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Avec l’adoption de la loi Sapin 2, l’AMF pourra interdire en France tout placement qui ne lui conviendrait pas…

Voilà typiquement une excellente idée sur le papier qui, en pratique, pourrait rapidement se transformer en formidable source d’abus de la part de l’administration centrale. En effet, le 8 novembre dernier, l’Assemblée nationale a définitivement adopté la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, plus connue sous le nom de « loi Sapin 2 » (il y avait eu une première loi Sapin en 1993), et cette loi emporte avec elle un certain nombre de mesures destinées officiellement à protéger les consommateurs ainsi que les épargnants.

Interdire les investissements risqués pour l’épargnant moyen ?

Parmi ces mesures, il y en a une qui semble n’avoir soulevé aucune contestation notable et par laquelle l’Autorité des marchés financiers (AMF) a désormais « la capacité juridique d’interdire la publicité pour certaines catégories d’instruments financiers, proposés par des sites internet, et qu’elle juge dangereux. » Pourtant, cette petite phrase anodine s’inscrit dans une logique de restriction des libertés à l’encontre des épargnants, même si sa légitimité de façade est assurée par la volonté d’éviter que des particuliers se fassent « piéger » par des outils de placements qu’ils ne maîtrisent pas. Car tout réside dans la latitude qui est laissée à l’AMF de « juger » si un placement est dangereux ou non.

Mieux encore, à partir du 1er janvier 2018, dans le cadre de la directive européenne sur les marchés d’instruments financiers, l’AMF pourra carrément interdire la commercialisation (en non plus seulement la publicité) de tout produit financier qu’elle jugera non conforme à ses critères.

Un prétexte pour masquer une stratégie plus globale ?

Et là, on peut d’ores et déjà deviner la trame qui sous-tend cette décision, laquelle répond parfaitement au plan d’ensemble visant à contraindre les investisseurs à mettre leur argent là où politiques et banquiers en ont le plus besoin, plutôt que là où ce serait plus judicieux du point de vue des épargnants. On peut d’ailleurs s’attendre à un maintien des taux d’intérêt du livret A en 2017, en dépit du niveau de rémunération de cet instrument populaire déjà bien trop élevé au regard des taux directeurs actuellement en vigueur.

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Alors, certes, les plaintes se sont récemment multipliées contre certains professionnels peu scrupuleux qui proposaient la fortune au bout des doigts grâces aux options binaires ou au « Forex ». Et nombreux sont les particuliers qui y ont perdu leur chemise, voire celle de leurs proches dans la foulée. Mais, même si les documents du ministère de l’économie prennent ces deux produits bien spécifiques en exemple pour justifier la main-mise de l’AMF, l’article 28 de la loi Sapin 2 instaure plus largement un mécanisme d’interdiction de la publicité à destination des particuliers portant sur certains contrats financiers hautement spéculatifs et risqués. Reste maintenant à savoir ce que l’AMF considèrera comme « hautement spéculatif et risqué ».

Un domaine d’application susceptible d’interprétation

Ce que l’on peut tout de suite prédire, c’est que le marché actions ne sera très certainement jamais inquiété sur ce point, alors même que, si un secteur d’investissement s’est révélé « hautement spéculatif et risqué » ces dernières années, c’est bien celui des actions.

Mais allons plus loin : qu’est-ce qui empêchera désormais les autorités d’interdire purement et simplement un produit d’investissement qui contreviendrait à leurs visées politiques et stratégiques ? On sait que les contrats d’options binaires ainsi que ceux qui proposent un investissement direct ou indirect sur le « Forex » sont directement visés. Mais les contrats financiers à différentiel (CFD) aussi, en raison de leur effet de levier, et certains spécialistes supposent que ce sera également le cas pour les placements en diamants, en émeraudes, en œuvres d’art, ou bien encore dans le vin, la forêt, les terres rares, etc. Le journal Les Échos en a même récemment tiré une sorte de liste à la Prévert. Bref, un peu tout et n’importe quoi, du moment que ça peut entrer dans la catégorie des « biens divers » sur lesquels l’AMF n’avait jusqu’ici aucun pouvoir, du fait de leur nature non financière.

Dorénavant, il lui sera possible de les interdire avant même leur lancement, car toute entreprise souhaitant commercialiser ce type de produit d’investissement devra préalablement, et systématiquement, fournir à l’AMF un document d’information, afin que cette dernière puisse juger de la légitimité dudit placement selon ses propres critères.

L’or et l’argent sont-ils menacés ?

Cette question brûle en effet les lèvres de certains d’entre nous. Par nature, l’or d’investissement, comme l’argent, n’est pas un placement spéculatif et il y a donc peu de risques que l’AMF intervienne sur ce secteur, d’autant que certaines officines publiques sont les premières à proposer des pièces en métaux précieux directement aux particuliers. En réalité, il est même possible que l’or et l’argent bénéficient quelque peu de la Loi Sapin 2, en ce sens qu’ils pourraient bien séduire à nouveau tous les investisseurs qui les avaient désertés au profit de ces nouveaux placements atypiques désormais sur la sellette.

Concrètement, les prix de l’or ou de l’argent « bruts » ne varieront sans doute pas vraiment, mais le cours de certaines pièces pourrait bien s’envoler avec un net renchérissement de leur prime. Une raison de plus pour préférer cette forme d’investissement en métaux précieux au bête lingot qui ne vaut pas plus que son poids net.

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Anthony Alberti
Entrepreneur depuis vingt ans dans le domaine de la communication et l'information stratégique, il a été amené à travailler plusieurs fois en partenariat avec des banques et des assurances, dont la principale matière d'œuvre était constituée de l'argent des épargnants. Peu complaisant à l'égard de leurs pratiques dont il a entrevu les coulisses, il délivre aujourd'hui régulièrement son analyse sans concession (et souvent piquante) non seulement sur les agissements des professionnels de la finance, mais aussi de tous ceux qui, de près ou de loin, se font les auteurs ou les complices des manipulations qui spolient chaque jour un peu plus les honnêtes citoyens.

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