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Comme chaque mois, nous interviewons Charles Sannat, Directeur des études économiques d’AuCOFFRE.com, sur un sujet d’actualité. Que penser des élections dans ce contexte de crise ? La vraie question n’est pas, « Qui l’emportera ? » mais plutôt « Comment s’en sortira-t-il ? ».

La presse a beau vouloir camoufler de son mieux les actus du front de la crise pour faire la part belle aux élections : les mauvaises nouvelles sont là. Et elles n’épargnent ni le candidat de droite, ni le candidat de gauche. Avec une croissance inférieure aux taux d’intérêt que doivent rembourser plusieurs pays aux banques, le spectre de la récession plane sur l’Espagne, la Grande-Bretagne… Pourquoi épargnerait-elle la France ? C’est un dur chantier qui attend le candidat « gagnant ».

Peu importe que ce soit la gauche ou la droite qui l’emporte, nous confie Charles Sannat, ce n’est pas le capitaine du bateau France le problème, c’est le bateau lui-même. On change un peu les cosmétiques marketing mais quel que soit le futur président, les marchés vont demander les mêmes choses à la France.

Faire face à la rigidité du marché du travail : un vrai défi
Il va y avoir une forte libéralisation du marché du travail français. Un rapport publié par la société Chevreux pour le Groupe Crédit Agricole le 08 mars dernier mettait en exergue cette problématique à laquelle le candidat socialiste en particulier devait faire face.
La rigidité du marché du travail signifie deux choses :
Elle représente la fin d’avantages, et au niveau du temps de travail (fin des 35h, recul de l’âge de la retraite), et au niveau de la sécurité de l’emploi (avec la fin du CDI, des primes de licenciement).
C’est exactement ce qui se passe déjà en Espagne, en Italie et ce que la Grèce a déjà appliqué massivement.
Il n’y a pas 36 solutions : soit on met fin à ces avantages, soit on quitte la zone euro avec les conséquences que cela implique, et aucun des deux candidats ne le souhaite.
Cela posera un problème en particulier à François Hollande, sans aucun jugement de valeur, car il est prisonnier de ses promesses et du Front de Gauche. S’il ne les tient pas, il prend un risque, le peuple mécontent peut s’inviter dans les débats pour défendre ses acquis sociaux. Et la grogne française pourrait avoir bien plus d’ampleur qu’en Grèce où la situation est catastrophique. On court donc le risque d’un troisième tour social très rapidement.

Y’a-t-il de « bonnes » dépenses à réduire ?
La deuxième conséquence de la libéralisation accrue du marché du travail est une politique de rigueur. Là encore, il n’y a pas le choix : il va falloir baisser les dépenses et augmenter les recettes.
Le problème est qu’il n’y a pas de « bonnes » dépenses à baisser.
Par exemple, si l’on choisit de ne pas soutenir l’immobilier avec des prêts intéressants, cela va entrainer un problème de solvabilité des acquéreurs et le système bancaire va finir par se gripper. On pourrait se retrouver dans la même situation que les Etats-Unis.
Supprimer le RSA est impossible, c’est une aide sociale qui permet de subvenir aux besoins minimaux d’une population défavorisée, et de maintenir ainsi un calme relatif.
Là encore, il ne s’agit pas de juger mais de prendre en compte des réalités indiscutables.

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Réduire les dépenses des retraites ? Il y a deux chiffres à retenir :
– 1,42 : en 2010, c’est le nombre d’actifs pour un retraité. Le problème ne se pose pas pour dans 20 ans mais pour maintenant.
– 300€ : c’est l’écart entre le salaire moyen des actifs et ce que perçoivent les retraités. En clair, comment les enfants qui gagnent en moyenne 300€ de moins que leurs parents inactifs peuvent payer leurs retraite ? C’est un problème très complexe que l’on ne peut éluder.

Diminuer les dépenses militaires ? C’est une idée qui peut séduire un plus grand nombre, mais on ne peut pas écarter le fait que la France a un certain nombre d’obligations et de contingences engagées. Sans être pro-militariste, il y a besoin de sécuriser le pays, les conflits sont réels. Sans compter que cela représente un enjeu économique non négligeable. Certaines suppressions logistiques créeraient du chômage, ce n’est pas si simple que ça.

Augmenter les impôts
? Il n’y a pas de secret, en taxant 75% du surplus de revenus dépassant 1 million d’euros par mois, cela ne ferait rentrer que quelques millions d’euros là où le déficit de la dette française atteint plus de 1720 milliards d’euros.
La seule solution est donc de taxer la classe moyenne qui représente l’écrasante majorité du pays (petits salariés, professeurs…). On est obligé d’augmenter les impôts pour réduire le déficit public.

En aucun cas les deux candidats ne remettent en cause le fait de payer la dette.

Jacques Attali qui embrasse une vision globale de la politique française et européenne, propose un moratoire sur les dettes en multipliant par 3 la durée de remboursement de la dette, soit de l’ensemble des crédits.

On traverse une crise d’endettement massive sans croissance. Pour payer la dette, il existe 4 solutions :
1/ On ne paie pas (cela entrainerait la ruine des épargnants).
2/ On rééchelonne la dette et on paie sur une plus longue durée.
3/ On gagne plus, or de la croissance il n’y en a pas, il n’y a pas de retour possible à la croissance.
4/ L’inflation : nous en Europe, on a choisi de ne pas faire de création monétaire, ou du moins très peu par rapport aux Etats-Unis.

X3 la durée de remboursement des crédits ?
En optant pour le rallongement de la durée de remboursement des crédits, on redonne du pouvoir d’achat car les mensualités sont divisées par 3. On paierait un crédit de 300€ par mois au lieu de 1000€, cette solution est génératrice d’inflation mais permettrait de libérer des liquidités pour les ménages.

Au lieu de rembourser en 30 ans un prêt immobilier par exemple, on le rembourserait en 60 ans. Cela implique bien sûr un problème de durée et de mise en œuvre : qui va se porter garant ? Qui va continuer de rembourser une fois décédé ?

Alors, comment fait-on pour rembourser des dettes qu’on ne peut pas payer ? Tout l’enjeu est là. Ce que demandent les marchés financiers, ils peuvent toujours le demander, mais ça n’y changera rien car il n’y a pas de croissance.

Fin de la croissance infinie dans un monde fini
Faire de la croissance infinie dans un monde fini, c’est fini ça ! On voit la fin du système car nous sommes confrontés à un problème démographique mondial. Cette donnée dépasse le petit cadre de la France et de ses élections présidentielles qui ne répondent pas au vrai problème.
François Hollande et Nicolas Sarkozy se passionnent à juste titre pour cette élection, mais ça ne changera rien à ce qui se passera dans les mois à venir.

Merci à M. Sannat de nous avoir accordé cet entretien sur les véritables enjeux des élections présidentielles, sans avoir porté de jugement de valeur sur l’un ou l’autre candidat en lice.
Tirons-en les enseignements prudents qui s’imposent sans sombrer dans le catastrophisme ! Le message est suffisamment clair pour comprendre que la vraie bataille que se livrent l’un et l’autre partis ne se situe pas au niveau électoral mais mondial et qu’elle sera dure à remporter. Non, on ne peut pas échapper à la crise mais il y a plusieurs moyens de sécuriser ce que l’on possède déjà, en déplaçant une partie de ses économies dans l’or, seul actif tangible à résister à l’inflation et à remplir son rôle de conservateur de valeur en cas de faillite bancaire et d’état.

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Jean-François Faure
Jean-François Faure. Président d’AuCOFFRE.com. Voir la biographie.

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