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Voilà l’été déjà bien avancé. Tandis que les juilletistes regardent avec nostalgie leurs photos de vacances 2019 à l’étranger, les aoûtiens se demandent ce qu’ils vont bien pouvoir faire de leurs congés. Avec mes modestes moyens, je vais essayer de vous faire voyager.

Assez des histoires de banques centrales et de déficits budgétaires, je vous propose cet été une petite virée orientale. Point de départ : la Chine. Destination finale : la Turquie. Nous traverserons naturellement l’Inde, mais aussi la Russie, le Japon et l’Iran. Sans que vous n’ayez à faire la queue à l’aéroport ni à vous soucier des coups de soleil, je vous ferai découvrir les spécificités des marchés de l’or locaux.

Je serai épaulé de deux prestigieux guides touristiques puisque je m’appuierai notamment sur les travaux de Ronald Stöferle et Mark Valek, qui ont intitulé un chapitre de leur rapport In Gold We Trust 2020 : « D’Ouest en Est : le flux de l’or en direction des « mains fortes » asiatiques. »

Avec la mondialisation et l’enrichissement des populations asiatiques, la demande aurifère a basculé d’Ouest en Est

En 2013, alors que j’écrivais mon livre dédié au marché de l’or, je notais déjà au vu du graphique ci-dessous que « La structure géographique de la demande a été profondément bouleversée au cours des trois dernières décennies et l’on assiste à un déplacement de l’or physique de l’Occident vers l’Orient. Toutes catégories confondues (banques centrales, bijouterie et investissement des particuliers), la demande aurifère mondiale est aujourd’hui majoritairement asiatique. »

Répartition de la demande mondiale d’or par région (1970-2010)

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Ce graphique du Conseil mondial de l’or illustre parfaitement de quoi il retourne sur la période 1970-2010. La césure date de l’intégration des économies asiatiques dans le commerce international et de la relative libéralisation de leurs économies, deux facteurs qui ont permis à leurs populations de progressivement sortir de la pauvreté.

Comme nous allons le voir, dix ans plus tard, ce phénomène de déport de la demande depuis les mains faibles occidentales vers les mains fortes asiatiques n’a fait que s’accentuer.

Mais avant de vous faire embarquer pour Pékin, il me semble important de revenir sur la conception occidentale traditionnelle du couple or et argent métal. Cela nous permettra de mieux apprécier les différences culturelles qui distinguent ces sociétés vis-à-vis de l’or.

L’Occident n’a pas toujours considéré l’or comme une « relique barbare » : l’exemple de la Bible

A l’instar de la culture grecque antique, l’Ancien et le Nouveau Testament sont l’un des socles anthropologique et culturel de nos société occidentales. Dans la dernière édition de leur rapport In Gold We Trust, Ronald Stöeferle et Mark Valek (S&V) nous apprennent des choses particulièrement intéressantes au sujet de l’or et de l’argent métal en procédant à une analyse étymologique de ces textes.

Ce chapitre est particulièrement intéressant en cela qu’il montre qu’historiquement, l’or et l’argent n’ont pas eu la même fonction.

Dans la Bible, il existe 8 mots pour décrire l’or : 7 en hébreux dans l’Ancien Testament, et 1 en grec dans le Nouveau Testament.

J’en ai résumé l’étymologie dans ce tableau :

Ce qui me semble important de relever ici, c’est que dans la Bible, « l’or a un but : être le support ultime de la valeur cumulée », résument S&V. Ils en rappellent d’ailleurs la justification : l’or est un métal qui « combine une substance matérielle aux propriétés uniques, et le travail humain nécessaire pour l’extraire et le purifier. » La fonction de l’or est donc la thésaurisation.

L’argent n’a pas la même fonction. Dans l’Ancien et le Nouveau Testament, le terme qui renvoie à l’argent désigne deux choses : 1. l’argent métal ; et 2. l’argent en tant que moyen d’échange, la monnaie si vous préférez. Ce qu’on appelle en Français l’argent et… l’argent. Ce n’est pas le cas par exemple en Anglais, la langue de Shakespeare recourant à deux termes : « money » et « silver ».

