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10 ans après la crise de 2007, le mensonge est devenu une sorte de norme rassurante. Pour la sortie de son ouvrage « Fake News, Post-Vérités & autres écrans de fumée », je me suis entretenu avec Philippe Béchade* sur cette inquiétante normalisation de l’erreur. Banques centrales, Grèce, bitcoin, or physique, vrais et faux signaux, dangers pour l’épargne… Philippe Béchade sépare le bon grain de l’ivraie. Entretien garanti sans langue de bois !

  1. Quel est le rôle officiel des banques centrales aujourd’hui ? Et leur rôle officieux ?

Philippe Béchade – Officiellement, le rôle de la BCE est de garantir la stabilité monétaire et celui de la FED (banque centrale américaine) de veiller au bon déroulement de la croissance économique et de soutenir l’emploi.

Officieusement, les banques centrales sont les otages des banques systémiques qu’elles inondent de liquidités sous forme de rachat de titres, du cash qui ne profite pas à l’économie réelle. Leur rôle est de complaire aux banques et de créer des bulles d’actifs.

“Le rôle des banques centrales est de créer des bulles d’actif”

  1. Pouvez-vous donner un exemple d’écran de fumée actuel ?

Philippe Béchade – Pour moi, le plus nocif, c’est celui de la banque centrale qui s’exprime en écartant le risque déflationniste, qui assure que le cycle de croissance est lent mais durable. En fait, il s’agit d’une croissance achetée à crédit.
La BCE tente de nous faire croire en la réduction de la défragmentation de la dette alors que les déséquilibres n’ont jamais été aussi importants au sein de la zone euro. L’encours de l’Espagne est abyssal par rapport à celui de l’Italie et on évite de trop parler des excédents de l’Allemagne. Un autre écran de fumée, aux Etats-Unis celui-ci, est celui de la résorption du chômage.

  1. Que pensez-vous de la situation de la Grèce qui dernièrement est revenue sur les marchés à grands coups d’austérité ?

Philippe Béchade – Je pense qu’en Grèce, la situation est désespérante et désespérée. A force de raboter dans les dépenses sociales, les salaires des fonctionnaires et d’avoir tout, absolument tout privatisé, la Grèce est toujours en récession économique.
L’absence de soins médicaux, l’augmentation de la prostitution… Ce sont les “symptômes” visibles d’un pays en récession. Sans croissance, sans aucun vecteur de richesse, il ne reste à la Grèce que les dettes.
Pour moi, le faux signal le plus emblématique, c’est le “retour de la Grèce sur les marchés”, qui est une mascarade. L’Union Européenne était bien obligée d’opérer ce retour forcé, sans quoi le FMI se retirait de la troïka.

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“Si l’on arrête de vivre à crédit, le système s’effondre”

  1. Qu’est-ce qui a changé depuis la crise il y a 10 ans ?

Philippe Béchade –  Rien, dans le sens où il règne le même état d’esprit infantile qu’en 2006/2007. Il y a 10 ans, tout le monde voulait le crédit à la consommation. Aujourd’hui, on n’a pas d’autre choix que de prêter à crédit. Résultat, nous sommes (encore) dans une bulle et cette fois dans tous les domaines. Nous vivons une réplique de la crise des économies émergentes de 1998 + la bulle internet de 2000 + la crise financière de 2008. On peut ajouter la bulle immobilière qui sévit au niveau mondial (notamment en Chine), la bulle automobile, des emprunts étudiants aux Etats-Unis et le surendettement des pays en voie de développement. En clair, si l’on arrête de vivre à crédit, tout s’effondre.

  1. Par rapport à votre expérience à la Corbeille comme agent de change, quel est le vrai changement apporté par la cotation électronique en 1987 ?

