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En guerre avec l’Ukraine depuis pratiquement deux ans, la Russie ne semble pas souffrir économiquement. Et pourtant, quelques jours après le déclenchement de « l’opération spéciale » de Poutine, les sanctions économiques ont été prises contre la Russie. Comment une telle résilience a-t-elle été possible ? Les réponses de Jacques Sapir, économiste, spécialiste de l’économique russe (et soviétique).

Les sanctions économiques occidentales ont-elles eu un effet sur l’économie russe ?

Jacques Sapir : L’économie russe a été impactée par les sanctions au deuxième et troisième trimestre 2022. Mais finalement assez peu puisque ce pays n’a jamais été coupé du commerce extérieur. Il a toujours pu exporter. L’Union européenne a d’ailleurs continué à lui acheter du gaz et du pétrole parce qu’on ne coupe pas du jour au lendemain des relations aussi étroites. Il y a d’autres pays qui se sont substitués aux clients occidentaux, en particulier la Chine.

Les exportations ont baissé d’environ 4 ou 5 %. Mais l’inflation, la hausse des prix est venue compenser en valeur cette baisse.

Et pour les importations, cela s’est passé comment ?

Jacques Sapir : La Russie a continué à importer malgré les sanctions. Bien évidemment, elle a dû trouver des schémas de contournement des flux habituels. Très rapidement, les circuits d’importations ont été modifiés. Aujourd’hui, en valeur, le niveau des importations dans ce pays est au niveau de celui qu’il était au premier trimestre 2022. En termes de qualité, sur tous les composants électroniques et notamment les puces, il y a des fournisseurs qui ont accepté de poursuivre leur travail avec les industriels russes. Par exemple, la Malaisie, 4ème producteur de puces mondial, n’a pas rompu ses relations commerciales. En fait, les Russes, fournisseurs du gaz nécessaire à la fabrication des composants électroniques avaient une monnaie d’échange. Et c’est le cas avec de nombreux pays. La seule différence c’est peut-être le nombre d’intermédiaires qui a augmenté.

Peut-on parler de résilience de l’économie russe ?

Jacques Sapir : Il y a eu une sorte de réaction interne des entrepreneurs pour poursuivre leur activité. Ce mouvement est porté par les patrons de PME/PMI, il a été accompagné par le gouvernement. Le modèle économique a changé. C’est bien une résilience des dirigeants privés.

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Ils ont remplacé les acteurs occidentaux

On a vu partout l’exemple de Mc Donald qui s’est retiré du pays. Immédiatement, une entreprise locale a repris le flambeau, les Russes n’ont pas manqué de hamburgers. C’est évidemment anecdotique. Mais prenons l’exemple de l’industrie automobile. Quand Renault est parti, il y a eu une petite défaillance du marché mais très rapidement, les Chinois ont pris la place. Et pour certaines pièces importées, les entrepreneurs locaux ont regardé s’ils ne pouvaient pas produire des boîtes de vitesse ou d’autres éléments pour entretenir les véhicules présents sur le territoire. Ainsi, on voit que la production d’automobiles en septembre 2023 est revenue au niveau de 2019 et que la production de véhicules utilitaires, de camions est même plus importante.

Pourquoi une telle reconstitution des stocks d’or par la banque centrale de Russie ?

Jacques Sapir : Selon moi c’est transitoire. Il faut dater ce mouvement à 2008. Les dirigeants de la finance à Moscou ont très mal vécu la gestion de cette crise par les Américains. Pour eux, on ne peut pas faire confiance aux États-Unis, donc au dollar. Il s’agit d’acheter de l’or pour éviter d’acheter du dollar et de l’euro… en attendant qu’une autre monnaie remplace le dollar. Cela sera peut-être une monnaie virtuelle ou des droits de tirage spéciaux au FMI. Alors oui, ces rachats d’or sont spectaculaires mais ils ne dépassent pas 20 % des réserves monétaires. On note que le yuan représente environ 45 % des transactions monétaires en Russie. Donc il y a bien un dédollarisation de la place de Moscou.

Rencontre annuelle 2023 AuCOFFRE.com : L’économie y survivra-t-elle ?

Retrouvez l’interview complète de Jacques Sapir pendant la rencontre annuelle d’auCOFFRE.Com du 27 novembre au 2 décembre 2023.

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Benjamin Rosoor
Je suis entrepreneur sur le web depuis 1999. Diplômé de l'école de journalisme de Bordeaux, j'ai tout d'abord été journaliste-reporter radio pendant 10 ans. J'anime plusieurs médias sociaux et blogs sur les entreprises, la tech, la finance, le marketing digital.

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