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La nouvelle a de quoi surprendre, et pourtant, 40 millionnaires résidant dans l’Etat de New York ont bel et bien demandé à leur gouverneur, Andrew Cuomo, ainsi qu’aux hauts responsables de l’Etat d’augmenter les impôts des citoyens les plus riches. Reste à comprendre pourquoi…

Dans le pays de l’argent roi, la solidarité deviendrait-elle une valeur à la mode auprès des plus aisés ? C’est en tout cas aux motifs d’une plus juste répartition des richesse que cette énième manifestation de générosité vient faire le buzz à quelques mois des élections présidentielles. Mais, ne nous leurrons pas, le timing n’est pas anodin.

Une première tentative en 2011

Certes, il y a cinq ans déjà, le milliardaire Warren Buffett avait défendu l’idée d’accroître la charge fiscale sur les plus riches (dont il faisait partie) afin de rééquilibrer l’effort national consenti par l’ensemble des Américains. En effet, selon lui, au-delà même des montants collecté, les impôts représentent toujours une charge plus importante pour les plus pauvres, au regard de leurs revenus : prélevez 80% des revenus annuels d’un milliardaire et il lui restera toujours largement de quoi assurer son train de vie fastueux ; mais réduisez simplement de 10% les revenus d’un ménage modeste et il sera peut-être alors dans l’impossibilité de payer son loyer en plus de ses dépenses quotidiennes.

En 2016, les motivations ont changé

Sur le principe, l’intention est donc louable, mais en 2016, peut-être faut-il chercher ailleurs la motivation des millionnaires new-yorkais ; par exemple, dans la guerre intestine que se livrent les candidats républicains, en marge de la querelle habituelle qui les oppose généralement aux démocrates. Car cette année, le candidat républicain le plus à même de remporter l’investiture populaire n’est autre que Donald Trump, un individu grossier, xénophobe, mysogyne, ultra-nationaliste à la limite de l’extrémisme, et qui surfe sur une insécurité citoyenne latente pour mieux distiller son discours populiste et réactionnaire. En clair, le genre de personnage dont l’Amérique n’a vraiment pas besoin en ce moment et qui a donc réussi à se mettre à dos, non seulement les Démocrates (ce qui est « normal ») mais aussi et surtout une bonne partie de son camp politique des Républicains.

L’ennui, c’est que tout milliardaire qu’il est, Donald Trump a réussi à séduire une majeure partie des classes moyennes, voire populaires, qui constitue la base immuable de l’électorat républicain attaché aux valeurs historiques des États-Unis. Et à grands coups de punchlines, de phrases choc et de démonstrations publiques en tous genres, l’homme a su entrer dans les foyers de ceux qui n’acceptent toujours pas l’idée d’une Amérique qui n’est plus le centre du monde.

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Séduire les classes moyennes traditionnelles

C’est donc sur cette population que les efforts doivent être concentrés pour mieux éliminer le risque de voir un jour Donald Trump à la Maison Blanche. Et qui mieux que ses « homologues » super-riches pour lui couper l’herbe sous le pied ? Il cherche à séduire l’Américain moyen ? Qu’à cela ne tienne, montrons aux citoyens que les vrais patriotes, mêmes les plus riches, ont une autre vision de l’Amérique, plus égalitaire, plus juste et plus responsable. Pas cette Amérique « white powered » qui sent un peu trop fort la ségrégation raciale et l’exploitation des plus faibles par les plus forts. Car les États-Unis ont beau être un pays libéral (voire ultra-libéral), les Américains n’en sont pas moins épris de justice et de moralité… même si leur vision reste souvent très naïve en la matière.

C’est pourquoi, le discours de ces millionnaires risque fort de faire mouche auprès de tous ceux qui seront sensibles au fait que l’Amérique de Trump n’est finalement pas l’Amérique dont ils sont nostalgiques. Et ils se retrouveront peut-être davantage dans les valeurs défendues par ces représentants de la réussite Américaine (oui, car aux USA, être riche n’est pas un défaut…) qui demandent qu’on les impose davantage afin de dégager des fonds supplémentaires qui pourront ensuite être utilisés pour lutter contre la pauvreté des enfants, aider les sans-abris et restaurer l’infrastructure routière par exemple.

Peu de chance que les actes suivent les mots

Possible aussi que cela serve la soupe aux Démocrates, dont la sensibilité politique est traditionnellement plus « sociale », mais aujourd’hui, même certains Républicains se disent désormais prêts à appuyer la candidature d’Hillary Clinton en dernier recours plutôt que de voir Donald Trump accéder à la fonction suprême. Une situation toutefois particulièrement improbable dans un pays qui considère le bipartisme au moins aussi fondamental que la religion ou le port d’arme.

En outre, au-delà de l’effet d’annonce et de l’action de communication évidente qui sous-tend cette démarche citoyenne issue des milieux aisés new-yorkais, il y a peu de chance qu’on dépasse le simple stade des déclarations d’intention. En effet, en 2012 déjà, et en dépit des nombreux soutiens en sa faveur (y compris de Barack Obama lui-même), un projet de loi prévoyant d’imposer à 30% les revenus supérieurs à un million de dollars par an a été bloqué par un Sénat assez peu réceptif aux idées socialement novatrices. Car la com’ c’est bien, mais la réduction effective des inégalités sociales, ça ne fait toujours pas partie de l’ADN made in USA.

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Anthony Alberti
Entrepreneur depuis vingt ans dans le domaine de la communication et l'information stratégique, il a été amené à travailler plusieurs fois en partenariat avec des banques et des assurances, dont la principale matière d'œuvre était constituée de l'argent des épargnants. Peu complaisant à l'égard de leurs pratiques dont il a entrevu les coulisses, il délivre aujourd'hui régulièrement son analyse sans concession (et souvent piquante) non seulement sur les agissements des professionnels de la finance, mais aussi de tous ceux qui, de près ou de loin, se font les auteurs ou les complices des manipulations qui spolient chaque jour un peu plus les honnêtes citoyens.

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