La bulle immobilière serait-elle en train d’exploser en Chine ? Les images de destruction de centaines d’immeubles dans les grandes villes chinoises sont impressionnantes. Derrière les difficultés des promoteurs, il y a surtout les épargnants qui sont touchés. Explications.
Immobilier en Chine : une crise majeure
La « pierre » ou plutôt le béton est un élément très important de l’économie chinoise. Selon les estimations (les chiffres officiels sont compliqués à obtenir), on parle de 15 à 30 % du PIB du pays. Rien qu’en 2019, 18 millions de logements neufs ont été construits. Une industrie qui concerne tout le monde dans ce pays. On compte 95 000 promoteurs dans le pays et des millions d’emplois.
La source de revenus principale des collectivités territoriales
En Chine, le terrain appartient à l’Etat et donc localement aux collectivités locales. Avec le boom de l’immobilier à partir de l’an 2000, les maires ont pu financer leurs politiques locales en vendant des terrains aux promoteurs.
Des banques qui suivent les injonctions gouvernementales
Dans ce pays, les banques sont des banques d’Etat. Et elles doivent mettre en application les directives du gouvernement. L’immobilier est la variable d’ajustement des dirigeants chinois. Si la croissance faiblit, les banques sont sommées de prêter à taux très faible aux promoteurs et aux acheteurs, illustration très concrète de la célèbre phrase : « quand le bâtiment va, tout va ! ». Le risque a ainsi été multiplié par deux entre 2005 et 2021. Aujourd’hui, l’encours des emprunts immo représente 27 % des crédits des banques chinoises.
L’immobilier, placement préféré de l’épargnant
Pour la population chinoise, l’achat d’un appartement a longtemps été un placement patrimonial. L’immobilier, comme l’or, est une épargne de précaution. Profitant d’un accès facile au crédit, de nombreux citoyens ont pu acheter et mettre en location plusieurs appartements ou maisons. Et jusqu’à l’arrivée du COVID, les prix étaient plutôt en hausse. Un investissement de moyen long terme plutôt fiable donc.
Le spectre d’un krach immobilier
La crise chinoise n’a rien avoir avec les subprimes. Il ne s’agit pas une financiarisation, d’une titrisation des créances immobilières. Ici pas d’actifs pourris qui font tomber tout l’édifice. Non, c’est plus basique que ça : une histoire d’offre et de demande qui ne matchent plus.
Une démographie en berne
Si la bulle a pu se constituer, c’est qu’en 2000, avec le développement économique, avec le transfert des populations rurales vers les usines et les villes, il fallait absolument construire des logements. Dans le même temps, la population s’est enrichie : elle avait donc besoin d’épargner. On l’a vu, pour un Chinois, l’épargne c’est la pierre (et l’or). Cela a logiquement généré de la demande, et le crédit a pu pousser l’offre des promoteurs. Sauf, que le pic de population ayant été atteint, la demande de logements pour la location a baissé. L’offre est toujours présente, mais la demande l’est moins ! C’est ainsi qu’on a vu ces spectacles d’immeubles vides, détruits pour éviter les coûts de maintenance.
Un COVID qui stoppe la croissance
Même si la Chine est toujours en croissance, il faut bien noter que les confinements drastiques à répétition ont freiné le développement du pays. Les Chinois qui ne veulent pas investir pour épargner, mais pour se loger. Et là, le système de commercialisation des appartements n’est plus adapté comme on va le voir.
L’Etat serre la vis du crédit
Si le gouvernement peut pousser les feux, il peut aussi couper le robinet. Quand les autorités chinoises ont constaté le taux d’endettement des promoteurs immobiliers, notamment lors de l’alerte d’Evergrande (deuxième promoteur du pays qui enregistrait 291 milliards d’euros de dettes), ils ont réduit drastiquement l’accès au crédit.
Les acheteurs lésés
Les acheteurs se sont retrouvés en difficulté. En effet, la plupart des programmes immobiliers sont vendus sur plans (ou en VEFA). Les promoteurs sans accès au crédit n’ont pas pu achever leurs immeubles. Les propriétaires ne peuvent pas les louer (ou les habiter), ils remboursent des traites sans bénéficier des revenus du bien (ou avec un loyer à payer quand même). Les défaillances se sont multipliées tout comme les manifestations. Et dans le même temps les prix baissent. Sur huit mois en 2022, les ventes ont baissé de 30 %.
L’immobilier en Chine va-t-il faire tomber le géant aux pieds d’argile ?
Il y a peu de chance que cela arrive. En effet, la force (et la faiblesse) de cette économie c’est d’être dirigiste. Donc, le gouvernement chinois évitera les faillites des uns et des autres. Même si cela doit passer par des destructions d’immeubles pour réduire l’offre. Ensuite, les collectivités locales et les banques devront mettre en place des mesures pour éviter les faillites des uns et des autres. En revanche, il n’est pas certain que l’épargnant conserve une même passion pour l’immobilier. Une opportunité pour l’or ?
A lire : le dossier publié par la direction du Trésor français sur l’immobilier en Chine.
Le lien de téléchargement vers l’étude complète.