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Avec près de 43% en 2014 (derniers chiffres Insee publiés en mars 2016), en progression constante depuis de nombreuses années (ils étaient 38% il y a 5 ans) les chômeurs de longue durée posent un vrai problème à l’État. Un problème humain, certes, mais aussi et surtout financier. Le législateur a donc accepté de tester une nouvelle mesure qui devrait transformer ces demandeurs d’emploi en salariés intégralement subventionnés par les pouvoirs publics.

Les dépenses publiques liées au chômage ne servent pas à grand chose

Le calcul peut sembler froid et inhumain, mais un chômeur de longue durée (à la recherche d’un emploi depuis plus d’un an) coûte cher à la collectivité. Qu’il s’agisse des allocations chômage, du RSA, de la CMU mais aussi du fonctionnement de Pole Emploi et des organismes en charge de l’insertion professionnelle, des formations, ou même des logements pour les chômeurs, la charge par individu représente environ 15 000 euros par an. Si on ajoute à cela le fait qu’une personne sans emploi, c’est aussi un agent économique qui consomme moins (ce qui signifie moins de TVA), qui ne cotise plus (ou peu) au régime de protection sociale, qui ne paie généralement plus d’impôt sur le revenu et qui finit par moins se soigner, avec à la clef des pathologies plus lourdes à traiter ultérieurement, on arrive facilement à plus de 17 000 euros par an et par chômeur. Tout cela sans que pour autant ces dépenses ne l’aident à retrouver un emploi.

Transformer les chômeurs en CDI… subventionnés à 100%

Devant une telle situation, nombreux sont ceux qui cherchent des solutions plus viables et surtout plus efficaces afin de résoudre, à la fois, le problème du déficit public en matière d’aide à l’emploi, et aussi la question de la remise en activité de plusieurs millions de personnes. Parmi les idées proposées, celle d’ADT Quart Monde semble avoir reçu un écho favorable au sein de la classe politique puisqu’elle a donné lieu à une mesure expérimentale votée par l’Assemblée Nationale en février dernier.

Cette idée consiste à faire embaucher en CDI et au SMIC des chômeurs de longue durée dans des entreprises du secteur social et solidaire pour des travaux forestiers, d’aide à domicile, d’entretien dans les campings municipaux, etc. Particularité du projet : l’intégralité du salaire, charges comprises, sera payé par l’État pendant 5 ans.

Comment est-ce possible ? Tout simplement en réaffectant les dépenses liées au chômage, soit 15 à 17 000 euros par an, comme on l’a vu plus haut, afin de les « transformer » en rémunération, sachant qu’un SMIC coûte quasiment la même somme. Pour l’instant, une dizaine de communes et 2000 demandeurs d’emplois seraient concernés, mais si la mesure est jugée concluante, elle pourrait bien être généralisée à l’ensemble du territoire nationale.

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Un dispositif aux conséquences risquées

Néanmoins, le dispositif suscite quelques critiques, pour ne pas dire des craintes quant à son applicabilité et surtout ses conséquences. Ainsi, la loi interdisant un tel montage, il a été nécessaire de passer par l’Assemblée nationale pour autoriser le test dans le cadre de la loi de 2003 qui permet aux collectivités de déroger à la législation en vigueur. Rien ne dit en revanche que le Conseil Constitutionnel ne trouvera pas à redire sur ce qui reste malgré tout une mesure de déséquilibre de la concurrence. Car, un autre problème soulevé par les observateurs, c’est qu’une telle mesure risque de créer une distorsion de l’offre de services entre les entreprises aux emplois « subventionnés » et celles qui devront embaucher de manière classique.

Ensuite, à l’issue de la période d’expérimentation, un nouveau cadre légal devra être établi pour permettre la généralisation du dispositif, lequel ne pourra toutefois que difficilement s’affranchir du caractère facultatif de la mesure.

N’oublions pas non plus l’importance des syndicats qui risquent de voir d’un mauvais œil l’apparition d’une nouvelle forme de « fonction publique » au rabais. En effet, financer des emplois au SMIC à 100% sur les deniers publics, ça revient plus ou moins à embaucher des agents territoriaux à moindre coût, avec un statut moins avantageux (un CDI peut prendre fin à n’importe quel moment) et surtout avec le risque de préférer cette main-d’œuvre bon marché à celle plus coûteuse des agents titulaires dont les postes pourraient bien ne pas être renouvelés ou maintenus.

Enfin, dernier risque de blocage, les agents de Pôle Emploi, et d’une manière générale tous ceux travaillant dans les organismes chargés d’accompagner les chômeurs dans leur recherche d’emploi, s’inquiètent de l’avenir qui leur est réservé si, justement, on supprime le chômage de longue durée. Un calcul cynique, me direz-vous, mais on a vu les fonctionnaires descendre dans les rues et bloquer le pays pour moins que cela.

Quoi qu’il en soit, les députés de la Droite ont d’ores et déjà indiqué qu’ils ne s’opposeraient pas à la décision. Au pire pratiqueront-ils une « abstention bienveillante »…

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Anthony Alberti
Entrepreneur depuis vingt ans dans le domaine de la communication et l'information stratégique, il a été amené à travailler plusieurs fois en partenariat avec des banques et des assurances, dont la principale matière d'œuvre était constituée de l'argent des épargnants. Peu complaisant à l'égard de leurs pratiques dont il a entrevu les coulisses, il délivre aujourd'hui régulièrement son analyse sans concession (et souvent piquante) non seulement sur les agissements des professionnels de la finance, mais aussi de tous ceux qui, de près ou de loin, se font les auteurs ou les complices des manipulations qui spolient chaque jour un peu plus les honnêtes citoyens.

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