de mineurs, plus de machines, etc.), ce qui a contribué à augmenter le prix de l’acier qui, en parallèle, devenait de plus en plus demandé en raison de ces mêmes nouvelles facilités financières venues booster la construction. La boucle vertueuse semblait donc bouclée.

Mais, tout aussi inévitablement, une fois l’euphorie passée (et les plus gros clients satisfaits), la demande a commencé mécaniquement à baisser sans que pour autant l’offre ralentisse, car il fallait bien continuer à produire pour rentabiliser les investissements. Conséquence immédiate : les cours de l’acier se sont effondrés et, aujourd’hui, la production de minerai de fer chinoise est au bord de la faillite.

Et le même schéma s’est reproduit partout : aux États-Unis, on s’est mis à construire de plus en plus de magasins en tout genre, à un rythme dépassant de beaucoup l’accroissement à la fois démographique et économique de la population. L’objectif était d’être présent lorsque les consommateurs seraient en mesure de consommer davantage, en se basant sur l’hypothèse pourtant risquée que ces futurs clients allaient pouvoir contracter de plus en plus de crédits à la consommation grâce aux taux d’intérêt quasi-nuls désormais en vigueur. En France, on a voulu dynamiser le marché de l’immobilier en prêtant de l’argent pratiquement à taux zéro, en se raccrochant au vieil adage qui dit que « quand le bâtiment va, tout va ». Ailleurs encore, on a même envisagé de donner tout simplement de l’argent à chaque individu, de sa naissance jusqu’à sa mort, indépendamment de ce qu’il fera dans la vie, juste pour dynamiser artificiellement une économie désormais sous assistance respiratoire. Sauf que rien ne s’est passé comme prévu…

Une déflation inévitable ?

Comme le soulignait récemment le Wall Street Journal, « l’argent pas cher envoie un signal fort aux marchés : il est temps d’emprunter pour dépenser« . Mais quand cette manne financière est créée par les autorités et non par le jeu normal de l’économie, à plus forte raison lorsqu’un gouverneur de banque centrale annonce une politique « no limits » comme le fit récemment Mario Draghi, alors les agents économiques commencent à se méfier et à redouter une bulle.

Certes, ils empruntent malgré tout, car l’occasion est trop belle, et les entreprises en profitent pour accroître leurs capacités de production. Mais bien vite, ce qui semblait une aubaine au début se transforme en surabondance conduisant à terme les producteurs à baisser leurs prix pour continuer à vendre des biens de moins en moins rares ; à plus forte raison si les salaires ne suivent pas la même progression, car même en empruntant à la limite de leur capacité d’endettement, les consommateurs ne pourront jamais acquérir tous ces nouveaux biens mis à leur disposition. Au final, la plupart des industries devront brader leur production, « juste pour garder les lumières allumées » indique le Wall Street Journal, signant le début d’une déflation systémique.

Au final, deux scénarios sont possibles. Soit les industries ne pourront plus faire face à leurs dettes et elles devront liquider leurs actifs, licencier l’essentiel de leurs travailleurs, voire mettre la clé sous la porte, occasionnant une nouvelle dépression mondiale. Soit les pays du monde entier devront décider d’une dévaluation de masse pour espérer rendre leurs dettes plus supportables, ce qui aura surtout pour conséquence une perte de confiance massive des marchés et qui ne fera qu’amplifier le risque de crise systémique sur fond d’effondrement des devises.

Une planche de salut… en or !

Quel que soit le scénario, toujours selon le Wall Street Journal (que l’on n’attend pourtant pas vraiment sur ce genre de conclusion), «  seul l’or sera roi, comme ce fut le cas lors de la Grande Dépression où seuls ceux qui possédaient du précieux métal on su tirer leur épingle du jeu. »

Mieux encore, dans une période critique de déflation, de récession ou même de dépression, tout coûte moins cher et on peut alors acquérir des biens à vil prix. À condition d’en avoir les moyens, ce qui ne peut être le cas que si on s’extrait du système basé sur les devises qui suivent la même dégringolade générale. En sa qualité de monnaie saine, c’est à dire totalement décorrélée des monnaie fiduciaires qui auront perdu leur raison d’être (la confiance), seul l’or (mais aussi l’argent dans une certaine mesure) permet de survivre à une crise de ce genre. Et même d’en ressortir parfois plus riche qu’avant grâce à la valeur des biens qu’il aura permis d’acquérir durant la crise.

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Jean-François Faure
Jean-François Faure. Président d’AuCOFFRE.com. Voir la biographie.

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