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Avec le retour de l’inflation, le débat est animé entre les différents économistes. Est-ce une inflation durable ? La séquence inflationniste sera-t-elle longue, comme celle des années 70 ? Nous avons posé 3 questions à Dany Lang, économiste post-keynésien, enseignant à l’Université Sorbonne Paris-Nord et membre des économistes atterrés.

Dany Lang. CR @Aucoffre.com

L’inflation en 2022 est-elle la même que celle des années 70/80 ?

Dany Lang : « Dans les années 70, il y a eu les deux chocs pétroliers. On a eu de l’inflation parce qu’on était dans une économie du pétrole pas cher. Et soudain, les prix du pétrole augmentent. A l’époque, l’énergie était marginale dans les budgets des entreprises, ce qui n’est pas le cas en 2020. Mais il y a, pour moi, un autre événement majeur qui provoque la forte inflation dans les années 70 : l’arrêt de Bretton Woods, c’est-à-dire de la stabilité monétaire. En 1971, Richard Nixon prend la décision de mettre fin à la convertibilité du dollar en or. Donc on se retrouve avec un bazar monétaire sans nom. L’inflation est importée par les différences des taux de change. Et puis dans les années 70/80, les salaires suivent l’inflation. Suit le développement du chômage de masse mais aussi, en parallèle, l’émergence d’une classe moyenne. Donc cette inflation n’est pas complétement négative. C’est finalement Paul Volcker patron de la FED qui a tué l’économie … pour tuer l’inflation. A l’époque, il passe de 6 à 19 % les taux d’intérêt ! On est loin des 2 à 3 % des banquiers centraux de 2022. Alors oui, Il y a une similitude parce l’inflation est due à un choc externe mais cela s’arrête là pour l’instant. »   

Aujourd’hui, l’origine de l’inflation n’est-elle pas due à la « planche à billets » qui tourne depuis des décennies ?

Cette inflation est liée au conflit en Ukraine. Avant, il y a eu des augmentations de prix mais elles étaient provoquées par les goulets d’étranglement avec les difficultés de production en Chine (confinements à répétition) et de transport. Il y a donc eu des augmentations opportunistes sur la chaîne de valeur (transport, distribution, etc.) mais aussi un effet de « sur-commandes » de certains.

Quant à la petite musique sur le trop plein de liquidités, la multiplication des aides ou des financements, donc de « la planche à billets » qui provoquerait l’inflation, je ne la partage pas du tout. Si c’était le cas, il devrait y avoir une inflation de 300 % puisque le bilan des banques centrales a été multiplié par 3 depuis 2008. En fait, cet argent n’a pas été injecté dans l’économie productive donc il n’a pas provoqué de surchauffe à part, peut-être, dans l’immobilier.

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L’argent des Banques centrales a nourri l’épargne dont l’immobilier et aussi quelques bulles spéculatives financières autour des crypto-monnaies, par exemple. Comme le disait Keynes, ce n’est pas parce qu’on baisse les taux d’intérêt (voire qu’on les fixe à 0), qu’on augmente l’offre. L’offre augmente seulement si la demande est là, les entrepreneurs ne sont pas idiots, ils ne vont pas investir si leurs carnets de commandes ne se remplissent pas.

Pour vous, quelle est l’évolution pour l’économie dans les années à venir ?

Tout d’abord, l’inflation s’arrêtera en même temps que le conflit en Ukraine. Il n’y a pas de raisons qu’elle se poursuive après. En effet, je ne vois pas du tout l’installation d’une boucle prix/salaire, c’est-à-dire une augmentation des salaires en même temps que des prix. Je pense même que les risques déflationnistes sont plus importants, en ce moment. En effet, la dette privée est énorme. En France, avec le PGE on a permis à des entreprises, qui n’auraient pas dû survivre, de le faire. Elles vont donc s’effondrer dans les mois qui viennent quand elles ne pourront pas rembourser les échéances. Ces défaillances, malheureusement, risquent d’entraîner dans leur chute des entreprises qui se portaient bien. Et là, on entre dans une spirale de crise : les plans sociaux se multiplient, les particuliers ne peuvent plus à leur tour rembourser leurs emprunts ou risquent de moins consommer. La demande baisse.

Ce qui me préoccupe le plus, c’est le risque d’avoir une situation digne des années 20 en Allemagne. Quand les entreprises répercutaient l’inflation sur leurs marges pour ne pas perdre d’argent. Il va donc falloir être très vigilants sur les comportements de certains qui profiteraient de la situation.

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Benjamin Rosoor
Je suis entrepreneur sur le web depuis 1999. Diplômé de l'école de journalisme de Bordeaux, j'ai tout d'abord été journaliste-reporter radio pendant 10 ans. J'anime plusieurs médias sociaux et blogs sur les entreprises, la tech, la finance, le marketing digital.

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