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Certains malfaiteurs ingénieux ont trouvé le moyen de dérober plusieurs millions de dollars chaque année avec un risque infime de se faire prendre. La cible de ces spécialistes du crime parfait : les amandes, pistaches et autres noix de Californie.

Le vol de fruits secs qu’on grignote à l’apéritif, cela pourrait faire sourire mais le sujet est au contraire très sérieux car d’importants intérêts économiques sont en jeu, sans compter l’impact sur l’économie des régions productrices parfois déjà en difficultés face aux défis de la mondialisation. Tout d’abord, il faut savoir que les produits alimentaires et les boissons sont désormais les biens les plus volés aux États-Unis, devançant l’électronique qui trônait jusqu’ici en haut de ce palmarès peu glorieux. Ensuite, la production de pistaches, amandes et autres noix représente plusieurs milliards de dollars par an, principalement en Californie qui concentre l’essentiel des cultures. Enfin, les fruits secs ont beaucoup d’attrait pour les voleurs car leurs cours sont relativement élevés sur le marché (le prix de la noix de cajou à quasiment triplé l’an dernier), ils ont une longue durée de vie, ne possèdent aucun numéro de série ni code de traçabilité, ne peuvent pas être étiquetés, et surtout n’éveillent pas le moindre soupçon auprès des forces de l’ordre.

5 millions de dollars volés en 2015

C’est ainsi que l’an dernier, près de 30 camions remplis de noix de cajou, de pistaches ou de noix de pécan, ont été dérobés aux producteurs et transformateurs californiens pour une valeur estimée à 5 millions de dollars. La particularité de ces méfaits c’est qu’ils se sont tous déroulés en douceur, sans violence, par ruse, les voleurs se contentant d’infiltrer la chaîne d’intermédiaires entre les fermes et les détaillants.

Comme le souligne Roger Isom, le président de l’Association des transformateurs agricoles de l’Ouest californien : « Nous ne sommes plus dans le cadre du simple vol dans les vergers où les gars venaient remplir un seau qu’il allaient ensuite vendre à la sauvette sur le bord de la route. Là, on atteint des quantités et des sommes jamais vues auparavant ! » Et c’est vrai que les malfaiteurs ont désormais tendance à concentrer leurs efforts sur un nombre plus faible de vols… mais de plus grande valeur. À 15 dollars le kilo (mais cela peut grimper à 25 ou 30 dollars auprès de « détaillants » peu scrupuleux), on comprend qu’un poids-lourd de 15 ou 20 tonnes rempli de la précieuse noix puisse attiser les convoitises.

Des forces de l’ordre plutôt démunies

D’autant qu’il n’y a rien de plus banal que ce genre de véhicule sur les routes californiennes (la Californie produit 98% des pistaches du pays, 99% des noix américaines et 88% des amandes vendues… dans le monde !) Pas vraiment de quoi attirer les soupçons des policiers qui se trouvent relativement démunis face à cette nouvelle forme de criminalité organisée. « Lorsque j’intercepte une voiture contenant quelques kilos de méthamphétamine« , déclare le Sheriff Mike Boudreaux, « je sais que le conducteur finira immanquablement en prison. Et d’ailleurs, on les repère assez facilement sur la route. Mais un camion plein de pistaches… Non seulement il est impossible de tous les arrêter mais lorsqu’on en contrôle un, il est très difficile de prouver qu’il a été volé car celui qui le conduit est souvent employé de manière parfaitement régulière par le producteur ou l’acheteur. Il nous présente la paperasse qui va bien, il semble parfaitement en règle. Et comme c’est quelque chose d’assez nouveau pour nous, on se laisse peut-être encore avoir un peu trop facilement. Finalement, le gars reprend sa route normalement et on apprend seulement plus tard que plusieurs dizaines de chargements ont purement et simplement disparu de la circulation. C’est frustrant. »

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Néanmoins, les autorités policières ont décidé de prendre la question au sérieux et, même si elles rechignent à partager les détails des enquêtes en cours, leurs investigations semblent se concentrer sur un réseau de criminels parfaitement organisés, ayant une compréhension très fine des systèmes de distribution complexes reliant les producteurs, les transformateurs et les grands acheteurs.

Un mécanisme bien rodé qui prend de l’ampleur

Ainsi, lorsque par exemple une chaîne de distributeurs comme Costco commande plusieurs tonnes de pistaches à un producteur situé au centre de la Californie, il arrive que sa flotte de camions disponibles soit insuffisante. Dans ce cas, elle fait appel à une entreprise tierce pour prendre en charge les marchandises, entreprise qui à son tour sous-traite le travail à des conducteurs indépendants. Certains criminels ont donc créé des sociétés fictives afin d’infiltrer cette chaîne d’intermédiaires entre le producteur et l’acheteur, détournant les cargaisons souvent à l’insu même des conducteurs. Un système bien rodé très difficile à démanteler. « Rien à voir avec le mec un peu louche qui vend des fausses Rolex au coin de la rue« , conclut le Sheriff Boudreaux.

L’ennui c’est que les criminels prennent de plus en plus d’assurance et la quantité de marchandises dérobées augmente significativement d’année en année. En 2012, 4 vols ont été ainsi déclarés pour un peu moins de 500 000 dollars. En 2015, on dénombrait 28 détournements pour environ 5 millions de dollars. Aucun chiffre n’a pour l’instant été publié pour le début de l’année 2016, mais, selon les estimations du réseau de transport CargoNet, les vols de camions en Californie, toutes cargaisons confondues, devraient d’ores et déjà représenter plus de 6 millions de dollars de marchandises perdues.

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Anthony Alberti
Entrepreneur depuis vingt ans dans le domaine de la communication et l'information stratégique, il a été amené à travailler plusieurs fois en partenariat avec des banques et des assurances, dont la principale matière d'œuvre était constituée de l'argent des épargnants. Peu complaisant à l'égard de leurs pratiques dont il a entrevu les coulisses, il délivre aujourd'hui régulièrement son analyse sans concession (et souvent piquante) non seulement sur les agissements des professionnels de la finance, mais aussi de tous ceux qui, de près ou de loin, se font les auteurs ou les complices des manipulations qui spolient chaque jour un peu plus les honnêtes citoyens.

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