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Voici le premier article de notre dossier sur le thème « Or vs Bitcoin. » En 8 numéros, vous allez découvrir quels sont les points communs et les différences entre la « relique barbare » et « l’or numérique ». Nous débutons en nous attaquant à une question simple : pourquoi, dès l’Antiquité, l’Homme a-t-il assigné à l’or une fonction de thésaurisation ?

200 000 tonnes d’or (et quelques brouettes)

J’ai déjà évoqué ce chiffre qui représente la quantité d’or extraite de Terre par l’Homme au fil des siècles. L’essentiel de ces 201 296 tonnes (pour être précis) qui composent le stock mondial d’or à février 2021 a été extrait à partir de la découverte de métal jaune en Californie en 1848, comme l’illustre ce graphique extrait de mon bouquin.

L’or étant pratiquement indestructible, la pire chose qui puisse lui arriver est qu’on le perde : la quasi-totalité de ce stock de métal (environ 98%) existe donc encore sous une forme ou une autre de manière identifiée. On a l’habitude de représenter la répartition de ces 201 296 tonnes sous la forme d’un cube de 22 mètres de côté.

L’or en-dessus et en-dessous de la surface du sol terrestre

(Légende : Bijoux : 93 251,1 tonnes (46,3%) ; Investissement privé : 44 384,4 tonnes (22%) ; Banques centrales : 34 210,6 tonnes (17%), Autres : 29 448 tonnes  (14,6%) ; Réserves souterraines : 50 000 tonnes (25%))

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Ce qui se passe à la surface du sol ne fait que très peu de mystère. En revanche, dès que l’on s’intéresse à la partie grise du schéma ci-dessus, les choses deviennent un peu plus compliquées.

Attention, les réserves et les ressources, ce n’est pas la même chose !

A notre stock historique d’or viennent s’ajouter les « réserves » minières d’or, qu’il ne faut pas confondre avec les « ressources » d’or.

Les ressources désignent une concentration de matières qui rend l’extraction économique d’un produit « actuellement ou potentiellement réalisable », pour reprendre la définition de l’USGS (United States geological survey – l’Institut d’études géologiques des États-Unis). Ces ressources n’ont pas toutes le même statut sur le plan géologique. Les géologues distinguent notamment entre les ressources identifiées (dont l’existence est mesurée, démontrée ou inférée) et les ressources non-découvertes (dont l’existence est seulement postulée). Cette classification, dont je vous épargne les sous-sous-classes, reflète différents niveaux de certitude sur le plan géologique.

Il faut ensuite distinguer entre ressources et réserves. Je me cantonnerai ici à signaler que là où la notion de ressources est purement géologique, celle de réserves introduit des enjeux industriels puisque les différentes catégories de réserves sont fonction du niveau d’exploitabilité des ressources  (les curieux pourront se référer à l’Appendice X en page 195 de ce document).

Le schéma ci-dessus issu du site du Conseil mondial de l’or ne me semble pas très à jour à ce sujet. En effet, l’édition 2021 du rapport annuel de l’USGS  fait apparaître un stock de 53 000 tonnes de réserves d’or, ce qui représente 26% de nos 201 296 tonnes extraites du sol terrestre à février 2021.

Or : production et réserves minières mondiales (USGS, 2021)

Bientôt plus d’or sous terre ? Pas du tout !

Au rythme de production actuel (près de 3500 tonnes extraites de terre en moyenne au cours des 5 dernières années), cela induit un épuisement théorique des réserves en 2036.

Faut-il pour autant crier à l’épuisement des réserves aurifères ? Pas du tout puisque les notions de ressources et de réserves sont dynamiques : leur réalité évolue dans le temps. Au gré de la prospection minière, de nouveaux gisements sont découverts et viennent s’ajouter aux ressources répertoriées par l’USGS, faisant ainsi reculer d’année en année la perspective d’un épuisement des réserves aurifères terrestres.

Pour vous donner un exemple concret, en 2013, à l’époque où était publié mon livre, les réserves minières aurifères étaient estimées à 51 000 tonnes et l’année d’épuisement théorique était 2030 (contre 2036 aujourdhui).