Philippe Béchade –  C’est l’automatisation des ventes des paniers d’actions, indispensable pour créer la cotation d’indices. Cette automatisation des échanges est de plus en plus répandue, elle gère à la fois les achats et les ventes. Il n’y a plus d’interaction humaine avec les marchés, on le constate avec la montée en puissance des ETFs sur indices, il en existe à peu près 6000 actuellement.
Le problème de cette automatisation aveugle est qu’elle crée la tendance, que les marchés suivent tout aussi aveuglément.

  1. Quelles conséquences a eu ce changement pour le monde de la finance ?

Philippe Béchade –  La virtualisation. Les marchés sont devenus des machines à produire des prix, ils ont perdu leur rôle qui consistait à déterminer une valeur utile pour le plus grand nombre d’opérateurs et sont devenus complètement déconnectés des prix réels.

  1. Outre le défaut et la transparence d’information qui représente un véritable danger pour la démocratie, quelles sont les conséquences directes des fake news en “cols blancs” sur l’épargne et l’investissement des particuliers ?

Philippe Béchade – Il n’y a plus de rendement pour l’épargnant. Avant, on pouvait obtenir du rendement sans risque. Aujourd’hui, c’est fini, on a du risque et sans rendement.

  1. Et pour le Bitcoin, est-ce différent ?

Philippe Béchade – Le bitcoin aussi est régi par des robots. Pour citer Warren Buffet, “Si je ne comprends pas, je n’investis pas”. Pour moi on est sur un plancher avec le bitcoin.

“L’erreur est devenue une sorte de norme et apporte un sentiment de sécurité.”

  1. Quels conseils donneriez-vous aux particuliers qui souhaitent épargner en toute sécurité aujourd’hui ?

Philippe Béchade – L’argent créé par les banques centrales est virtuel. Pour stocker son épargne, la conserver, sans le risque qu’elle disparaisse en une nuit, c’est d’acheter de l’or physique et de l’argent métal.
Des commodities telles que Saint Gobain ou L’Oréal ne sont pas mal, mais aujourd’hui elles sont hors de prix. Actuellement avec les taux bas, le risque est très cher et avec l’automatisation des échanges, il n’existe presque plus.
Il n’y a pas d’autre refuge que l’or et l’argent. On veut nous faire croire, à tort, que les obligations corporate sont considérées comme refuge depuis 2007, il n’en est rien. L’erreur est devenue une sorte de norme et apporte un sentiment de sécurité.

Il n’y a pas d’autre refuge que l’or et l’argent.

  1. Où peut-on chercher de véritables informations économiques et financières aujourd’hui ?

Philippe Béchade – On peut trouver de bonnes informations dans les graphiques d’analyse. L’indice VIX [NDLR : indice de volatilité ou indice de la peur] est un bon indice contrarien.

Le paradoxe est qu’à chaque crise, il est au plus bas ! Pour moi, il représente l’absence de l’illusion de vivre sans risque. On constate qu’il était au plus bas en 1993, 2 mois avant le krach de 1993, pareil en 1998, en 2000… Cette année, pour la 1e fois, il était au plus bas (inférieur à 10) la semaine du 21 au 27 juillet, je vous laisse en tirer les conclusions qui s’imposent.

Sinon je préconise évidemment la lecture d’actus économiques différentes et approfondies, la Chronique Agora bien sûr et d’être curieux. Ne pas hésiter à lire les articles des chroniques de la presse étrangère telles que celles de Straits Times [NDLR : en anglais].
La presse française est incroyablement microcosmique et centrée sur elle-même.

*Philippe Béchade est rédacteur en Chef de la lettre d’investissements géostratégiques Béchade Confidendiel. Pour commander le livre Fake News et essayer sa lettre, cliquez ici.

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Jean-François Faure
Jean-François Faure. Président d’AuCOFFRE.com. Voir la biographie.

2 Commentaires

  1. Quand je lis la source reprise en lien sur l’indice VIX, ils disent l’inverse : le risque se situe aux pics de volatilité, donc lorsque l’index est au plus haut. Et non au plus bas. Il était à presque 80 en 2008 (crise des subprimes). Il est à 10 ce jour.

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