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Les parlementaires du plus petit pays d’Amérique du Sud viennent de voter une loi interdisant l’extraction par tous moyens d’or et de métaux en général. Cette décision intervient dans un contexte officiel de protection de l’environnement.

Officieusement, la raison est plus complexe et serait liée à un conflit opposant les autorités du pays à la société minière Pacific Rim Cayman, désormais filiale du groupe australo-canadien OceanaGold Corporation. Il y a une douzaine d’années, en effet, la Pacific Rim avait obtenu une concession minière très prometteuse à 65 km au nord-est de la capitale du pays, dans une région judicieusement appelée El Dorado (« le doré« ) en référence à l’or qui s’y trouvait. Et c’est vrai que les quantités de métaux précieux avaient de quoi faire saliver, avec 1,5 million d’onces d’or estimées ainsi que 11,4 millions d’onces d’argent.

Un litige commercial à l’origine de la décision

Sauf que le gouvernement du Salvador tarde à délivrer les précieuses autorisations d’exploitation sans lesquelles la Pacific Rim ne peut pas récupérer la moindre once d’or ou d’argent. Et quand, en 2008, face aux risques environnementaux liés à l’utilisation de cyanure dans le processus d’extraction, le pays décide de geler les contrats d’exploitation en cours, la société minière voit rouge. Elle réclame alors 284 millions de dollars au gouvernement du Salvador pour avoir failli à son obligation de délivrer les autorisations qui auraient pu permettre à la compagnie de rentrer au moins dans ses premiers frais.

Huit ans plus tard, en octobre 2016, après une première décision en sa faveur en 2010 accordée par le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements, la Pacific Rim (rachetée depuis par OceanaGold Corp.) est finalement déboutée de sa demande en appel, et le gouvernement du Salvador se voit même attribuer une indemnisation de 8 millions de dollars pour couvrir les frais de procédure (sur les 12 millions engagés par ce pays parmi les plus pauvres du monde pour se défendre).

Nombreux sont ceux qui pensent que cette décision n’est pas conforme au droit international, et notamment aux différents traités commerciaux liant le Salvador aux autres pays du globe. Et la société se prétendant flouée s’estime légitime à ne pas lâcher l’affaire pour faire plier le petit pays récalcitrant.

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Une procédure abusive de la part de la société minière

Mais pour les association de protection de l’environnement, cette attitude de OceanaGold est toute simplement abusive. « C’est l’un des trop nombreux exemples où une société minière canadienne a eu recours au processus d’arbitrage international dans le but d’intimider un gouvernement pour un projet minier qui n’a pas l’appui de la communauté et qui ne satisfait pas aux exigences réglementaires ou légales », a commenté Jen Moore, de Mines Alerte Canada. « En revanche, les pays ou les populations des zones touchées n’ont aucun moyen réel pour demander des comptes à ces sociétés pour les dommages graves et systématiques résultant de leurs activités. »

« Une société minière qui se dit responsable ne devrait pas avoir recours à ce genre de mécanisme pour obliger un gouvernement à faire ses quatre volontés », a ajouté Keith Slack d’Oxfam America. « Un pays comme le Salvador a le droit de dire non aux minières sans craindre de s’exposer à des poursuites. »

Et c’est donc pour mettre définitivement un terme aux pressions des compagnies qui veulent exploiter ses richesses naturelles au détriment de la sécurité des populations ou la protection de l’environnement, que le pays a finalement décidé d’interdire purement et simplement toute exploitation minière de métaux. En revanche, l’interdiction ne s’applique pas à l’exploitation de ressources non métalliques, comme le sel par exemple, qui ne nuisent pas aux ressources en eau ni n’exacerbent les tensions sociales.

« L’exploitation minière n’est pas un moyen approprié de réduire la pauvreté et l’inégalité dans ce pays », a déclaré dans un communiqué Ivan Morales, directeur de l’organisme Oxfam au Salvador. « Cela ne ferait qu’exacerber le conflit social et le niveau de contamination de l’eau que nous avons déjà. » Car en effet, selon les Nations Unies, le Salvador est l’un des pays les plus densément peuplés du continent américain, ce qui le rend particulièrement sensible aux grands projets miniers, mais aussi le deuxième plus pollué après Haïti.

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Anthony Alberti
Entrepreneur depuis vingt ans dans le domaine de la communication et l'information stratégique, il a été amené à travailler plusieurs fois en partenariat avec des banques et des assurances, dont la principale matière d'œuvre était constituée de l'argent des épargnants. Peu complaisant à l'égard de leurs pratiques dont il a entrevu les coulisses, il délivre aujourd'hui régulièrement son analyse sans concession (et souvent piquante) non seulement sur les agissements des professionnels de la finance, mais aussi de tous ceux qui, de près ou de loin, se font les auteurs ou les complices des manipulations qui spolient chaque jour un peu plus les honnêtes citoyens.

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