C’est ce qui fait conclure S&V que dans la Bible, l’or et l’argent ont chacun leur propre fonction. « Du fait de ses qualités physiques et chimiques, de sa rareté et de sa difficulté à être extrait et purifié, l’or est le support ultime pour accumuler de la valeur et de la richesse. » L’argent est quant à lui un moyen d’échange, c’est lui qui sert dans les flux commerciaux, alors qu’avec l’or on est plus dans une logique de stock.

Ce qui rapproche les deux métaux, c’est que « Selon les principes bibliques, la richesse durable ne peut être construite qu’en utilisant des actifs non conditionnels (c’est-à-dire « sans risque de contrepartie ») », expliquent S&V. Cela renvoie à la formule contemporaine selon laquelle l’or n’est la dette de personne – ce qui est également valable pour l’argent métal.

Pourquoi l’or exerce-t-il un attrait plus fort sur les épargnants germanophones que sur les épargnants francophones ?

Le recours à ces deux métaux précieux pour leur caractéristiques monétaires remonte donc très loin dans la culture occidentale. L’homme n’a pas eu besoin des banquiers centraux contemporains et de leurs planches à billets numériques pour considérer que l’or est le moyen ultime de stocker de la valeur.

Cependant, le métal jaune s’est progressivement démonétisé au fil de XXe siècle. En 1971, le dernier lien qui unissait l’or aux devises étatiques a été rompu par le pays occidental leader, les Etats-Unis. Les banques centrales occidentales ont vendu beaucoup d’or durant les années 2000, et les épargnants américains et européens ont peu à peu délaissé l’or comme instrument d’épargne.

Deux exceptions doivent cependant être notées tant elles sont significatives. Nos voisins Allemands et Autrichiens ont en effet gardé une certaine appétence pour l’or, tant « les horreurs de l’hyperinflation de 1923 (Allemagne) et 1924 (Autriche) font encore partie de la mémoire collective », rappellent S&V.

Le tableau ci-dessous, issu du dernier rapport Gold Demand Trendsdu Conseil mondial de l’or (30 avril 2020), vous permettra de prendre la mesure du décalage culturel entre les pays germanophones et la France (et plus généralement les autres pays européens) et. La différence culturelle est assez extraordinaire puisque le rapport entre la demande d’or allemande et la demande d’or française est selon les années de 1 à 100, alors la population allemande n’est que 24% supérieure à la population française.

Demande de pièces et lingots d’or dans les pays européens (sélection de pays, tonnes)

Ces chiffres illustrent à quel point une crise monétaire est traumatisante…

Ceci posé, nous verrons la semaine prochaine que contrairement à la plupart des Occidentaux, les Chinois n’ont jamais oublié que l’or est la monnaie ultime.

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Nicolas Perrin
Diplômé de l’IEP de Strasbourg, du Collège d’Europe et titulaire d’un Master 2 en Gestion de Patrimoine, Nicolas Perrin a débuté sa carrière en tant que conseiller en gestion de patrimoine. Auteur de l’ouvrage de référence "Investir sur le Marché de l’Or : Comprendre pour Agir", il est désormais rédacteur indépendant. Il s’intéresse au libéralisme, à l’économie et aux marchés financiers, en particulier aux métaux précieux et aux crypto-actifs, sans oublier la gestion de patrimoine. Twitter : @Nikookaburra

1 COMMENTAIRE

  1. Intéressant, mais n’oublions que l’argent en 2020 a plus qu’une valeur commerciale d’échange, c’est une matière première présente dans de nombreux appareils et composants. A l’instar de l’or on consomme l’argent, ce qui n’est pas le cas de l’or. Ancien ou Nouveau testaments ne font pas état de cela bien évidemment.
    Aussi, une ressources qui se raréfie devient plus chère. En 2010 on prévoyant un épuisement des ressources en argent d’ici 15 à 20 ans, on y arrive vite ou les chiffres ont changés.

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