Ratio stock/flux de l’or et taux d’inflation aurifère

Par ailleurs, avec environ 3500 tonnes d’or extraites du sol chaque année, le taux d’« inflation aurifère » ne se monte qu’à 1,7% par an. Si celui-ci devait doubler d’une année sur l’autre, il ne serait jamais que de 3,4% par an, soit un niveau bien en deçà de l’accroissement de la masse de l’immense majorité des devises papier au cours des dernières années.

On peut également envisager la situation du point de vue opposé : celui de la déplétion des réserves d’or exploitables de manière rentable. En dépit du progrès technique, un jour viendra où ces réserves seront définitivement épuisées. C’est là qu’entreront en jeu les centaines de milliers de tonnes qui constitueront alors le stock d’or mondial à la surface du sol – ce qu’on appelle la demande de réservation.

Dit autrement, le ratio stock/flux de l’or (l’inverse de son taux d’inflation), qui était de 59 en 2020 (50 seulement si l’on retire de l’équation les stocks de métaux industriels, difficilement mobilisables sur le marché) met son cours relativement à l’abri d’un choc d’offre. En tout cas pour le moment.

« L’or ne s’imprime pas » : vraiment ?

On pourrait objecter qu’il n’y a pas que la Terre dans la vie, il y a le reste de l’Univers aussi, et en particulier la ceinture d’astéroïdes ! L’Homme est encore très loin d’être en mesure d’exploiter de manière rentable ces planètes mineures souvent riches en métaux, mais sachez que des sociétés privées investissent des sommes faramineuses à cette fin. Et le jour où Homo Sapiens aura remporté ce défi technologique, la question des réserves exploitables se posera alors dans des termes très différents.  

Même remarque au sujet d’une percée de la recherche scientifique qui permettrait de produire de l’or en laboratoire à un coût rentable. Homo Sapiens n’a pas délaissé ce front depuis que les premiers alchimistes se sont mis en quête de la pierre philosophale.

Je vais cependant laisser ces deux hypothèses de côté puisqu’à ce jour, tout porte à croire qu’elles ne se matérialiseront qu’à long, voire très long terme. Or vous vous souvenez de ce que disait Keynes : « A long terme, on est tous morts. »

D’ailleurs, selon certains, l’or serait confronté à une menace bien plus immédiate.

Le bitcoin va-t-il remplacer l’or en tant qu’instrument de thésaurisation ?

En 2021, la situation reste donc à peu près la même depuis des millénaires : l’or est utilisé pour stocker de la valeur dans le temps en particulier car il bénéficie d’une relative rareté naturelle (et d’une relative abondance au-dessus de la surface du sol) en comparaison d’autres métaux dits « précieux », mais surtout par rapport aux devises fiduciaires.

Seulement voilà, cela fait un peu plus de 10 ans que le métal jaune n’est plus le seul actif ayant pour caractéristique d’être rare. L’avènement de la mère des cryptoactifs date de fin 2008 – début 2009 et son cours a depuis littéralement explosé à la hausse.

Les 21 millions de bitcoins ont-ils vocation à remplacer les quelques centaines de milliers de tonnes d’or présentes sur Terre ? Que voilà une question ô combien importante pour nous autres épargnants…

J’essaierai d’y répondre à partir de la semaine prochaine !

A lundi !

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Nicolas Perrin
Diplômé de l’IEP de Strasbourg, du Collège d’Europe et titulaire d’un Master 2 en Gestion de Patrimoine, Nicolas Perrin a débuté sa carrière en tant que conseiller en gestion de patrimoine. Auteur de l’ouvrage de référence "Investir sur le Marché de l’Or : Comprendre pour Agir", il est désormais rédacteur indépendant. Il s’intéresse au libéralisme, à l’économie et aux marchés financiers, en particulier aux métaux précieux et aux crypto-actifs, sans oublier la gestion de patrimoine. Twitter : @Nikookaburra

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